La crise du coronavirus a été fatale à l’économie mauritanienne qui était déjà en très mauvaise posture le 1er août dernier lorsque le président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz a transmis le témoin à son frère d’armes et ami de longue date Mohamed Ould Cheikh El Ghazwani.
Les caisses de l’Etat étaient vides comme l’a déclaré solennellement le premier ministre le 29 janvier dernier devant le parlement. A en croire le chef du gouvernement l’équipe sortante dirigée par Ould Abdel Aziz a laissé une dette de 200 milliards d’ouguiyas dont 300 millions de dollars doivent être remboursés en 2020. Au 1er août 2019 le compte du Trésor Public n’était crédité que du montant ridicule de 26,4 milliards d’ouguiyas dont 18 milliards disponibilisés par la Banque mondiale à titre d’appui au budget.
A l’énoncé de ces chiffres les mauritaniens et tous les observateurs tombaient des nues et le choc était d’autant plus fort que le président sortant et ses sbires entretenaient un véritable tintamarre sur leur fameuse politique de lutte contre la gabegie qui s’est avérée n’être qu’un leurre. Et la surprise était d’autant plus grande que durant la décennie écoulée le pays a bénéficié d’une grande manne tirée des recettes du fer dont les prix ont connu une hausse historique durant une longue période. La Mauritanie a également bénéficié d’une aide internationale accrue de la part des bailleurs de fonds arabes et des partenaires internationaux.
A l’issue d’une réunion la semaine dernière à Nouakchott, le ministre de l’économie et de l’industrie, Abdel Aziz Ould Dahi, président de la commission de veille économique a fait observer que les prévisions font état d’une croissance négative qui se situera aux alentours de mois 2% devant entrainer un déficit budgétaire de 5%, une manière de dire que les indicateurs économiques sont au rouge.
Face à cette situation peu confortable, la Mauritanie ne pourrait compter que sur l’assistance extérieure. Ce n’est donc pas un hasard si le leitmotiv de l’équipe gouvernementale devient l’annulation pure et simple de la dette, une campagne lancée récemment par le président Ghazwani à l’occasion d’une rencontre par vidéoconférence avec la participation de 50 chefs d’état et hauts responsables consacrée au financement du développement pendant et après cette période de la covid-19. Il a plaidé pour une annulation immédiate de la totalité de la dette afin de pouvoir faire face aux conséquences dramatiques de la crise. C’est dans ce contexte qu’il conviendrait d’inscrire la rencontre du premier ministre Ould Cheikh Sidiya avec les représentants du système des Nations Unies et de l’Union Européenne ainsi que l’appel lancé par le ministre des affaires étrangères Mr Ismael Ould Cheikh Ahmed qui a participé vendredi dernier, par visioconférence, à une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies.
A noter que la Mauritanie a déjà par le passé bénéficié à plusieurs reprises de l’initiative PPTE. La dernière fois c’était en 1996, lorsque le FMI et la Banque mondiale ont lancé l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) en vue d’alléger la dette de certains pays africains. Cette mesure a été complétée en juin 2005 par l’initiative d’allègement de la dette multilatérale.
Malheureusement les milliards issus de cet allègement de la dette n’ont pas servis à grand-chose et ont été dilapidés.
Comment un pays comme la Mauritanie qui jouit d’immenses richesses peut-il continuer à vivre sous perfusion aux dépens de la communauté internationale ? Comment une économie aussi précaire du fait de la mal gestion va-t-elle accusée le coup asséné par la crise du corona virus ?
Difficile de se frayer un chemin pour une économie extravertie, en coupe réglée, et entièrement dépendante des maigres subsides versées par des firmes internationales qui opèrent un pillage en règle de nos richesses halieutiques et minières.
Face à l’ampleur de la crise nos autorités ne trouvent pas mieux que leur vieille recette de la main tendue pour recevoir des miettes de la part de nos « généreux » donateurs qui en contrepartie ne se feront pas prier pour récupérer leur dû.
Il serait souhaitable que nos dirigeants tirent les leçons de cette crise mondiale et décident enfin de repartir sur de bonnes bases en vue d’une exploitation plus judicieuse et d’une gestion intégrée de nos immenses ressources.
Bakari Guèye