II- Interrogations et réactions aux échos des campagnes
Pourquoi ne pas nous ressaisir, pour éviter le pire et réparer notre Etat?
Les campagnes de propagande continues des dix dernières années sont en train de déteindre sur la forme et le ton de la campagne actuelle et d’inoculer leur poison à son corps.
Du fait de ces campagnes, notre Mauritanie de l’honneur, de la fraternité et de la justice est entrain de se transformer en un champ pour de laides batailles.
Nous enfonçons les couteaux dans les plaies de ceux que nous avons blessés dans leur chair ou dans leur amour propre. Nos discours sont diatribes et satires. Nos poésies ne sont plus que critiques et injures. Les règlements de compte structurent nos rapports humains. L’inquisition est notre arme politique et étatique, d’utilisation généralisée et systématique. Nous enterrons nos vivants, nous déterrons nos morts!
Nous nous métamorphosons!
Les idées et la rationalité sont expulsées par les émotions, par les mauvais sentiments de colère, de haine et de rancune desquels nous ne semblons point vouloir guérir.
Chez nous, la mauvaise monnaie chasse la bonne.
Nos populations, assimilées à un bétail électoral, sont réduites, dans notre mémoire et dans notre langage, à des points cardinaux. Au moment même où notre boussole, en panne, n’indique plus le Nord; nous les affilions à l’Est, à l’Ouest, au Nord et au Sud, comme pour leur dénier le droit à la nationalité mauritanienne, à une patrie, en étiquetant ainsi leurs fronts ou leurs langues.
Nous expatriions hors de nos frontières certains de nos concitoyens et nous interdisons à d’autres leur sol natal, au moment où nous ouvrons larges ses portes aux multinationales pour leur octroyer sol et richesses de notre pays, en leur permettant de transférer des bénéfices et des dividendes quasi- équivalents à leurs chiffres d’affaires.
Grâce à nous, les chinois, les australiens et les américains du nord s’enrichissent de notre sous- sol, de nos terres rares ou abondantes, de la surface de nos mers et de nos fonds marins. Nous mettons dans le même panier du PIB leurs revenus, générés en Mauritanie, avec celui de nos compatriotes, afin de pouvoir annoncer que le Revenu des mauritaniens, dans sa globalité et par habitant, est en perpétuelle augmentation alors qu’en réalité, pour ces raisons et pour d’autres encore, nous nous appauvrissons jour après jour.
Selon la Banque mondiale, nous sommes le pays qui, dans ce bas monde, profite le moins de ses ressources naturelles.
Nous nous endettons pour couvrir les importations des sociétés minières étrangères.
Nos investissements tuent nos entreprises et produisent notre surendettement.
Sous d’autres cieux et en d’autres temps, nos étudiants ont été majors de leurs promotions dans les grandes universités, françaises notamment; aujourd’hui, notre université est, dans le monde, la dernière de la classe. L’économie du savoir qui devient la locomotive de l’économie mondiale, nous devons encore la découvrir.
En revanche, nous nous approprions le brevet de l’invention de l’esclavage et nous revendiquons son monopole dans le monde et l’exclusivité de sa pratique.
Nous attribuons à l’Etat national mauritanien, à la Mauritanie indépendante, tout le retard et le manque à gagner des Harratines (parce qu’ils n’ont pas une grande part dans le détournement des deniers de l’Etat) et nous considérons que leur salut et l’amélioration de leurs conditions viendront de l’Occident, sans passer par le savoir, ou par le commerce ou l’immigration. Et nous oublions que l’administration coloniale d’hier , n’en a scolarisé, dans ses écoles, que 3 garçons d’un même famille, alors que l’Ecole de la Mauritanie indépendante en a inscrit dans son enseignement public des centaines de milliers, au point de faire de l’un des nôtres et des leurs, le Premier de nos académiciens, le Ministre de l’Enseignement Supérieur.
Pour nous, le long terme, c’est demain!
En ce siècle où les slaves et les latins s’unissent et se regroupent dans le village européen; nous, nous voudrions dresser, les uns contre les autres, les membres d’une même communauté, membres d’une même famille. Ces Hassanophones /Alhassaniyin (je préconise et préfère l’utilisation de cette dénomination , faisant référence à la langue, comme c’est le cas chez les Pulars, les français ou les allemands, à celle de Beidanes et Harratines) ont, pourtant, la chance et le privilège d’être des musulmans du même rite, de posséder, en Afrique francophone, en plus de l’accès au français, une langue dans laquelle est écrit Le plus beau des livres et de baigner dans la même culture, de partager le même patrimoine, les mêmes villes et la même histoire. La même manière de vivre et de mourir dans un même couple: pauvreté-dignité.
L’enrichissement, par les voies normales dans notre pays, se fait à travers les canaux du commerce, de l’agriculture, de l’élevage et de la migration vers les pays riches, pétroliers, en l’occurrence.
D’autres voies existent, elles sont plus faciles et leurs résultats sont plus rapides: la drogue, le détournement des deniers publics, la corruption, le blanchiment d’argent sale. Mais quand saurons-nous donc que les voies faciles sont toujours les moins bonnes, les plus laides et les plus risquées?
Pourquoi, si nous sommes sincères dans notre engagement pour leur cause, ne pas leur montrer les bonnes voies, les aider à s’instruire, à commercer et à valoriser leurs activités rurales. Pourquoi notre intérêt est- il exclusivement porté sur les chemins qui débouchent sur l’enrichissement sans cause, par ponction illicite sur les deniers publics, accessibles aux seuls ‘’leaders’’ ? Pourquoi chercher à semer les graines de la haine dans les cœurs généreux, à côté des ventres vides, tout en recommandant les chemins sinueux qui ne mènent que vers la destruction de ceux qui accepteraient de les prendre?
Nous instrumentalisons la tribu pour l’asservir au premier homme qui parvient au pouvoir à Nouakchott. Nous la dépossédons d’elle-même, c’est à dire de ses nobles valeurs ancestrales, en distillant des idées reçues sur la modernité et en sublimant le matérialisme et toutes sortes de perversions venant d’occident, via l’Afrique ou le monde arabe ;nous la morcelons pour la transformer en bétail électoral à vendre, au lieu de lui faire jouer ses rôles classiques de solidarité et d’éducation, dans la dignité et dans la fierté. Nous importons vers elle, des divisions politiciennes. Au lieu d’en faire un acteur respecté et compatible avec la République, nous l’utilisons pour pervertir le processus démocratique, la justice et pour saper les fondements de la République.
Il est vrai qu’il est plus facile de faire des constats que de réformer et d’adapter, mais cela ne justifie pas qu’on faillit à notre devoir d’essayer, de commencer…..
Nos mains sont endolories par les applaudissements aux discours manquant de contenu, de sève et d’objectivité, au lieu d’être ‘’mises à la pâte’’ pour produire richesse matérielle et intellectuelle.
Nos pieds et nos jambes sont enflammés à cause de la course permanente, non vers le progrès et le développement, mais derrière les mirages et les cortèges des 4X4 présidentiels.
Aussi, la substance financière part- elle en ‘’fumée-gasoil’’ polluantes entre les villes, et l’équivalent de ce qui pourrait nourrir, pendant toute une année, les villes visitées, finit-il, en quelques jours, dans leurs poubelles. Plus grave encore, les rallyes automobiles sur des routes trouées, emportent, précocement, des vies précieuses et endeuillent ces coûteuses et inutiles fêtes. La finalité de tout ce cirque est de donner, artificiellement, aux téléspectateurs des télévisions, à Nouakchott, en l’occurrence, l’impression d’une popularité que tous savent sans consistance et sans pérennité.
Nous essayons de charcuter le même corps sociétal métissé, par la création des clivages, autour des futilités, entre les descendants de Zawayas d’une part, et ceux de guerriers, d’autre part, alors que le moule daddahien de la Républicaine a ‘’maraboutisé’’ les guerriers qui sont devenus cadis, imams et érudits, pacifistes et pacifiques et, du même coup, a fait des fils de marabout des héros de guerre et des généraux, pleins de courage et même, parfois, ‘’d’agressivité’’.
Dieu continue à sélectionner nos fleurs, nos étoiles et, à Lui, elles retournent, dans la fleur de l’âge, parce qu’à Lui, elles appartiennent : le Brillant et honnête économiste, Ahmed Ould Zein, l’intègre Mohamed Sidiya Ould Bah, Commissaire à la Sécurité alimentaire,
sous- alimenté à la fin de sa vie, le Savant Yahya Hamidoun, victime de nos faux médicaments, le Pr Ahmed Salem Boubout, une sommité mondiale en droit constitutionnel, l’Historien Kane Saidou et le Pr Ahmed Aicha victimes de l’état de nos routes, le Poète et écrivain Diagna Ousmane, le Président Louly….. Paix sur leurs âmes.
Allah a raréfié les pluies; il reprend ainsi ce qu’il a donné dans les oasis et dans le monde rural. Si on ne peut rien contre la Volonté divine et le destin, pourquoi, dans ces conditions, chaque fois qu’un arbre, le printemps arrivé, bourgeonne et épanouit ses fleurs, dans je jardin mauritanien, dans une ville, dans une famille, le souffle empoisonné d’un Putschiste ayant kidnappé le pouvoir vient- il systématiquement les faner sur leurs tiges.
Nos cadres ? Nos intellectuels qui sont encore de ce monde, comment les traitons-nous? Marginalisés ou exilés!
Pourquoi coupons-nous les gigantesques arbres de notre verger mauritanien qui nourrissent, de leurs fruits, leurs propriétaires, les travailleurs qui les irriguent et les passants qui se reposent à leur ombre, au moment où nous avons, plus que jamais, besoin de cueillir leur récolte? Nos grandes entreprises modernes, dans des secteurs qui échappent aux aléas climatiques, quel sort subissent- elles, de temps à autre? Demandez aux Groupes Haba, Bouchraya et Bouamattou. Ces palmiers dont l’admirable épanouissement attestait le grand âge, dans la réussite, sont persécutés ou liquidés !
Pourquoi n’essuyons- nous pas, de nos propres mains, de nos mains propres, les chaudes larmes de nos veuves et de nos orphelins, par compassion, par solidarité et en fondant en excuses ? Pour quoi ne leur prêterions-nous pas nos yeux pour que nos larmes, dès lors qu’elles ont pleuré jusqu’à épuisement, viennent s’ajouter aux leurs, précédemment versées, pour former ensemble un fleuve qui irrigue nos terres, afin qu’y poussent les bonnes herbes de la symbiose, de la fraternité? Ainsi, se réhabiliterait la justice sur terre que Dieu récompense par la pluie venant du ciel et non du flot des larmes. Pourquoi nous complaire à demeurer dans l’infernal cercle vicieux de la mélancolie, dans lequel des malveillants veulent plonger éternellement nos populations, en leur versant des larmes de crocodile.
Pourquoi nous auto exclurions – nous du débat public et national et de l’Administration en nous accrochant à une revendication de transcriptions des langues, certes légitime, mais qui adviendra, un jour, quand nous serons tous morts, et ce, dans le dessein, conscient ou inconscient , de nous faire croire à nous-mêmes, aux étrangers et à tous ceux qui ignorent nos réalités que nous vivons sous un Etat d’apartheid?
Car, pour nous, le long terme, c’est demain!
Pourquoi abandonner mortellement un bilinguisme, considéré comme une chance d’ouverture et d’enrichissement, et pratiqué dans tous les pays du Maghreb voisin, pour n’avoir plus qu’une seule langue que nous finissons par malmener au point de la ramener au rang d’un dialecte, au moment même où les autres, autour de nous, deviennent polyglottes ?
Pour nous, le long terme, c’est, toujours, demain!
Pourquoi avons-nous supprimé les écoles d’alphabétisation, cessé d’écrire et de lire et opté pour une société et une administration de l’oralité à moins qu’elle ne soit totalement muette?
Pourquoi imputons-nous la responsabilité et les fâcheuses conséquences des errements et fautes de ceux qui ont tenté des coups d’états militaires, avec des intentions clairement génocidaires, à des communautés entières et entièrement innocentes?
Pourquoi « franchir le Rubicon » en traversant les frontières nationales et africaines, la Méditerranée et l’Atlantique, afin d’obtenir des cartes de séjour et des indemnités de réfugiés et, plus tard, une autre nationalité, et dénigrer sa patrie d’origine, après avoir induit en erreur ses cousins, aînés et cadets, restés dans le campement nomades ou au village et abandonnés à leur sort?
Pourquoi mener une propagande acharnée, pratiquer l’intoxication dans le dessein de donner à l’étranger, la pire des images de son pays, au lieu de voir en face ses réalités et de se battre courageusement pour l’amélioration des conditions de vie matérielles et morales de nos populations?
Quelle fierté arabe pourrons- nous tirer de l’idéologie ou des attitudes des lepénistes envers nos compatriotes et frères mauritaniens qui sont africains et musulmans comme nous?
Pourquoi le culte de l’argent sale et puant? Pourquoi prétendre que, même sale, l’argent n’a pas d’odeur ? Pourquoi croire que l’important est d’en avoir par n’importe quel moyen? Pourquoi vouloir tout accaparer en ignorant le dénuement de son prochain ?
De quel déficit islamique souffrons-nous pour justifier le besoin d’importer un islam nouveau, wahabite ou daechiste? Quelle contrepartie financière pourrait valoir, pour nous, notre liberté de pensée et notre religion ?
Pourquoi nous acharnons- nous contre notre passé et continuons- nous à y vivre, en insultant l’avenir ?
Pour quoi continuer indéfiniment à tourner en rond ?
Pourquoi tant de problèmes sans solutions? Pourquoi tant de « solutions » qui ne résolvent aucun problème ?
Il n’y a, cependant, pas de Problème sans Solution !
Mais les solutions passent nécessairement par l’élaboration de programmes volontaristes et réalistes fondés sur des diagnostics justes et pertinents.
En tout état de cause, la Mauritanie profonde est ouverte, généreuse et fondamentalement bonne.
Son peuple, dans toutes dans toutes ses composantes est anciennement et profondément pénétré des valeurs de l’Islam authentique. Il est, tant dans les zones désertiques que le long de la vallée du fleuve, soucieux d’unité, de justice et de paix. Sa préférence va toujours à la consensualité, à la compréhension et aux solutions dégagées après une longue concertation et un dialogue franc et sincère
Les questions qui se posent à lui sont des questions politiques à résoudre politiquement, dans la concorde et dans l’entente.
Ce qui est agité par les manipulateurs, je l’appelle pour ma part de la « Mani- politique », terme que l’auteur de ces lignes vient d’inventer comme il a inventé en 2007, le terme « inclusif » dans son acception actuelle et dont on connaît la grande fortune au double niveau national et international.
Il va sans dire que je ne souhaite pas le même succès à la « la mani-politique », tout en précisant que ces deux termes sont deux « mauritanismes » qui représentent ma contribution personnelle à l’enrichissement de la langur de Molière. De toute manière, les mauritaniens unis et fiers réserveront aux problèmes qui se posent à eux un traitement adéquat et inclusif loin de la « mani-politique » et des pêcheurs en eau trouble.
A SUIVRE
Pr Mohamed Ould Mohamed EL Hacen