Des femmes leaders et des militantes pour les droits des femmes en Mauritanie ont organisé ce jeudi 27 décembre un sit-in devant le siège de l’Assemblée Nationale.
Cette manifestation fait suite au rejet mardi dernier par la commission de l’orientation islamique, des ressources humaines et des affaires culturelles de l’Assemblée Nationale de loi relative à la violence basée sur le genre. C’est la seconde fois que cette loi est renvoyée au gouvernement.
En janvier 2017, cette même loi qui a été présentée aux députés avait suscitée une vive polémique, les élus du peuple estimant que certains de ses articles étaient contraires à la charia islamique qui demeure le fondement de toutes les lois en Mauritanie.
C’est ainsi que l’article 19 initial de ladite loi préconise : « Est passible d’un emprisonnement allant d’une année à deux ans tout époux qui prive sa partenaire de ses libertés générales ».
En effet cette notion de « libertés publiques » a constitué une véritable pierre d’achoppement. Pour les députés mauritaniens cette notion de libertés publiques n’a pas la même acception selon qu’on soit en Mauritanie ou en Occident. D’autres notions méconnues de la société mauritanienne conservatrice ont motivé le rejet de cette loi.
Le texte comportait des notions assez floues aux yeux des députés telles que « les pratiques inhumaines », « l’atteinte à la dignité », « l’atteinte à l’honneur ».
Ainsi, cette loi qui vise à pénaliser la violence basée sur le genre et qui est jugée jusque là contraire à la religion musulmane est pourtant réclamée à cor et à cri par les militants des droits des femmes car ils estiment que cette loi permettra de combler le vide juridique dont souffre le système judiciaire Mauritanien. Ils y voient un gage, une garantie pour les femmes victimes de violence basée sur le genre.
Une loi vivement souhaitée
En Mauritanie, les violences contre les femmes sont monnaie courantes et les victimes sont le plus souvent abandonnées à leur triste sort.Dans son dernier rapport sur le sujet présenté en septembre dernier à Nouakchott, l’ONG américaine de défense des droits de l’homme, HumanRights Watch a mis en exergue la situation précaire des femmes victimes de violences sexuelles en Mauritanie.
Ces femmes sont le plus souvent incomprises et mises au banc de la société.
Le rapport souligne les affres d’une stigmatisation accentuée par une inadéquation des textes juridiques qui font que ces victimes sont systématiquement présentées comme des boucs émissaires par la police et par les autorités judiciaires. Et leur situation déjà si précaire est aggravée par l’absence d’une assistance judiciaire appropriée et d’une prise en charge médicale, psychologique voire sociale.
C’est ainsi que pour Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orientet Afrique du Nord à HumanRights Watch : « Les femmes et les filles Mauritaniennes ne devraient pas courir le risque d’être emprisonnées, ou davantage stigmatisées, du seul fait qu’elles dénoncent des abus sexuels. » Et Sarah d’ajouter : « Pour lutter contre les violences sexuelles, la Mauritanie devrait exiger que les forces de l’ordre et le système de santé publique cessent de traiter les victimes comme des suspectes, les soutiennent lors de leurs démarches judiciaires et de leur rétablissement, et traduisent les agresseurs en justice. »
Le rapport soulève un certain nombre de problèmes qui constituent une épée de Damoclès suspendue sur les têtes des victimes qui sont le plus souvent accusées de « Zina» (adultère) ; elles font face aussi au fait que la question est taboue mais aussi à une stigmatisation prégnante. Par ailleurs il n’y a pas d’espaces aménagées pour accueillir ces victimes ; et sur le plan médical, les procédures sont très chères et en Mauritanie, il n’existe qu’un seul médecin pratiquant la médecine légale.
En conclusion le rapport invite le gouvernement mauritanien à promulguer le projet de loi sur le genre, un projet de loi qui devrait pénaliser le viol et prohiber le harcèlement.
Bakary Guèye
Lakoom-info