Dans un pays où l’appartenance raciale, tribale ou ethnique joue un rôle primordial dans le positionnement sociétal, où la stratification sociale archaïque et anachronique est toujours de mise, l’interventionnisme demeure la seule voie ou presque pour gravir les paliers d’une carrière professionnelle ou pour réussir dans les affaires ou dans la vie tout court.
Ce n’est donc pas un hasard si l’ensemble des leviers de commande est l’apanage d’une petite minorité de personnes triées sur le volet, un groupe fermé qui fait la pluie et le beau temps.
Elles sont connues les familles où on est ministre de père en fils, officier de père en fils, haut responsable de père en fils. Et c’est toujours au sein de ce groupe qu’on recrute les dirigeants de la haute administration (ministres, SG, ambassadeurs, PDG, Conseillers, PCA…) Et certains passent d’un poste à un autre et sont dirigeants à vie, même si la compétence fait parfois défaut. D’autres sont mêlés à toutes les sauces et caracolent d’un gouvernement à un autre.
Les critères de cooptation au sein des différents leviers de commandements ont rarement obéi à la norme. Ce n’est donc pas un hasard si beaucoup de fils du pays dont une pléthore de cadres de haut niveau ont été contraint à l’exil et servent aujourd’hui les intérêts d’autres pays, un véritable gâchis quand on sait que la Mauritanie a un besoin cruel de cadres qualifiés, une condition sine qua none pour espérer sortir de la léthargie dévastatrice dans laquelle elle se complait depuis des lustres.
Le président Ghazwani a aujourd’hui une belle occasion de démolir ce système de gouvernance d’un autre âge en faisant appel aux compétences avérés qui courent les rues. En effet, cette situation malsaine est un vecteur attisant les inégalités sociales et les frustrations et constitue un frein pour le décollage du pays dont il a fait une priorité absolue.
Il y a pourtant longtemps qu’on a sonné le tocsin mais l’alarme est demeuré désespérément inaudible pour tous ceux qui ont eu la lourde responsabilité de diriger le pays depuis le début de la valse des coups d’état militaires et jusqu’à la période des « présidents élus » fruit de notre curieuse et exotique démocratie du désert.
Tous les présidents depuis feu Ould Salek sont tombés dans le piège de ce système de gouvernance injuste et inouï.
Avec le président Ghazwani l’espoir est de mise et on aimerait bien voir son discours révolutionnaire et son ambitieux programme devenir réalité. Le défi est énorme et on sait que les mauritaniens ont la gâchette facile quand il s’agit de changer de veste. Tout nouveau président est adulé, glorifié, mythifié. Mais nous le savons tous, ce n’est que de la poudre aux yeux et tous ceux qui ont mordu à cet appât empoisonné y ont laissé leur peau.
Il serait de ce fait plus sage pour le président Ghazwani de ne surtout pas compter avec les redoutables laudateurs qui essaiment le système mais avec tous les cadres aptes et compétitifs. Ce n’est qu’à ce prix qu’il pourrait sortir du lot et entrer dans l’histoire. Un challenge exaltant et une occasion à ne pas rater.
Bakari Guèye