La Mauritanie valide la stratégie nationale de la ZLECA

La Mauritanie vient de franchir un pas décisif dans le cadre de l’intégration économique africaine avec la tenue ce jeudi 17 septembre à Nouakchott de l’atelier de validation de la stratégie nationale de  mise en œuvre de la ZLECA (Zone de Libre Echange Continentale Africaine).

Cet atelier organisé par le ministère du commerce, de l’industrie et du tourisme en étroite collaboration avec la Commission Economique pour l’Afrique (CEA) a été supervisé par des personnalités de haut niveau avec notamment M.Mohamed Lemine Ould Dhehbi, ministre du commerce, de l’industrie et du tourisme par intérim et d’autres personnalités dont un conseiller à la Présidence de la République, le Secrétaire Général du ministère du Commerce, de l’industrie et du tourisme, le président de l’Union nationale du patronat mauritanien et le président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Mauritanie.

Au niveau de la CEA on a noté également une participation de haut niveau, avec les interventions par vidéoconférence de M. Stephen Karingi, Directeur de l’Intégration Régionale et de la Division du Commerce à la CEA, M. Prudence Sebahizi, Conseiller Senior en charge de la ZLECAf à la Commission de l’Union Africaine, M. Wamkele Mene, Secrétaire Général de la ZLECA.

La rencontre a pour objectif de s’assurer de la capacité de la stratégie nationale de mettre en œuvre dans les meilleures conditions l’accord économique de libre échange africain.

Pour le ministre mauritanien du commerce, de l’industrie et du tourisme par intérim, l’événement est de taille. Il a félicité l’apport de la CEA à tous les niveaux du processus et a annoncé l’entrée en vigueur de la ZLECA en janvier 2021.

Il s’agit a-t-il ajouté d’un un marché de 1,2 milliard de consommateurs, ce qui aura pour effet d’aider les économies africaines à se remettre plus rapidement des répercussions de la pandémie de la Covid- 19.

Le ministre a également mis en exergue le rôle pionnier de la Mauritanie dans le processus de mise en œuvre de ce marché africain dont le pays attend les retombées positives

Dans un communiqué de presse rendu public le même jour, la CEA souligne que : « Les participants auront l’occasion d’établir un diagnostic économique, commercial, financier, environnemental et social de la Mauritanie à la veille de sa mise en œuvre de l’accord, étudier les défis à relever et les opportunités à saisir pour le pays ainsi que les modalités d’une contribution efficace du secteur privé national et autres acteurs clés dans la mise en œuvre de l’accord. »

Les intervenants représentant la CEA ont insisté sur la nécessité et l’urgence de mettre en œuvre le marché commun africain, ce qui permettra une relance de l’économie après la grave crise de la Covid 19. Donc tous les pays sont invités à ratifier l’accord et à entreprendre l’harmonisation des règles en vue d’un marché unique de 1,2 milliard de consommateurs.

Ce marché aura beaucoup d’avantages pour l’Afrique à en croire ces experts. Une étude récente de la Banque Mondiale note que l’impact de la ZLECA permettra à plus de 30 millions d’africains de sortir de la pauvreté. Les recettes augmenteront de 450 milliards de dollars d’ici 2035 et les exportations africaines connaitront un bond de 560 milliards de dollars. Ainsi, la ZLECA renforcera considérablement la résilience de l’économie africaine.

Pour sa part, M. Mohamed Lemine Sidi Mohamed, directeur adjoint de la promotion du commerce extérieur au ministère mauritanien du commerce, a affirmé que la Mauritanie fait partie des premiers pays qui ont élaboré une stratégie dans ce domaine et cette stratégie assure-t-il est l’une des meilleures selon la CEA.

Il a ajouté que cet atelier permettra d’améliorer davantage cette stratégie.

Mohamed Lemine a aussi relevé que le PIB de la ZLECA s’élève à 2500 milliards de dollars, ce qui en fait la 8ème puissance économique du monde.

A ce jour il n’y a que 29 pays, dont la Mauritanie, qui ont encore ratifié l’accord et l’espoir est de mise pour que les autres pays restant le fassent avant janvier 2021.

L’objectif de la ZLECA, poursuit-il est que les pays libéralisent 90% du commerce de leurs produits tarifaires, d’ici 2031, pour les moins avancés comme la Mauritanie.

Les pays ont seulement droit à 3% de leurs produits qui pourront échapper à cette libéralisation.

Selon la CEA, l’accord de la ZLECA permettra d’augmenter de 60% le commerce intra-africain qui n’est aujourd’hui que de 17%.

L’accord prévoit également l’application du principe de la nation la plus favorisée qui interdit la discrimination commerciale ; et tous les pays seront tenus de respecter cette clause.

Aujourd’hui, 90% des négociations pays sont terminées. La première phase a porté sur les règles d’origine et le commerce des marchandises. La 2ème phase a concerné le commerce des services, les barrières tarifaires, etc. La 3ème phase concerne le commerce électronique. Aujourd’hui il existe une plate-forme de règlement des litiges en ligne ( il n’y aura plus de droits de douane). Il y a aussi le PAPS qui est un système panafricain de règlement et de payement. C’est une plate-forme électronique avec un système de compensation,  qui va faciliter les échanges. Elle est financée par la banque africaine d’import-export.

A noter également l’existence de l’Observatoire du Commerce qui est un outil important, surtout pour le secteur privé.

Le directeur adjoint de la promotion du commerce extérieur au ministère mauritanien du commerce a aussi annoncé le lancement de la campagne de sensibilisation sur la stratégie en direction notamment des opérateurs privés nationaux pour leur expliquer les défis de ce marché et de ses outils.

Et d’ajouter que l’accord sur la ZLECA entre dans le cadre général de plusieurs autres accords signés par la Mauritanie, à savoir celui avec la CEDEAO, celui de l’APE avec l’Union Européenne ainsi que plusieurs autres accords bilatéraux et notamment celui avec la Turquie.

Mais l’accord sur la ZLECA est de loin le plus important et appelle selon M. Mohamed Lemine à relever six défis qui sont : enchevêtrer les CER (Communautés économiques régionales), et il y en a 8 officiellement reconnues et 14 qui ne sont pas reconnus ; régler le problème des barrières non tarifaires (contrôle douanier abusif-ainsi la durée moyenne pour qu’une marchandise franchisse les frontières au sein de la CEDEAO est de 30 jours, alors qu’elle n’est que de 10 jours dans l’espace européen-) ; la diversification de l’économie (par exemple en Mauritanie 90% des exportations ne reposent que sur deux produits alors qu’au Maroc 75% des exportations reposent sur 80 produits) ; protéger les économies nationales (clauses des mesures de défense commerciale) ; encourager l’industrialisation avec la transformation des produits ; améliorer la logistique et les infrastructures de transport qui sont inexistantes ou dans un très mauvais état. C’est ainsi par exemple que pour transporter une marchandise de Douala à N’Djamena, deux pays frontaliers, il faut trois fois plus de temps que de transporter la même marchandise de N’Djaména à Shangai en Chine.

Notons que la stratégie mauritanienne qui vise à tirer pleinement profit de la ZLECA propose une feuille de route détaillée et les instruments adéquats pour atteindre les objectifs visés. Il s’agira de mettre à niveau le dispositif institutionnel et les moyens humains et financiers nécessaires. La Mauritanie doit créer un cadre propice pour faciliter les exportations et développer les secteurs de production-exportation dans lesquels elle présente un avantage comparatif, puis réviser la politique d’industrialisation et de promotion des investissements pour une participation plus active à la ZLECA.

Parmi les opportunités offertes par la ZLECA à la Mauritanie il y a entre autres le fait de se positionner comme un HUB continental ; pour le secteur privé national il s’agira d’exploiter les avantages d’un marché estimé à un milliard trois cent millions de consommateurs, environ ; profiter aussi en matière de promotion des IDE et d’attractivité des investisseurs étrangers ; des avantages certains en matière d’industrialisation avec la perspective de l’introduction des équipements industriels pour la transformation et la conservation des produits halieutiques… ; pour les consommateurs la disponibilité des produits concurrents sur la base qualité/prix…

La stratégie détaille également les modalités de financement de la mise en œuvre de l’accord, le plan de communication et de visibilité avec la sensibilisation des autorités, des élus et du secteur privé, des campagnes dans les médias, des affiches, etc.

Rappelons enfin que la ZLECA est un vieux rêve des pères fondateurs : mettre ensemble les économies africaines pour que ces pays deviennent une force qui compte dans le concert des Nations. Le commerce intra-africain est faible. Il est de 17% seulement ; l’Europe est à 70,5% et l’Amérique Latine (30%). Donc en Afrique le commerce est faible et il convient de corriger cette anomalie.

Le processus de mise en œuvre de la ZLECA a été négocié en un temps record, en trois ans ; le 21 mars 2018 un accord a été signé par 44 Etats membres. Depuis, dix autres pays sont venus se joindre. Il y a un seul pays, l’Erythrée qui n’a pas encore signé. Sur le 54 Etats, 29 ont déposé les instruments de ratification au niveau de l’UA. Techniquement, il en faut 22 pour la ratification. Ce chiffre a été atteint en Avril 2019 et l’accord est entré en vigueur le 30 mai 2019 et il a été formellement lancé au sommet extraordinaire de l’UA du 07 juillet à Niamey.

Bakari Guèye

 

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