L’année scolaire 2020-2021 qui était annoncée comme l’année du lancement de l’Ecole Républicaine promise par le président de la République dans son fameux programme électoral « Taahoudati », semble être également l’année de la contestation pour un corps enseignant éternel oublié des politiques publiques.
C’est donc apparemment la prise de conscience générale et l’union sacrée au niveau du corps enseignant qui n’a pas attendu longtemps pour sortir ses griffes et aller à l’assaut pour la reconquête de ses droits légitimes et de son statut d’antan.
Ainsi donc, ce sont les instituteurs du fondamental qui ont ouvert le bal. En effet, la coordination des syndicats de l’enseignement fondamental s’active depuis quelques semaines avec l’organisation d’une série de manifestations dont la dernière en date est la grève de 48 heures organisée jeudi et vendredi derniers.
A leur tour les professeurs du secondaire ont profité du premier séminaire national de l’année sur les nouveaux programmes pour faire monter les enchères.
En effet ce séminaire qui s’est ouvert samedi 21 novembre sur toute l’étendue du territoire national et qui devait impliquer près de 6000 professeurs, a connu des perturbations importantes aussi bien au niveau des trois grands centres de Nouakchott qu’au niveau de certains centres de l’intérieur comme Atar.
Et comme toujours c’est l’argent, le nerf de la guerre qui est au centre du boycott observé ça et là de la part des professeurs qui s’indignent du traitement qui leur est réservé. Ils auraient apparemment eu vent des perdiems, un secret pourtant solidement gardé. Et à en croire les dires des professeurs le cachet qui leur est réservé constitue la potion congrue soit 2000 ouguiyas par jour. D’autres parlent de 4000/jour pour une semaine de mobilisation.
La manne profite généralement beaucoup plus aux inspecteurs et autres superviseurs qui s’en sortent avec un bon paquet. Rien à voir avec les miettes distribuées aux enseignants et c’est là une injustice à corriger.
A noter qu’au niveau de la capitale le mouvement de boycott du séminaire est très suivi. C’est ainsi qu’au niveau des DREN de Nouakchott-Nord et Nouakchott-Sud le boycott est général depuis l’ouverture officielle du séminaire et jusqu’au moment où on écrit ces lignes. Au niveau de la DREN Nouakchott-Ouest un début de débrayage a été observé dimanche matin et les délégués des professeurs ont adressé une lettre au ministre pour faire connaître leurs revendications. Au niveau de la DREN Sud les manœuvres visant à briser le mouvement dimanche n’ont pas porté leurs fruits.
Au niveau de la DREN-Nord non plus le Wali qui a tenté de caresser le bâton dimanche matin n’a pas eu plus de succès.
Ce mouvement spontané et légitime devrait mettre la puce à l’oreille du ministre de l’éducation nationale qui doit comprendre que ce n’est pas avec la politique du bâton qu’il réussira à redresser ce secteur moribond.
La circulaire adressée tout dernièrement aux walis et faisant état de la coupure illégale des maigres indemnités des enseignants est inamicale voire provocatrice.
En effet seuls les enseignants pourraient remettre le système éducatif mauritanien sur les rails. Et pour ce faire monsieur le président, monsieur le ministre et toute la République leur doivent respect et encouragement en commençant d’abord et avant tout par les mettre dans des conditions de vie décentes.
Quel enseignant aujourd’hui vit-il de son salaire ? Aucun. C’est ce que le ministre doit avoir en tête et œuvrer pour changer ce triste sort.
Ce n’est pas cette nuée de bureaucrates inutiles et gracieusement entretenue par l’argent du contribuable qui va servir à quelque chose. Elle a montré ses limites. De ce fait il est temps de tenter autre chose.
La formation continue est fondamentale certes mais il va falloir qu’elle soit organisée dans les règles de l’art. Cela est loin d’être le cas chez nous où elle est perçue tout juste comme une vache à lait qui permet à des formateurs oisifs et déconnectés des réalités éducatives, d’arrondir les fins de mois.
Autre anomalie et non des moindres qui tire notre système éducatif vers le bas : le recrutement massif des contractuels, ces cancres qui donnent une éducation au rabais à nos enfants.
N’est pas enseignant qui veut. Comment peut-on confier l’enseignement des enfants mauritaniens à des personnes qui n’ont subi aucune formation et qui n’ont aucune notion de la pédagogie, de la psychologie et de la didactique.
Bref les défis ne manquent pas et la tâche réservée au ministère de l’éducation est énorme. Donc il va falloir beaucoup plus de sérieux.
Bakari Guèye