Assemblée nationale : Un nouveau Président, une meilleure perspective

Cheikh Ould Baya,nouveau Président de l’Assemblée

Lundi 8 octobre 2018. Tous les regards sont tournés vers l’Assemblée nationale. C’est là que cette institution fait sa rentrée au lendemain des élections qui ont tenu en haleine le pays tout le mois précédent.

Quelques 153 députés sont sortis du lot des candidats au suffrage universel, les quatre restants seront choisis par leurs homologues pour représenter les Mauritaniens de l’étranger dans une phase ultérieure. Le moment est à la confection du bureau et surtout au choix du nouveau Président de l’Assemblée nationale.

Après la cérémonie d’appel, le Bureau «d’âge» dirigé par le plus âgé des députés – ici Sid’Ahmed Ould Djié du Tagant – demande aux candidats à la présidence de se déclarer. Aucune surprise : la Majorité avait déjà annoncé Cheikh Ould Baya de Zouerate comme son unique candidat, tandis que l’Opposition radicale a choisi ce moment pour présenter Souvi Ould Cheibany de Tawassoul. L’occasion pour lui de faire un discours de campagne qui ne manquera pas de déranger les plus bruyants du camp en face. Le ton est donné mais la tension retombe dès qu’on passe au vote.

Tout semble couler de source, en tout cas tout se déroule normalement. Sans heurt. Même atmosphère lors de la désignation du Bureau de l’Assemblée nationale et qui a fait finalement l’objet d’un consensus. Le Président, tout comme son Bureau sont élus confortablement et même légitimés par une sorte de convergence qui sonne comme une bonne augure pour la Législature qui commence.

C’est d’autant plus heureux que cette Chambre est désormais l’unique institution légiférant au nom du peuple mauritanien depuis la suppression du Sénat à la suite de la réforme constitutionnelle de 2017. Son Président est celui qui pallie à l’absence forcée du Président de la République en attendant le retour à la normale. Tandis qu’elle a été dotée des pouvoirs nécessaires pour entériner ou non la nomination d’un gouvernement.

Dans la conjoncture qui est celle de la Mauritanie qui vivra en 2019 le premier départ d’un Président parce qu’il aura consommé ses deux mandats, la mise en place d’une telle institution, à ce moment précis, est de grande importance. Présider aux destinées d’une telle institution est tout aussi un moment de consécration.

Portrait du nouveau président de l’Assemblée nationale

Cheikh Ould Ahmed Ould Baya est né en 1954 dans le nord du pays où il a fait toute sa scolarité primaire avant de rejoindre le collège d’Atar puis le lycée de Nouakchott où il obtient un baccalauréat série scientifique (D) en 1976.

Il choisit d’entrer à l’Armée et fait une formation à l’Académie royale de Meknès au Maroc. Mais c’est à Bassorah en Irak qu’il obtient son brevet d’officier au long cours, une Maîtrise en sciences maritimes. Il subit plusieurs formations de perfectionnements dont une en Anglais aux Etats-Unis d’Amérique et une autre au Royaume Uni.

Brillant officier de la Marine, il dirige ce corps en 2003 à la suite de la tentative de putsch de juin 2003. Il hérite d’une base où sont parqués des dizaines d’officiers et de soldats sous leurs commandements et souvent entraînés malgré eux dans une insurrection qui a fini dans le sang sans aboutir.

D’où les mauvais traitements dont les auteurs présumés du putsch sont victimes en attendant que l’enquête soit ouverte.

Ould Baya refuse de laisser pourrir une situation déjà grave. Il le fait entendre à qui de droit et exige l’amélioration des conditions des prisonniers sinon leur prise en charge par un autre corps. Un fait d’arme public largement relayé par la presse de l’époque et par les parents des prisonniers.

En 2004, alors qu’il avait quitté la Marine, devant la même situation, d’autres officiers, principalement Mohamed Ould Abdel Aziz, Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed (Ghazwani) et Mohamed Ahmed Ould Ismael refuseront aussi de participer à l’enquête alors que des officiers et des soldats sont maltraités. La hiérarchie finit par plier pour éviter la sédition interne et l’enquête peut se dérouler dans de meilleures conditions pour les prisonniers.

 

Quand survient le coup d’Etat de ses amis (3 août 2005), il est sur le point de partir aux Etats-Unis où il a été désigné comme attaché militaire. C’est à lui qu’ils pensent quand il s’agit de diriger la Direction de la Surveillance maritime, véritable pivot de toute opération d‘assainissement du secteur de la pêche. Son passage donne les résultats escomptés. Mieux, il devient le «Monsieur pêche» du redressement entamé en août 2005 et continué depuis.

Un technicien des négociations

Négociateur principal des accords avec l’Union européenne, il arrache pour le bien du pays plus qu’espéré. Ce qui irrite bien sûr tous ceux qui ont vécu jusque-là sur le dos du pêcheur mauritanien, du citoyen mauritanien en général en trafiquant des arrangements avec les opérateurs étrangers. Tantôt par le truchement de contrats de consignation, tantôt par la provocation de méventes des produits nationaux.

Cette réussite lui permet de renégocier le dossier de Polyhondong, celui des Russes… Il fixe ainsi des critères en-deçà desquels il est désormais impossible de s’arrêter et sort le dossier Pêche des emprises de la politique pour en faire une affaire technique qui demande compétence et rigueur. Il gère à ce titre le dossier épineux de la migration et provoque la création d’un corps d’élite – les Garde-Côtes – dédié à cette mission.

Mais le technicien des négociations sur la pêche entre en politique en 2013 quand il est élu Maire de Zouerate, une ville qu’il aime et qu’il servait déjà. Les défis sont immenses dans une cité minière où le rapport avec la politique n’obéit pas aux règles traditionnelles de la reconnaissance des bienfaits.

Cheikh Ould Baya réussit à converger ses protagonistes politiques – les grands acteurs locaux que sont APP et Tawassoul – dans la gestion de la Mairie. Il se révèle ici en homme de consensus refusant l’exclusion et préférant traiter en partenaire avec le protagoniste. La conquête du fauteuil de président de l’Association des Maires de Mauritanie n’a pas été difficile. Elle est venue des Maires eux-mêmes.

A la tête de l’AMM, il a pu lui procurer un siège en plein centre de Nouakchott, obtenir pour les Maires plusieurs traitements, les engager dans les batailles les plus significatives.

Quand il est élu député de Zouerate, la rumeur sur le destin qu’on lui préparait avait déjà pris la forme d’une information. Elle est réelle aujourd’hui. Il est élu Président de l’Assemblée nationale.

Ami personnel du Président de la République actuel, sa présence au milieu du dispositif laisse peu de chance au hasard. Comme elle élimine les pêcheurs en eau trouble qui ont profité jusqu’à présent de leurs promotions pour semer la zizanie au sein du système de Ould Abdel Aziz provoquant un flou dans lequel ils peuvent se mouvoir sans mal. Cette désignation/élection signe la reprise en main du système politique dans la perspective de le confier à qui de droit…

 

Ould Oumeir

La Tribune N°760

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