« Laqad kaana lakoum fii rassoulilaahi ouswatoun hassana » Coran
« En effet vous avez dans le Prophète un excellent modèle, pour quiconque espère en Allah et au Jour dernier et invoque Allah fréquemment« : Coran
A l’inverse de ce qui s’observe généralement dans les sphères de prédication islamique, Sidi Lamine Niasse n’était pas un prêcheur violent.
Hommage par Mbacké Ndiaye*
Grand intellectuel et journaliste chevronné, il pratiquait le doute, la critique constructive et chérissait la Liberté. Il incarnait un héroïsme de raison. Attitude qu’il avait mis en scène en la matérialisant à travers la fameuse émission « Diné ak jamono » initiée pour fonder une éthique du débat, un débat contradictoire et ouvert.
« Sidi » comme tout le monde aimait à l’appeler affectueusement, avait les réflexions les plus ambitieuses, les réflexes les plus empreints de patriotisme dans la quête de la démarche la plus à même de corroborer et de satisfaire l’intérêt général et cela à tous moments même au cœur de l’actualité la plus brûlante : rien, intellectuellement, ne le faisait reculer ou renoncer; Il ne répugnait pas à aller au chaudron et n’hésitait point à patauger dans la gadoue pour autant que c’est le prix à payer pour donner de la voix à ceux qui n’en avaient pas.
Grand amoureux de la Démocratie participative, et nuancé dans ses prises de positions. Il s’imposait la consigne stricte de laisser toujours une porte ouverte à la réplique, à la contradiction voire même à la contestation. Il ne se privait jamais d’en user lui-même sans jamais en abuser et n’en déniait jamais l’exercice aux autres. Il a toujours accepté pour autrui ce qu’il réclamait pour lui même
Preuve s’il en faut de la pureté de l’intention qui l’animait (Ikhlâs)
« Rien n’est plus lourd dans la balance d’un croyant le jour de la résurrection que le charme d’un bon caractère« : Hadith prophétique
Aucun gouvernement, de Senghor àMacky Sall en passant par Diouf et Wade n’a réussi à faire de lui, de son groupe de presse ou de ses journalistes « des délégués à la propagande »
Le sacerdoce absolu de Sidi a toujours été d’éclairer les esprits plutôt que d’attiser la haine.
Contre les radicalismes et extrémismes tenaces de l’heure: ethnique, religieux, politique, confrérique et j’en passe, Sidi trouvait toujours, en son for intérieur, dans son background fait d’érudition, la force et la sagesse de leur opposer une autre forme de résistance : la radicalité du juste milieu comme l’avait prônée et enseignée son mentor paix et salut sur lui: Mohamed
Le Coran qu’il affectionnait à lire en toutes circonstances nous apprend à propos du prophète de la lumière et de la raison une vérité qui régulait et illuminait son quotidien : »Vous avez dans le prototype prophétique un modèle parfait« : Coran
« Et tu es certes d’une moralité éminente » : Coran
Sidi Lamine Niasse était un prototype parfait pour ceux qui aiment la radicalité dans la nuance; Il aimait à résumer sa pensée dans cette boutade toute emplie et toute empreinte de sagesse et de distanciation ; « être et se constituer en contre-pouvoir et non tomber dans le travers systématique d’être contre le régime en place. Une attitude qui contrastait avec les pratiques dominantes dans l’espace confrérique sénégalais. Il tenait à se différencier et à nuancer sa position par rapport à la majorité des familles ou chapelles dites religieuses du pays dont la pratique récurrente se résumait dans cette sentence catégorique : » Nioun d’u niou kontar pouwaar » une mise en garde que l’on pourrait traduire trivialement comme suit : « Ne comptez pas sur nous pour nous dresser contre un gouvernement en exercice »
C’est là toute la beauté et toute l’utilité de cette « nuance » pour le peuple sénégalais.
C’est là la voie des sans voix, la sortie des sentiers battus, le pas de côté, le devoir d’ingratitude, l’audace de la dissidence à travers la liberté dissonante à la fois du verbe et de la tonalité.
« Ceux d’entre vous que j’aime le plus et qui seront assis le plus près de moi le jour de la résurrection sont ceux d’entre vous qui jouissent de la meilleure moralité » : Hadith prophétique
Subtilité délibérément assise sur une orientation philosophique qui marquait d’un trait de noblesse et de dignité toute la différence d’appréciation de la vie, si brève et de l’œuvre si grandiose du « Walfiste en chef ».
Sidi vouait un culte presque religieux au « chic de la nuance » et de la « subtilité » au point qu’il en était devenu serve
Pour la postérité, Le vrai legs de Sidi Lamine Niasse c’est d’avoir forgé pour nous et pour les générations futures un outil sémantique et comportemental opposable en toutes circonstances aux vocables « salafiste« , « salafisme » et autres fanatismes ou radicalismes outranciers.
En effet, si Sidi Lamine Niasse est parti à jamais, l’esprit « walf » ou le « walfisme » lui survivra à jamais : « Sidi » nous en a inoculé le sérum avant de prendre, définitivement, congé de nous. Avec cependant ce lot de consolation qui s’est imprimé en nous individuellement et collectivement : Une part de « Sidi » s’est fixée en chacun de nous pour toujours.
Et c’est cela le « walfisme ». Par conséquent, ne soyez pas étonné d’entendre, dans les jours prochains, la voix d’un sénégalais lambda vous dire, avec un brin de fierté ; « Vous savez, moi je suis un peu « walfiste » histoire de vous signifier qu’il est un peu « rebelle »
Voilà pourquoi la perte soudaine et brutale de Sidi Lamine Niasse, pour douloureuse qu’elle soit, ne nous laissera jamais tout à fait orphelins
Nous te serons éternellement reconnaissants
Repose en Paix dans le paradis céleste du Dieu commun à Mohamed, à Jésus et à Moïse
Amen
*Juriste et politologue Sénégalais