Avec nous ou contre nous : une logique qui tue l’objectivité

En Mauritanie, la vie publique semble désormais enfermée dans une logique binaire : il y aurait, d’un côté, ceux qui sont « avec les autorités » et, de l’autre, ceux qui sont « opposants ». Cette classification réductrice est non seulement fausse, mais aussi dangereuse.

Car elle compromet trois piliers essentiels : l’objectivité, l’indépendance et l’intérêt national. On ne peut plus analyser une action gouvernementale sans être immédiatement catalogué. Prenons un exemple : si l’on écrit que l’un des acquis majeurs de notre pays aujourd’hui est la sécurité, et que l’on remercie les autorités d’avoir assuré une certaine sécurité utile à notre pays dans le contexte régional qui est le nôtre, on sera aussitôt accusé de flatter les dirigeants pour obtenir un poste ou une faveur. Pourtant, c’est une réalité : dans un environnement instable, la sécurité reste un acquis vital qu’il faut reconnaître. De la même manière, la maîtrise progressive de l’état civil constitue un progrès considérable et indispensable pour la bonne gouvernance. À cela s’ajoute un autre élément de satisfaction : la présence accrue de la Mauritanie sur la scène internationale et diplomatique, qui renforce son image, attire l’intérêt de nombreuses nations et suscite l’attention des investisseurs. Ce sont des avancées réelles, qu’il est légitime de mettre en relief. Mais là encore, toute reconnaissance publique est immédiatement interprétée comme une manœuvre d’allégeance.

À l’inverse, si l’on critique certaines politiques publiques, on est immédiatement étiqueté « opposant ». Pourtant, il est du devoir citoyen de pointer les dysfonctionnements évidents : un système éducatif en crise et incapable de former les générations futures, un système de santé chroniquement défaillant, une administration souvent lente et inefficace, une justice qui peine à garantir l’équité, et un secteur privé trop faible pour inspirer confiance aux investisseurs et soutenir un développement durable. Souligner ces réalités n’est pas s’opposer pour s’opposer, mais chercher à améliorer la gouvernance de notre pays.

Réduire le débat national à « pour ou contre » ne rend service à personne. Ce manichéisme appauvrit la réflexion, empêche la construction d’un consensus et, in fine, nuit à l’intérêt supérieur de la nation. Notre pays mérite mieux qu’un choix imposé entre allégeance aveugle et opposition systématique : il mérite une analyse libre, critique et patriotique, tournée vers le progrès commun.

Maître Ahmed Salem Bouhoubeyni

27/08/2025

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