La commission d’enquête parlementaire mise sur pied il y a quatre mois par l’Assemblée Nationale continue à marche forcée d’éplucher les dossiers de l’ancien régime avec de forts soupçons de mal gestion et de détournements des deniers publics.
La commission a pour principale mission d’éplucher certains gros dossiers ; notamment la gestion de la Société nationale industrielle et minière (SNIM) et sa fondation, les attributions de marchés publics dans le domaine de l’énergie, la gestion du foncier à Nouakchott, les concessions au niveau du port de Nouakchott et le contrat avec la société chinoise «Poly Hong Dong Fisheries» en matière de pêches.
Depuis sa création la commission a audité des dizaines de pontes de l’ancien régime dont l’ex inamovible premier ministre Moulaye Ould Mohamed Laghdaf qui a confirmé ce que l’on savait déjà, à savoir que le président Aziz était le seul maitre à bord et c’est lui qui détenait les cordons de la bourse.
Les auditions s’accélèrent et la dernière en date a eu lieu le 23 juin courant et ce fut celle d’un fidèle parmi les fidèles, l’ancien ministre Seydina Ali Ould Mohamd Khouna qui avait pendant le dernier trimestre du règne de Aziz occupé simultanément les postes de Ministre de la Fonction Publique, du Travail, de l’Emploi et de la Modernisation de l’Administration, le ministère de la culture, de l’artisanat et porte-parole du gouvernement, en plus de la présidence de la commission chargée de la gestion du parti UPR.
Avant lui c’était autour d’un autre gros poisson du système azizien qui avait été entendu le 15 juin dernier. Il s’agit en l’occurrence de Mohamed Abdallahi ould Yaha, un richissime homme d’affaire proche de la famille régnante. Il est considéré comme l’homme des multinationales et des gros contrats.
Et pour couronner le tout on attend prochainement l’audition du boss, l’ex président Aziz qui à en croire des sources concordantes devrait intervenir au tout début du mois prochain. On parle du 7 juillet. Et ironie du sort Aziz sera face à ses anciens soutiens dont Ould Diah, l’avocat qui dirige cette commission d’enquête. Et ce sera la mésaventure de l’arroseur arrosé. Cette audition est jugée nécessaire par Lemrabott Ould Benahi, porte parole de la commission qui estime que c’est normal d’auditionner l’ex président qui dit-il a dirigé le pays pendant 12 ans.
Les députés enquêteurs se sont attachés l’assistance de trois cabinets internationaux, ayant remporté un appel d’offres devant 17 concurrents: la firme britannique Taylor Wessing (aspects juridiques et de procédure), Matine Consulting (Tunisie-spécialisé dans les audits) et Gibraltar Advisory (Infrastructures).
Les résultats de ces audits pourraient éventuellement déboucher sur des poursuites judiciaires «en cas d’indices graves et concordants, pouvant être rattachés à des faits de corruption, ou toute autre infraction liée à la violation des règles d’attribution des marchés publics.
Notons que la création de cette commission d’enquête fait suite à un rapport compromettant de la Cour des Comptes et intervient dans un contexte de suspicion à l’égard de l’ancien président et son entourage ; une suspicion renforcée par les graves révélations du Premier Ministre ce Week end qui a déclaré qu’au 31 juillet 2019, le Trésor public Mauritanien n’avait que 26,4 milliards d’ouguiyas dont 18 milliards d’aides de la Banque Mondiale, tandis que l’État fait face à des obligations de plus de 200 milliards d’ouguiyas ; une façon de dire que les caisses de l’Etat étaient vides.
Autre pièce à apporter au dossier, il s’agit des accusations de corruptions brandies contre l’ex-Président et ses hommes par le Sénateur Mohamed Ould Ghadda, qui n’a pas hésité à donner des noms et à brandir des documents en guise de preuves.
Notons enfin que la commission a lancé une course contre la montre car elle doit rendre son rapport à la fin du mois de juillet.
Bakari Guèye, La Tribune N°767 du 29 juin 2020