JD Diabira, Membre du conseil d’administration de la NBM et DG de Westbridge:«Les perspectives du marché Mauritanien sont réconfortantes»

La NBM (nouvelle banque de Mauritanie), suite à sa restructuration réussie,  va repartir avec un nouvel Investisseur qui en sera actionnaire principal. Il s’agit de Westrbridge Bank. Entretien avec JD Diabira, membre du conseil d’administration de la NBM et Directeur général de Westbridge

Initiatives News : Ce n’est pas courant l’entrée d’une firme Canadienne dans le paysage d’affaires Mauritanien, même si nous avons déjà les minières Kinross et All Gold Resources dans le pays depuis de longues années ; Qu’est-ce qui motive une institution financière telle que Westbridge à investir en Mauritanie.

JD Diabira : Un potentiel de croissance au-dessus de la moyenne, un environnement de « doing business » encourageant et une volonté politique de transparence et de lutte contre la corruption ; ce sont la souvent les ingrédients clés qui attirent les entreprises internationales, qu’elles soient une grande multinationale, ou une start-up. Et Westbridge n’est pas différente à cet égard. Nous sommes attirées par les perspectives de croissance à deux chiffres qu’offre l’opportunité d’exploitation du gaz offshore. Elle ouvre la porte à de solides perspectives d’accompagner des entreprises Canadiennes dans le domaine (le gaz étant une spécialité du Canada quand même). Pour rappel nous avions déjà eu l’opportunité d’investir en Mauritanie en 2017 et nous avions à l’époque choisie de ne pas y aller. L’environnement politique compte pour beaucoup. Surtout pour une entité de taille moyenne, qui n’a pas les ressources d’une énorme multinationale et qui n’a que son expertise à offrir. 

Initiatives News : Westbridge en Afrique semble se positionner largement sur le marché de l’acquisition de banques en difficulté. On n’imagine que les risques dans ce genre de d’approche sont très élevés. Dans le cas de la NBM, qu’avez-vous eu comme défis et risques ?

JD Diabira : C’est vrai que nous avons opté pour une croissance bâtie sur des acquisitions d’institutions existantes, et souvent en difficulté. Je crois que nous avons assez d’expérience en gestion de risque pour généralement anticiper les situations les plus typiques et les intégrer dans nos prix d’acquisition et notre stratégie de redressement. Dans les institutions financières, le risque de crédit et les perspectives de recouvrement sont la source principale de problèmes et de solutions. Malheureusement dans le cas de l’ex NBM, nous faisons plutôt face à une gigantesque entreprise de fraude, établie depuis le départ comme telle.

Il s’agit d’une banque qui a été gérée au profit presque exclusif des actionnaires et apparentés, au point que sur les 35 milliards (mro) d’engagements dans le bilan, plus de 26 milliards sont directement ou indirectement attribuables à deux ex-actionnaires et leurs affiliés. Nous avons hérité de près de 120 sociétés fictives et ou apparentées qui ont servi à détourner l’argent des déposants, incluant les particuliers citoyens ordinaires mais aussi les institutions de l’état, le Trésor. Sans compter les banques correspondantes internationales, dont certaines s’apprêtent aujourd’hui à initier  des actions en justice pour une fraude s’élevant à 9 à 12 millions d’euros, dans leur cas. Il s’agit d’une banque qui n’a même pas d’états financiers réguliers; les commissaires aux comptes ayant refusé (à juste titre) de certifier les livres de l’institution. Il faut direqu’on parle ici d’un trou d’une profondeur inimaginable, des fonds propres négatifs en milliards, une absence systémique de garanties sur les actifs, et des dizaines et des dizaines de sociétés fictives, souvent dissoutes juste après encaissement de l’argent des prêts frauduleusement obtenus, beaucoup de faux contrats de prestation a des amis qui encaissent deux à trois millions chaque mois, sans prestation réelle. Voilà donc ce que nous avons trouvé devant nous. Et pour lequel nous avons payé l’ouguiya symbolique.

Initiatives News : C’est une situation extrêmement préoccupante que vous décrivez ici, ou était la BCM tout ce temps ?

JD Diabira : Il faudra peut-être poser la question de la BCM directement. Mais vous savez, comme beaucoup de Mauritaniens désormais, que jusqu’à l’an dernier, il vous suffisait d’avoir dans votre actionnariat ou dans votre équipe de direction une personne proche de l’autorité pour avoir carte blanche pour faire tout ce que vous voulez.

À sa décharge, la BCM a  suivi la situation de près, l’a documenté rigoureusement et lorsque l’environnement politique l’a permis, a agi vite pour préserver le système bancaire.

Pour le reste, je pense que le faux procès qui est fait à la BCM trouve sa source auprès de ces gens qui ont eu de trop nombreux passe-droits et qui se savent aujourd’hui acculés. Et ils pensent s’en sortir en organisant des campagnes de dénigrement médiatique contre la BCM et  les investisseurs étrangers comme Westbridge.

Initiatives News : Au vu de cette situation alarmante, qu’avez-vous fait depuis la confirmation de la Cession (Mai 2020) pour contenir ou juguler ces risques?

JD Diabira : La cession de la banque a été finalisée début Mai 2020 entre les ex actionnaires et Westbridge. Ce que nous avons acquis n’étant pas un joyau, le prix de cession a été établi à une ouguiya symbolique, avec contrepartie la prise en charge de l’ensemble du passif de la banque et bien sur une obligation de recapitalisation sur échéancier. Nous avons soumis une stratégie de redressement et de croissance, qui a reçu l’aval de la BCM. Et nous avons mis en place un conseil d’administration qui désormais supervise l’action de la Direction Générale. Ce conseil a pris langue avec un nombre important de clients de la banque, avec les autorités mais aussi avec nos employés. Pour écouter et comprendre d’abord. De cette écoute, nous avons établi nos priorités sur le terrain.

La priorité des priorités pour nous était de rassurer les banques correspondantes étrangères qui avaient le moyen de ternir davantage la réputation du pays avec un impact négatif considérable sur l’accès du pays aux devises. Ces banques étrangères étaient grugées à travers une fraude sans précèdent, et il importe de les rassurer à travers un engagement ferme de remboursement, des garanties bancaires là où il faut et une coopération continue en toute transparence. C’est ce à quoi nous nous attelons depuis que nous avons pris le  contrôle de la banque. Et nous pensons pouvoir finaliser des ententes avec toutes ces banques étrangères avant le 4 septembre, à un cout de quelques millions de dollars.

Entre-temps, nous avons fait intervenir un cabinet comptable pour établir les comptes de la banque, et faire certifier les états financiers. C’est une étape vitale préalable a toute action d’investissement, mais elle est aussi la base d’actions de recouvrement et d’éventuelles poursuites judiciaires à l’encontre de ceux qui ont organisé et ceux qui ont bénéficié de l’entreprise de fraude.

Nous avons continué à satisfaire les demandes de remboursement des déposants, en priorisant les plus urgents des cas. Il y a encore énormément à faire avant que nous puissions satisfaire toutes les demandes, mais nous n’avons plus les longues files d’attente d’il y a quelques mois. Il me semble raisonnable de penser que ce problème de déposants particuliers ne sera plus qu’en souvenir lointain d’ici la fin du mois de septembre  

Les actions en recouvrements ont commencé aussi a donné des fruits. Nos équipes ont bénéficié d’un début de formation dans ce sens, et nous avons communiqué avec la clientèle en défaut de paiement et nous trouvons réponse chez ceux qui ont bonne fois et nous travaillons avec eux. Pour le reste, nous avons recruté un cabinet de recouvrement international, qui procède déjà au traçage et identification des actifs cachés dans des pays comme le Maroc, la France, le Sénégal, le Luxembourg et la Tunisie ou l’Espagne et les pays du Golf. 

Et dès que les restrictions de voyage liées au  Covid le permettront et que nous pourrions déployer nos équipes sur le terrain, les actions encore plus concrètes pourront voir le jour en relation avec les prises en compte des risques que présente la situation de la banque.

Initiatives News : Vous avez devant vous un défi colossal pour redresser le navire NBM, quelles sont les perspectives qui vous donnent encore confiance et espoir dans le marché Mauritanien ?

JD Diabira : Les perspectives du marché Mauritanien sont réconfortantes, heureusement. Une des actions concrètes justement que nous avons au programme la semaine du 24 Aout c’est l’organisation du premier séminaire de présentation de notre nouvelle stratégie de soutien aux institutions de microfinance (les IMFs) du pays.  C’est l’occasion pour notre équipe de direction de décliner en détail comment la banque se met au service des IMFs du pays.

En réalité, (en dehors de l’immobilier), nous avons aligné la stratégie de la banque de détail le long des priorités du Plan Stratégique du gouvernement, en déclinant les six secteurs de l’économie que nous allons couvrir, secteurs qui, soit dit en passant, recouvrent la vaste majorité des emplois dits informels du pays [pêche, maraîchage, élevage, transport, automobiles et textiles].

Nous couvrons  ces secteurs justement à travers notre soutien technique et financier aux institutions de microfinance du pays. C’est une stratégie qui donne la part belle aux institutions de proximité, tout en leur offrant le soutien technique et financier nécessaire pour aider à une plus grande professionnalisation du secteur.

Ces priorités sont aussi en phase avec nos valeurs RSE (responsabilité sociale) d’entreprise Canadienne. Ces valeurs RSE sont centrées autour de l’égalité du genre, le crédit responsable et l’inclusion financière. En pratique ça veut dire que nous mettons la femme en avant dans nos recrutements de cadres, dans nos politique de crédit ; cela veut dire que dans l’octroi de crédit nous mettons l’emphase sur un endettement soutenable et productif (comme d’ailleurs le requièrent les valeurs de l’islam); pour ce qui est de l’inclusion, l’emphase est sur l’accessibilité du point de vue coût des opérations bancaires, mais aussi proximité avec le client.

Les Mauritaniens de l’extérieur (MDE) sont aussi partie intégrante de la stratégie. L’ouverture d’une agence à Paris (qu’on espère pour fin Octobre) permettra de couvrir plus efficacement cette composante de la population, y compris leur besoins en immobilier de logement ou immobilier commercial.

Propos recueillis par BS

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One comment

  1. Très belle initiative. Bon vent à la NBM à travers WESTBRIDGE.

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