Atelier Africa 21 : Des journalistes du Maghreb à l’école des changements climatiques

« La prévention des risques de catastrophes et changement climatique au Maghreb » tel est le thème de l’atelier en ligne organisé du 21 au 23 Septembre par le Think Thank suisse Africa 24, spécialisé dans le domaine de l’environnement.

La formation organisée à l’intention de la presse du Maghreb et qui était initialement prévu au printemps à Tunis a profité à 16 journalistes du Maroc, de la Tunisie, de l’Algérie et de la Mauritanie.

Durant trois jours les journalistes ont pu profiter de l’expertise d’éminents spécialistes dans le domaine des changements climatiques dont M. Youba Sokona, Vice-président GIEC, Mme Fatima Driouech, Vice-présidente Groupe I de travail GIEC, Mehrez Ghannouchi, journaliste météo, Institut national de la météorologie, Mme Aurélie Lachant, Relations publiques pour l’Afrique et point focal pour la question du changement climatique au CICR, Mme Brigitte Leoni, Chargée de relations publiques UNDRR, M. Hedi Shili, point focal pour la Tunisie du Cadre de Sendai, Jihed Ghannem, Responsable de l’Information et de la Communication, Unité de Coordination du PNUE/PAM ,Souha El Asmi, Chargée de programme, Centre d’Activités régionales pour les Aires spécialement protégées (CAR/ASP) du Plan d’Action pour la Méditerranée, Mme Semia Cherif et M. Grammenos Mastrojeni, Hind Aissaoui Bennani, Spécialiste régionale en Migration, Environnement et Changement climatique pour les bureaux régionaux de l’OIM d’Afrique de l’Ouest et du centre et Afrique, du Nord et Moyen Orient, Nidhal Attia, Coordinateur du Programme Développement Durable et Politiques Environnementales de la Fondation Heinrich Böll Stiftung, Essia Guezzi, experte au sein du programme Landscape & adaptation, responsable du développement de la stratégie et des projets liés aux changements climatiques au WWF Afrique du nord; membre du board du réseau Climate Action Network Arab World.

Les thèmes traités ont couvert tous les aspects de la question et ont offert aux journalistes de nouvelles pistes de réflexion et un nouvel angle plus pragmatique pour le traitement des questions environnementales.

Les thèmes étudiés étaient les suivants :Changement climatique faits et données, Cadre de négociation internationale, introduction au changement climatique et à ses phénomènes, Catastrophes au Maghreb : défis, gestion et stratégies, Crises humanitaires et changement climatique, Le cadre de Sendai et la Méditerranée, le Cadre de Sendai en Tunisie ,Perspectives environnementales du changement climatique : gros plan sur la Méditerranée, A quoi ressemblera le Maghreb avec le changement climatique?, Présentation du rapport de Med ECC « Changement climatique et environnemental dans le bassin méditerranéen – Situation actuelle et risques pour le futur » et présentation de l’Union Pour la Méditerranée sur l’action pour faire face au changement climatique dans le bassin méditerranéen, Les répercussions sociales liées au changement climatique, Migration, Environnement et Changement climatique au Maghreb- Quelles réalités et quelle couverture journalistique ?,Perspectives économiques du changement climatique au Maghreb.

Le lancement de l’atelier a été donné par le mot de bienvenue de Jean-Luc Mootoosamy Vice président d’Africa 21 ; un mot adressé aux personnalités présentes et aux participants.

Il a par la suite rappelé le sujet de l’atelier et des thématiques qui seront mises en exergue. Il a remercié les intervenants et les partenaires qui ont permis la réalisation de l’atelier.

Mr Jean Luc a également remercié le Coordinateur et les membres d’Africa 24 qui ont été en première ligne pour assurer la bonne organisation de cette formation. La première intervention fut celle de Youba Sokona Vice président du Groupe Intergouvernemental d’Experts sue le Climat (GIEC) qui a mis en lumière le travail remarquable de cette prestigieuse institution scientifique.

Zoom sur le GIEC

Le Vice président du GIEC a remercié les organisateurs de l’atelier soulignant qu’elle intervient dans un moment difficile marqué par la pandémie de la Covid 19 que certains dit-il comparent aux changements climatiques  et il y a des similitudes entre les deux. Pour Mr Sokhana la différence c’est que l’impact du corona est immédiat alors que celui des changements climatiques est moins perceptible et semble beaucoup plus lointain. Aujourd’hui le Sahel est sous les eaux et certaines zones ont vu tombé en un jour l’équivalent de 3 mois de pluie. Ainsi ajoute-t-il les deux phénomènes sont de caractère planétaire et nécessitent la participation de tous avec plus de solidarité et une coopération internationale forte.

L’information, la sensibilisation et le changement de comportement sont essentiels pour relever le défi du changement climatique. Et les médias ont un rôle éminent à jouer sur les deux fronts a noté le Vice président du GIEC et ils ont une responsabilité particulière de mieux et bien informer les populations.

Il a par la suite présenter le Groupe Intergouvernemental d’Experts sue le Climat (GIEC), de ses travaux récents et de ses conclusions. Le GIEC est l’instance mondiale d’évaluation des informations d’ordre scientifique technique et socio-économique qui sont nécessaires pour mieux comprendre les risques liés aux changements climatiques d’origine humaine. Il s’agit de cerner les conséquences possibles de ce changement et envisager d’éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation. En 2017, le GIEC a reçu le prix Nobel de la Paix pour la pertinence et l’impact de son travail. Le GIEC évalue les travaux de recherches dans des domaines très variés comme l’agriculture, la santé, l’urbanisation, les Transports, l’énergie, l’économie…Le GIEC expose ses travaux aux Etats membres et à ses autres acteurs. Au cours de ses 31 années d’existence le GIEC a produit 5 rapports et le 6ème est en cours de préparation. Le premier rapport d’évaluation publié en 1990 a conduit à la création de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, l’organe des Nations Unies chargé de conduire les négociations climatiques mondiales. Le 5ème rapport d’évaluation achevé en 2014 a fourni la contribution scientifique aux négociations sur le climat en 2015 qui ont conduit à l’accord de Paris. Ce rapport a indiqué clairement que l’influence humaine sur le climat est claire et croissante et si cela n’est pas contrôlé le changement climatique augmentera la probabilité d’impacts graves, envahissants et irréversibles pour les êtres humains et les écosystèmes. Cependant les options sont disponibles pour l’adaptation et l’atténuation du phénomène.

Entre les rapports d’évaluation qui sont préparés tous les six ou sept ans le GIEC prépare aussi des rapports spéciaux sur des sujets particuliers, à la demande des Etats membres. Au cours du cycle actuel, trois rapports spéciaux ont été produits.

D’abord le rapport spécial sur les océans et la cliosphère dans le contexte du changement climatique. Dans ce rapport, la cliosphère de l’eau dans son état gelée comme les calottes glacières et les glaciers. Ce rapport est le dernier qu’on a publié en Septembre 2019. Ce rapport montre comment nous pouvons être affectés par les changements climatiques qui se produisent loin dans les océans, les pôles et en haute montagne. Il détaille la manière dont agissent les océans depuis des décennies, comme une éponge absorbant le dioxyde de carbone et la chaleur pour réguler la température mondiale. Mais, ils ne peuvent plus maintenir la cadence. Pris ensemble, ces changements montrent que les océans et la cliosphère ont pris le chemin du changement climatique depuis des décennies. Les conséquences pour la nature et l’humanité sont considérables et sévères. Ce rapport souligne l’urgence d’une action opportune, ambitieuse, coordonnée et durable, ce qui est en jeu, c’est la santé des écosystèmes, de la faune et surtout le monde que nous laissons à nos enfants.

Le rapport changements climatiques et les terres émergées, ce rapport a été conduit en août 2019. Comme nous le savons poursuit Sokona, l’atmosphère change rapidement à cause de ce que les humains font. Plusieurs secteurs importants sont responsables des émissions de gaz à effet de serre notamment le secteur de l’énergie, de l’agriculture, des forêts et autres utilisations des sols, de l’industrie, du transport et dans le secteur du bâtiment. Ce rapport spécial indique qu’environ 22% des gaz à effet de serre d’origine humaine proviennent de l’agriculture, de la déforestation et de la destruction des tourbières. Ce rapport montre que la croissance démographique et les changements climatiques montrent que dans la consommation des denrées alimentaires, d’aliments pour animaux, de fibres, de bois et d’énergie ont entraîné des taux d’utilisation des terres et de l’eau douce sans précédent. Les événements extrêmes sont devenus plus fréquents et plus intenses : 500 millions de personnes vivent dans les zones qui font face à la désertification. A mesure que la population mondiale augmente les zones arides peuvent être plus vulnérables et il y a des limites à ce qui peut être fait pour restaurer les terres. La dégradation de la terre réduit la capacité du sol à absorber le Carbone et cela aggrave le changement climatique. A son tour, le changement climatique aggrave la dégradation des terres. La dégradation des terres affecte la productivité et les cultures et libère le Carbone dans l’atmosphère. Malgré l’augmentation de la production alimentaire on estime que 821 millions de personnes sont sous-alimentées dans le monde. Le changement climatique entraînera le déclin des rendements, une augmentation des prix, une réduction des niveaux de nutriments dans les aliments et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement. Mais des choses peuvent être faîtes pour arriver à contenir le problème. 25 à 30% des aliments produits sont perdus et gaspillés. La réduction des pertes ou gaspillages peut contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à améliorer la sécurité alimentaire. Près de la moitié soit dans l’ordre de 41% des émissions de Méthane d’origine humaine provienne du bétail. Les changements de régime alimentaire peuvent réduire la pression sur les terres et réduire les émissions. La végétation et les sols absorbent 1/3 des émissions de CO2 ; la gestion durable des terres peut améliorer la quantité les émissions absorbées par le sol et la végétation et parfois inverser les effets néfastes du changement climatique.

Abordant le réchauffement climatique planétaire, Mr Sokona a détaillé le 3ème rapport spécial du GIEC et d’affirmer qu’il y a des choses qui peuvent être faîtes pour diminuer les effets du changement climatique. Et de présenter quelques options tirées dudit rapport appelé 1,5°C. Ce rapport a été publié en octobre 2018 à la demande des gouvernements lors des conclusions de l’Accord de Paris. Cet accord demande que le réchauffement climatique soit maintenu bien en dessous de 2°, au dessus du niveau préindustriel, tout en poursuivant les efforts pour limiter à 1,5°C. Ce rapport indique que, ce que la science sait sur les impacts du réchauffement climatique de 1,5°, les parcours de missions qui nous permettent de maintenir le réchauffement à ce niveau, les différences en termes d’actions et d’impact entre le réchauffement de 1,5° et 2° au plus. Pour résumer les résultats de ce rapport en quelques mots : toute augmentation supplémentaire de la température compte ; deuxièmement chaque année compte et enfin chaque action humaine compte. Cette limitation de la température à 1,5 peut aller de pair avec plusieurs objectifs mondiaux. Le rapport du GIEC démontre que les activités humaines ont déjà provoqué un réchauffement de 1° depuis l’époque préindustrielle. Si le monde continue à se réchauffer à ce rythme actuel la température mondiale atteindra probablement 1,5° entre 2030 et 2052. Les émissions ne sont pas seuls responsables du réchauffement. D’ici à 2100 l’évolution moyenne du niveau des océans serait d’environ de 10 cm inférieure avec un réchauffement planétaire de 1,5° au lieu de 2°. Cela signifie que jusqu’à 10 millions de personnes sont exposées au risque de la hausse du niveau des mers. Un réchauffement de 1,5 au lieu de 2° signifie une perte de biodiversité réduite et d’extinction des espèces ; et aussi des réductions plus faibles des rendements de maïs, de riz et du blé et potentiellement d’autres cultures céréalières. Et la proportion des populations exposées aux pénuries d’eau induite par les changements climatiques serait jusqu’à 50% inférieure avec un réchauffement climatique de 1,5° au lieu de 2°, ce qui paraît assez significatif.

Le rapport montre comment la vie et les moyens de subsistance des gens dans le monde sont affectés par ces modifications. Par exemple, limiter le réchauffement climatique à 1,5 au lieu de 2° pourrai réduire le nombre de personnes exposées au risque climatique et ceux vulnérables à la pauvreté, plusieurs centaines de millions de personnes d’ici à 2050. Le rapport montre que limiter le réchauffement à 1,5° permettra de limiter les émissions de dioxyde de Carbonne d’environ 45% d’ici 2030. Pour limiter le réchauffement à 1,5°, les émissions de dioxyde de Carbonne devraient atteindre zéro en 2050. Cette limitation à 1,5 implique des changements à l’échelle sans précédents. Cela implique des réductions dans des secteurs comme l’énergie, les terres, les bâtiments, les transports, l’alimentation et les agglomérations urbaines. Cela signifie le changement d’utilisation d’un vaste éventail de technologies, de comportements et une augmentation significative des investissements dans des options à faible émission de Carbonne ou zéro Carbonne. Par exemple, les énergies renouvelables fourniraient entre la moitié et les 2/3 de l’énergie primaire d’ici à 2050. Les progrès réalisés dans ce domaine doivent être repris dans d’autres secteurs tels que les transports et la gestion des terres.

En conclusion indique le Vice président du GIEC le rapport spécial montre que le réchauffement planétaire à 1,5° peut être maintenu grâce à un ensemble de mesures d’adaptation et d’atténuation soigneusement sélectionnées ce qui permettra d’atteindre les ODD et la réduction de la pauvreté.

La combinaison de l’adaptation, de l’atténuation et le développement durable serait une manière plus efficace quand les décideurs sont soutenus par les gouvernements nationaux. La coopération internationale est essentielle pour réussir ce pari dans tous les pays et pour tous.

Il y a lieu de souligner que l’Association Africa 21qui a un Statut consultatif spécial auprès de l’ECOSOC, accréditée à l’OMC, Observateur à la CNUCED est  un think tank basé à Genève et se donne pour mission, entre autres, « d’ œuvrer, par l’apport d’une base de faits, d’analyses et par la promotion du débat, à une meilleure compréhension des enjeux internationaux structurant le développement socio-économique durable de l’Afrique. »

Les objectifs de Africa 21 sont de : suivre et relayer l’information pertinente;, contextualiser et analyser les enjeux clefs; présenter des éclairages prospectifs et œuvrer à des propositions constructives ; répondre aux besoins d’assistance technique et renforcer les capacités; faciliter la diffusion des travaux des africains et des africanistes hautement qualifiés.

A noter enfin que le trio qui a supervisé tout ce travail était composé de Ambroise Perrin, ancien journaliste et présentateur du journal TV de France 3 Alsace qui a assuré la modération de l’atelier, M. Georges Kottos qui est le Responsable technique et la coordination de tout ça était assuré par M. Julien Chambolle, Secrétaire Général d’Africa 21.

Compte rendu de Bakari Guèye

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