Ibrahim Thiaw, éminent cadre mauritanien qui est aujourd’hui Directeur exécutif adjoint du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) fait dans le texte qui suit un témoignage vibrant sur Moussa Diagana. C’est l’ hommage fraternel d’un grand esprit à un autre grand esprit:
« Suite à une courte hospitalisation, le sociologue, homme de culture et d’action, Moussa Diagana laisse un vide. Il est peut-être peu connu du grand public mauritanien. Nous devons cependant lui rendre un hommage mérité, tant il était un excellent cadre et un grand homme de culture.
la découverte des liens historiques entre Soninkés et Mossi
Il avait été rendu très célèbre par la publication de sa pièce sur la Légende du Wagadu vue par Sia Yatabéré (1988). Le cinéaste Burkinabe Dany Kouyaté porta l’œuvre à l’écran et le présenta au FESPACO en 2001. J’étais à Ouaga à l’époque où les salles de cinéma crachaient du monde tellement le film « Sia » était populaire.
C’est en ce moment que je découvrais les liens historiques entre nos Soninkés et les Mossi. Je découvrais que Wagadu-gu (nom de la Capitale du Burkina Faso) avait peut-être un lien avec le Wagadu.
On raconte que le Moro Naba Nasséré aurait ainsi fait le voyage retour vers Oualata en 1534 pour retrouver les siens. Certains de nos Chorfa du Hodh El-Chargui auraient donc des parents du côté des savanes sahéliennes du Burkina et du Nord Ghana, en passant par le Tchad qui aurait servi de transit. Moussa Diagana ignorait-il ces liens lorsqu’il décida de coopérer avec Kouyaté?
Moussa Diagana, une conscience dans l’histoire
Toujours est-il que Moussa a éveillé des consciences (y compris la mienne) dans plusieurs contrées de l’ancien (et immense) empire du Ghana dont Mamadi S. Sakho mit fin au mythe du python royal.
Moussa était Chevalier dans l’Ordre des Arts et Lettres (France) et Lauréat du concours théâtral interafricain (organisé par RFI).
Outre la légende du Wagadu, il publia Targuiya (2001), une pièce qui faut présentée au Québec.
En 2005, il écrit « Un quart d’heure avant » (que je n’ai pas lu). Il semble qu’il préparait un autre ouvrage intitulé « En attendant Lumumba ». Son dernier poste fut en effet la R.D. du Congo.
Moussa était d’une grande culture mais aussi d’une grande humilité. Il est sans doute l’un des plus grands Hommes de Culture que notre pays ait connu.
Adieu, l’ami, adieu le frère
Lors du dernier déjeuner que j’ai eu le plaisir de partager avec Moussa et sa famille, nous avions longuement discuté de la double origine Soninké et Peulh des Diagana (Jah-Gana). En guise d’hommage soutenu à mon ami de longue date, je lui dis: Repose-toi « Manga-Remme » (fils de chef). Que la Terre du Fouta te soit légère, « Kumbe-Kumbe-Fulle » (Peul de Kumbi Saare et Kumbi Toggere).
A sa veuve (Hawa) et à leur garçon (Amara) nous présentons nos condoléances les plus attristées.
Puisse Allah l’accueillir dans son Paradis éternel. »
Ibrahim Thiaw