Tribune: Un 3e mandat présidentiel, même constitutionnellement légal, peut-il être légitime ?

En ces temps troubles marqués, à l’échelle mondiale, par de grandes incertitudes au double plan sanitaire et économique, l’Afrique en rajoute, de façon opportune, une autre. En effet,  la question de la constitutionnalité du 3e mandat présidentiel en Côte d’Ivoire et en Guinée-Conakry  divise juristes et politiques. Elle expose non seulement ces deux États mais également d’autres pays africains à une forme d’instabilité institutionnelle.

Dans cette brèche grandement ouverte sur tous les possibles, il faut rendre un hommage mérité à Mahamadou Issoufou du Niger qui s’en tient, pour l’instant, à son dernier mandat. C’est sans doute une petite lumière qui jaillit d’un immense océan d’obscurité.

Trois phénomènes conjuguent leurs impacts dévastateurs sur la vie démocratique en Afrique. Le premier est lié à la longévité au pouvoir ; le deuxième à sa représentation dans l’espace publique. Le dernier phénomène renvoie quant à lui à la théâtralisation de la parole et du jeu politiques. La psychanalyse politique nous offre les clés de compréhension des mécanismes de fonctionnement, parfois interdépendant, de ces phénomènes.

Cette vie politique et institutionnelle se caractérise par une séparation rigide entre acteurs et spectateurs. Sur la scène de représentation, on passe de la lumière à l’ombre, de la tragi-comédie au tout tragique, de l’incarnation à la désincarnation. Pour les acteurs, le franchissement de la frontière généralement étanche est souvent source d’anonymat, donc de disparition symbolique.

Disons les choses clairement, les spectateurs ont vocation à le rester et le jeu de rôle des acteurs ne vise qu’à entretenir, aussi longtemps que possible, l’intrigue constitutionnelle.

Le troisième mandat est toujours de trop!

Zombifiés et infantilisés non pas seulement le temps de la représentation (d’une scène) mais en permanence, les peuples africains, de l’autre côté de la frontière, n’ont d’autre choix qu’à admirer, contre leur volonté, la troupe d’hypnotiseurs-détenteurs du pouvoir.

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Disons une fois encore les choses clairement, il y a quelque chose d’indécent à vouloir figer le jeu politique ou le recentrer uniquement sur des intérêts politiques ou matériels personnels. De telle sorte qu’on reste l’Alpha et l’Oméga de la vie politique et institutionnelle.

Le troisième mandat est toujours de trop, quand bien même les deux premiers ont été une totale réussite sur le plan des réformes sociales, économiques et politiques. La légitimité du pouvoir politique vient en partie de sa circulation et de la possibilité de chacun de l’exercer dans le but évidemment de servir les intérêts de la communauté.

Si un 3e mandat peut effectivement être légal, donc conforme à la loi fondamentale, sa légitimité pose et posera toujours un problème, car ce qui est légal n’est pas forcément légitime. La légalité est fondée sur la loi alors que la légitimité nous amène à interroger ce qui, aux yeux d’une structure sociale donnée, doit être acceptable ou considéré comme juste.

Dans tous les cas, le pouvoir politique crée les conditions politiques de sa contestation, se vide de sa substance dès lors qu’il ne donne pas des perspectives de renouvellement. S’il pense et travaille sans cesse à sa reproduction, ce système finit par générer lui-même des sentiments de lassitude et de désespérance dont l’expression pourrait être très violente.

Dr Abdoulaye Wane (Paris)

 

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