En Mauritanie, rechercher et trouver un emploi ne relève guère souvent du niveau des diplômes ni des compétences. Il est coutume de dire que pour être recruté, notamment dans les institutions publiques, il vaut mieux compter sur ses « bras longs » ou être « le fils ou la fille de». Or cette situation a des conséquences sociales et économiques qui nuisent au développement de notre pays. Les effets psychologiques sur les individus et sur la conscience collective sont destructeurs et mettent à mal l’entente fraternelle chère à notre peuple et ciment de notre Nation.
Et pourtant, dans un tel contexte, La Banque Centrale de Mauritanie vient de nous signifier que les diplômes et les compétences sont les seuls critères désormaisrequis pour travailler dans l’une des plus grandes et prestigieuses institutions de notre pays.
Un processus de recrutement exemplaire et innovant
En mars 2019, dans le cadre de sa nouvelle stratégie, la BCM a lancé une campagne de recrutement pour pourvoir à 38 postes répartis entre 24 profils. Pour cela, la BCM a innové en misant sur les nouvelles technologies.ChaqueMauritanien-ne de l’intérieur et de l’extérieur pouvait postuler via une plateforme numérique.
A la date de clôture des dépôts, le système mis en œuvre à cet effet, a enregistré 7784 candidatures, soumises par 2975 candidats (possibilité de postuler à plusieurs offres).
Le premier tri a été effectué automatiquement par le système suivant un paramétrage des conditions d’éligibilités publiéesdans l’annonce.
L’organisation des épreuves écrites
La conception des épreuves écrites, la correction et la classification des candidats ont été confiées à un comité technique composé de professeurs d’université assistés par un Consultant de la BCM.
Ce comité d’experts, auquel j’ai eu l’honneur de participer, était dirigé par Saad Bouh REGAD. J’ai pu une fois de plus apprécier sa grande vertu, son honnêteté et sa rigueur intellectuelles, son patriotisme, sa persévérance et son opiniâtreté.
La Banque Centrale, par l’intermédiaire du Président du Comité de Supervision du processus de recrutement et le Directeur de Développement du capital Humain, en sa qualité de coordinateur des activités, nous avaient donné carte blanche, conformément aux Termes des Références, et les moyens nécessaires pour réussir notre mission
De la conception des épreuves jusqu’à la publication des résultats, aucune personne de la Banque n’est intervenue. Chaque expert était entièrement responsable de son domaine, sous la supervision, le contrôle et l’exigence du Président du Comité.
A la fin de l’écrit,les listes des candidats (sous anonymat), ont été soumisesdans l’ordre décroissant aux responsables de la Banque.Ils ont déterminé le nombre de candidats admissibles pour les entretiens. C’est après ce choix que nous avons levé l’anonymat et donné la liste des admis par ordre alphabétique, et non par ordre de mérite. Cette liste a été publiée avec les signatures de l’ensemble des membres du comité technique.
J’ai participé aussi à ses entretiens en tant qu’expert. Chaque jury était composé d’au moins cinq membres.
C’est en guise de témoignage que je publie cet article. Chacun des membres pourra sans aucun doute attester de la transparence, de l’objectivité et du sérieux de cette procédure de recrutement.
Force est de constater qu’il est possible de réaliser des recrutements équitables et objectifs dans les plus grandes institutions de Mauritanie.
Participer à ce recrutement m’a redonné de l’espoir et je salue le courage et la détermination du Gouverneur de la Banque Centrale qui a su résister, semble-t-il, à toutes sortes de pressions.
C’est la preuve que tous les Hauts fonctionnaires de l’État, Dirigeants des Entreprises publiques pourraient s’inscrire dans la même démarche.
J’en appelle au plus haut niveau de l’État, pour que des dispositions soient prises afin que cette exception, œuvre de la Banque Centrale, devienne la règle dans toutes nos institutions et entreprises publiques.L’égalité des droits pour accéder à un emploi public ne pourra que renforcer notre sentiment d’appartenance à une communauté de destin. Elle garantira la mixité sociale, ethnique et basée sur le genre au sein de nos institutions. C’est à partir de là que chaque Mauritanien-ne pourra prôner l’unité nationale.Plus qu’un élément de langage, une conviction qui fait écho à notre art de vivre en paix ensemble.
Boubou SYLLA
Professeur en Management des Ressources Humaines
Consultant Senior International