Conférence des ministres africains des finances, de la planification et du développement économique

La 53ème session de la Commission économique pour l’Afrique avec à la clef la Conférence des ministres africains des finances, de la planification et du développement économique s’est ouverte ce matin à Addis Abeba.

« Nous devons poursuivre notre mission et protéger nos populations. »

Prenant la parole à cette occasion le Ministre marocain de l’économie, des finances et de la réforme de l’administration et Président du Bureau sortant, a affirmée d’entrée que ; «  cette Conférence  des  Ministres  devait se  tenir  en mars  2020,  conformément  aux  statuts  de  la  CEA.  Son report à   2021, à l’instar de bien d’autres événements internationaux, a été l’une    des    multiples    facettes    d’une    pandémie doublée    d’un    choc    économique comme le monde en a rarement vu. » Mohamed Benchaaboun a ajouté que la conférence intervient dans une conjoncture difficile marquée par la pandémie de la Covid 19. Mais malgré les contraintes dit-il nous devons poursuivre notre mission et protéger nos populations.

Et le ministre marocain de noter er que les répercussions socio-économiques de la Covid marqueront encore le monde durant les prochaines années. Selon lui, le monde post-Covid s’annonce en parfaite rupture avec le monde d’avant. Le coup de frein à l’activité mondiale instaure un climat d’incertitude.

Pour la première fois depuis deux décennies, le PIB de l’Afrique s’est contracté. Le ralentissement du flux des investissements est inquiétant. L’impact économique est contrasté mais la crise a mis en exergue la vulnérabilité des économies du continent.

Mohamed Benchaaboun a par ailleurs souligné la pertinence du thème choisi dans ce contexte. Il trouve sa pertinence eu égard au rôle que pourrait jouer l’industrialisation et la numérisation dans l’essor économique de l’Afrique d’où la nécessité du déclenchement du processus de l’industrialisation durable. Et avec le brassage de l’industrie et du numérique présenté comme la 4ème révolution industrielle l’Afrique pourrait combler son sous-développement.

« L’intégration des technologies numériques dans les processus industriels permettra également, à de nombreux pays africains, de faire évoluer leurs modèles de croissance, fondés sur les exportations des produits de base, vers des modèles plus diversifiés, basés sur la transformation créative de valeur ajoutée. »

Et pour relever tous ces défis : « le succès de l’industrialisation durable et de la numérisation de l’économie restera tributaire de la capacité de l’Afrique à combler ses nombreux déficits en particulier, en termes d’infrastructures, de compétences et, bien entendu, de financement. »

Et parmi les atouts dont dispose l’Afrique le ministre marocain a cité l’essor du commerce électronique et le lancement le 1er janvier dernier de la ZLECAF.

Mais la question des financements demeure posée avec acuité avec la restriction des manouvres budgétaires et l’endettement.

« L’Afrique est en train de réfléchir aux solutions de cette crise multidimensionnelle « 

Dans son discours, la Secrétaire générale adjointe de l’Organisation des Nations Unies et Secrétaire exécutive de la Commission exécutive pour l’Afrique, Vera Songwe a pour sa part noté  que l’Afrique est en train de réfléchir aux solutions de cette crise multidimensionnelle : crise sanitaire, crise climatique et crise de la jeunesse. Elle a révélé que 33% du PIB africain a disparu même si ajoute-t-elle l’Afrique a moins souffert que les autres.

Au 8 mars 2021, plus de 3,97 millions de cas, touchés et 106000 morts.

Jusqu’à 9% perdus dans les catastrophes naturelles liées au climat en 2019.

Selon les estimations, la croissance du PIB est passée de 3,3% en 2019 à -2,6% en 2020 et devrait être de 3,7% en 2021. La plupart des pays africains devraient perdre 2 à 5% de leur PIB en raison du changement climatique d’ici 2030 selon des estimations prudentes.Une relance de 100 milliards USD aurait pu éviter la récession en 2020 a affirmé Mme Songwe.56 milliards USD ont été engagés en 2020 et 35 milliards USD ont été décaissés.S’agissant de l’impact sur la pauvreté en Afrique, la CEA estime qu’entre 49 et 161 millions d’Africains sont tombés dans la pauvreté à cause du COVID-19, avec une estimation de 100 millions comme scénario le plus probable.

La pauvreté en Afrique est à la fois étendue et profonde. Plus d’un milliard de personnes (soit plus de 80% de la population totale) ont une consommation moyenne inférieure à 5,50 $ / jour (PPA). Les deux tiers d’entre eux vivent dans des pays dont la consommation moyenne est inférieure à 1,90 USD / jour.

Dans une nouvelle allocation de 500 milliards de DTS, le groupe G7 recevra 10 fois le montant de DTS qui ira à l’Afrique.

Des marchés financiers solides en Afrique sont un marché de la dette qui fonctionne bien, y compris des obligations d’État et d’entreprises. Il existe des opportunités d’approfondissement des marchés financiers, d’attraction de capitaux privés et de mobilisation de financements climatiques sur le continent.La mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) offre également de grandes opportunités aux marchés financiers africains de se développer.

« L’Afrique est à un tournant profond »

Pour Ken Ofori-Atta, Ministre des finances du Ghana les points clés à retenir sont d’abord le fait de placer l’industrialisation et la numérisation soucieuses du climat au cœur de la reprise et de la transformation structurelle de l’Afrique ; et secundo, l’industrialisation de l’Afrique est une bonne stratégie non seulement pour l’Afrique mais aussi pour le monde.Son intervention était centrée sur la manière d’élaborer un programme d’industrialisation et de numérisation robuste et respectueux du climat pour le continent.Selon lui l’Afrique est à un tournant profond. En 2020, l’Afrique a fait preuve d’une résilience remarquable contre toute attente, freinant efficacement la vague initiale de la pandémie mondiale. Le PIB de l’Afrique s’est contracté de 2,1% (Perspectives économiques en Afrique 2021) contre une contraction de 3,5% du PIB mondial (Banque mondiale). Cependant, la deuxième vague a épuisé les tampons, les économies se contractent et nous assistons à une forte augmentation des infections et des décès. Ces développements submergent les systèmes de santé. En conséquence, le PIB réel en Afrique devrait croître de 3,4% en 2021 (Perspectives économiques en Afrique 2021), par rapport à la croissance mondiale projetée de 5,5% (FMI, Perspectives de l’économie mondiale). La crise du COVID-19 a entraîné des perturbations politiques, économiques et sociales, qui ont fondamentalement changé le contexte traditionnel de la prise de décision. Pour l’Afrique, on envisage la perspective d’une croissance économique inégale à moins qu’il n’ait une mise en place d’une  stratégie de reconstruction.Et il conviendrait selon le ministre Ghanéen de prioriser ; de renforcer la résilience ; de trouver de nouveaux modèles de financement pour soutenir une reprise durable ; de stimuler les capacités de fabrication nationales pour créer des emplois et atténuer les risques liés à la chaîne d’approvisionnement mondiale ; de tirer parti de l’intégration africaine et des chaînes de valeur régionales et mettre à l’échelle la transformation numérique et l’innovation inclusive.La stratégie de reconstruction de l’Afrique a été décliné par le ministre sur plusieurs voies critiques: se concentrer sur la vaccination améliorée et les protocoles COVID-19. L’Afrique doit vacciner plus de 700 millions de sa population pour atteindre le taux d’immunité de 60% recommandé par l’OMS.Autre point important, les plans de relance doivent être ancrés sur la discipline budgétaire et la stabilité macroéconomique.Par ailleurs, l’Afrique devrait concentrer ses efforts de relance pour amortir l’impact de Covid-19, revitaliser son économie et cesser d’importer des choses inutiles.Selon la BAD, la facture des importations alimentaires de l’Afrique, d’un montant de 35 milliards de dollars, devrait passer à 110 milliards de dollars d’ici 2025.

« Et on se retrouve ce matin sur le champ de bataille de Covid. »

Dans son intervention Mia Mottley, Premiere ministre de la Barbade et Présidente du Comité du développement (Comité ministériel conjoint de la Banque mondiale et du FMI), a rappelé d’emblée les liens historiques avec l’Afrique déclarant : « Nous nous sommes rencontrés plus tard dans de longues batailles pour l’indépendance économique, nous nous sommes rencontrés en Afrique australe pour vaincre les derniers vestiges de la domination des minorités.

Le nôtre est un lien ancien; de sang et de terre;

Trempé dans l’histoire; forgé dans la lutte.

Et on se retrouve ce matin sur le champ de bataille de Covid. »

Mia Mottley a poursuivi en affirmant que : « le succès relatif de nos gouvernements dans le traitement de la santé de la pandémie mondiale a servi à cacher la véritable dévastation économique de Covid au monde. »

Et pour elle trois choses ont conduit à cette dévastation.

Premièrement, le passé colonial ; Deuxièmement, les quelques monnaies de réserve du monde ont pu déployer six billions de dollars ;

et alors que les économies avancées dépensaient 8% de leur PIB pour stimuler leurs économies, les pays en développement ne pouvaient dépenser que 1% de leur PIB.

Troisièmement, les flux de financement public et privé ont soit disparu, soit été insuffisants; trop tard.

L’élément central de la réponse de la communauté internationale au COVID est l’Initiative de suspension du service de la dette.

Alors que les économies avancées ont ajouté 11 billions de dollars de nouvelles dettes, l’allégement accordé aux 72 pays à faible revenu éligibles à un allégement au titre de l’Initiative de suspension du service de la dette sera inférieur à 11 milliards de dollars, soit 1 000 fois moins.

80% des pays éligibles au DSSI recevront une aide d’une valeur inférieure à 1% de leur PIB. 60% moins de 0,5%.

La première ministre de la Barbade a conclu en ces termes : « Avant Covid, l’Afrique était en mars. Si nous pouvons revenir au voyage, le 21ème siècle sera le siècle de l’Afrique. La montée de l’Afrique aura un impact non seulement sur le continent, ses habitants, tous ceux d’origine africaine, mais sur le monde. »

Dans son discours pour l’ouverture officielle de la conférence le Premier Ministre de la République fédérale démocratique d’Éthiopie, Abiy Ahmed a déclaré que face aux changements climatiques et technologiques, les dirigeants africains sont appelés à trouver des solutions innovantes. Il a affirmé que l’Afrique a montré qu’elle était capable de faire face à cette crise. Mais elle doit faire face aux changements climatiques en mettant en œuvre les transformations numériques et un cadre institutionnel adéquat.

L’Afrique dit-il est appelé à jouer un rôle important dans l’économie numérique. De ce fait elle doit investir dans le numérique et créer l’environnement propice pour cela.

Il a donné l’exemple de l’Ethiopie qui a mis en place une stratégie numérique avec la création de bureaux numériques et de plateformes en ligne.

Notons qu’au cours de cette première journée des panels de haut niveau ont été animés par les différents ministres avec les interventions d’éminents spécialistes, entre autres la Directrice de la London School of Economics et ancienne Gouverneure adjointe de la Banque d’Angleterre), Houlin Zhao Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour le développement

industriel (ONUDI), Li Yong, le Secrétaire général de l’Union internationale des télécommunications (UIT)…Il y a eu également la tenue de la Conférence Adebayo Adedeji 2021 avec Robert Davies, ancien Ministre sud-africain du commerce et de l’industrie.

Animation également de la table ronde sur le e grand débat intitulé : « Le système multilatéral était-il préparé pour la crise du COVID-19 et le secteur privé en a-t-il fait assez ? Avec comme orateur principal Zainab Ahmed Ministre nigériane des finances, du budget et de la planification nationale.

Bakari Guèye

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