Des perspectives encourageantes pour la filière avicole en Mauritanie

En Mauritanie, l’aviculture est actuellement un secteur en extension mais qui a encore besoin d’un appui conséquent de l’Etat pour arriver à assurer l’autonomie du pays en viande blanche et dérivés.
La filière existe depuis le début des années 1960 avec notamment les premières expériences à Rosso. A l’époque, les poussins d’un jour et les aliments pour volaille étaient importés du Sénégal et du Maroc.
En 2010, 2 couvoirs ont été installés à Nouakchott et les Grands Moulins de Mauritanie ont commencé à produire les aliments pour bétail.


L’aviculture est pratiquée selon deux grands types de modalités : « traditionnelles »(ou familiale), et moderne » (ou semi industrielle).
L’aviculture traditionnelle est une activité secondaire pratiquée essentiellement par des femmes (une majorité des éleveurs) qui en tirent profit pour l’autoconsommation ou la vente.
Ce système d’aviculture est pratiqué à très petite échelle, un peu partout dans le pays, en particulier le long du fleuve (Gorgol, Guidimagha, Brakna, Trarza) et moyennement dans les régions du Sud-est (Assaba et les deux Hodhs). Cette aviculture est destinée à satisfaire en priorité la consommation des zones rurales.

Aussi, dans les conditions actuelles, l’aviculture familiale est peu valorisée et extrêmement fragile, mais elle comporte des potentialités importantes pour améliorer la ration alimentaire des ménages les plus pauvres.
En Mauritanie, la consommation annuelle de viande blanche est de100.000 poulets par semaine. 80% de la demande sont couverts par l’étranger.
Dans le cadre de la Stratégie Nationale du Développement du Secteur Privé (SNDSP) qui a pour objectif de faire du secteur privé le moteur de la croissance et de la création d’emplois, la filière avicole occupe une place importante s’inscrivant dans le cadre du développement des industries agroalimentaires et autres industries et services, le développement de l’agriculture et de l’élevage.
Ainsi, la feuille de route des entreprises avicoles appuyée par le gouvernement, vise à atteindre l’autosuffisance dans ce domaine.


Toutefois, des contraintes majeures doivent être levées pour permettre un développement et une professionnalisation de la filière à savoir entre autres l’accès en terme de disponibilité et de coût du matériel d’élevage, des intrants et aliments de volaille ; l’organisation du marché en terme d’approvisionnement et de distribution.
Face à ces contraintes, le ministère de l’Elevage est entrain de travailler sur une politique qui vise en priorité la réorganisation de la filière.
Il s’agit de mettre l’accent sur les éléments clés de la filière à avoir la production de poussins d’un jour ; l’aliment de volaille ; l’organisation des acteurs de la filière et l’organisation du marché (abattage, transport, distribution, formation et encadrement des acteurs de la filière).
La SMV, un acteur clé du secteur
La Société Mauritanienne de Volaille (SMV) a réalisé d’importants investissements pour le développement de la filière avicole en Mauritanie.
Lancée en 2018, la SMV a débuté ses activités avec un poulailler moderne disposant d’un couvoir chair d’un jour avec une production de 200.000 poussins par semaine.
Ensuite elle a mis en place une usine de fabrication d’aliments de volaille. Cette usine a commencé sa production en 2019. Elle est située au PK22, près de la localité de TIVIRIT.

D’autres projets ont suivi. Il s’agit d’une unité de production d’œufs pour la consommation directe, au PK17, sur la route de Rosso, avec une production de 120.000 œufs par jour

Autre projet important, l’abattoir qui est fonctionnel depuis début mars 2025, une mise en service qui a coïncidé avec le début du Ramadan. Il est situé au PK 19 sur l’axe Nouakchott-Boutilimit. Sa capacité est de 1500 poulets par heure. Il est équipé d’une unité d’abattage et d’une unité de congélation et de surgélation. Il traite 30.000 poulets par jour et travaille 20h d’affilées. Les 4 heures restantes sont consacrées à la maintenance.Il y a un autre projet pour les poules pondeuses, avec une production d’œufs de 75.000 œufs par semaine. Ce volume est appelé à augmenter graduellement jusqu’à atteindre 200.000 œufs par semaine.


Pour récapituler, la SMV dispose d’un complexe d’accouvage moderne pour la production de poussins d’un jour, type chair et pondeuses d’œufs de consommation.
Sa capacité de production est de 150.000 poussins par semaine extensible à 200.000 poussins par semaine.
La société dispose de 4 fermes d’élevage de poulets de chair et une unité d’abattage moderne de volaille de chair avec unité de congélation. Ses capacités de production sont les suivantes : Fermes d’élévage : 100.000 poulets par bande ; Abattoir volaille : 1500 poulets par heure extensible à 2500 par heure.
Elle dispose aussi d’un complexe d’élevage de poulets pondeuses pour la production d’œufs de consommation. La capacité de production est de 120.000 œufs par jour.
Il y a par ailleurs une usine moderne de production d’aliments composés pour volaille et bétail. Sa capacité de production est de 32.000 T /an extensible à 96.000 T.


Selon Mohamed Ould Hanévi, directeur de la SMV, les besoins de la Mauritanie en viande blanche sont chiffrés à 100.000 poulets par semaine. 80% de la demande sont couverts par l’étranger.
Mais à en croire Mr Hanévi, l’autosuffisance en la matière est en cours. Actuellement dit-il avec une production de 65.000 poulets par semaine, l’objectif avec le lancement de la construction de 8 hangar (d’une longueur de 120m chacun) et une production de 80.000 poulets par semaine, le tour sera joué. La fin des travaux est prévue pour juillet prochain.
A côté de la SMV, il y a le holding TND Mauritanie qui est actif dans la filière. C’est un groupe actif dans le domaine de la production avicole. Son site se situe à Ouad Naga. La société dispose d’une chaîne complète et intégrale (poules pondeuses, œufs de consommation, les poulets de chair, les reproducteurs. La société dispose aussi d’un abattoir.
Des problèmes à surmonter et l’Etat appelé à faire plus
Mais pour mettre en œuvre cette feuille de route visant l’autonomisation du secteur, le directeur de la SMV affirme qu’il faut remplir un certain nombre de conditions dont la création de centres de formation et une main d’œuvre spécialisée. Il faut aussi faire face à la concurrence étrangère avec notamment les produits algériens qui sont subventionnés et les surplus marocains dont les prix relativement bas, défient toute concurrence.
Il y a aussi le problème de l’approvisionnement en matières premières pour la fabrication d’aliments pour volaille (blé, mais, soya, vitamines…) Ces produits sont importés de l’étranger.
Le problème de la cherté de l’électricité se pose aussi à cause notamment d’une taxe fixe élevée de 4000 ouguiyas par kilowatt.


Il y a le problème des lots, les terrains pour implanter les unités de production. L’Etat ne les donne pas alors que le secteur a besoin de vastes étendues avec des unités éloignées les unes des autres et cela pour des questions de sécurité, entre autres. Or il serait hasardeux de faire de gros investissements dans des espaces où la propriété juridique n’est pas garantie.
Ainsi, le secteur avicole en Mauritanie dispose de beaucoup d’atouts et d’une marge de progression importante mais pour assurer une autosuffisance totale, l’Etat devrait faire davantage et appuyer les opérateurs du secteur.
Au Sénégal par exemple la taxe sur le mais a été supprimée depuis le début de la guerre en Ukraine.
Au jour d’aujourd’hui, la SMV et la TDN ont les 2 principales entreprises qui dominent le marché en Mauritanie. On compte 4 couvoirs dans le pays. Il existe par ailleurs 3 sociétés spécialisées dans la fabrication des aliments pour poulets.
La production des œufs qui a commencé il y a seulement 2 ans couvre 40% des besoins du pays. Et selon le DG de la SMV, si le problème des terres est réglé la Mauritanie sera autosuffisante en 2025 pour ce qui est des œufs.
Pour ce qui est de l’autosuffisance en aliments pour volaille, l’autosuffisance pourrait être assurée par les 3 usines existantes.
Et en ce qui concerne la viande blanche, les besoins du pays ne sont couverts actuellement qu’à hauteur de 25%. Mais l’autosuffisance sera possible dans les 3 prochaines années si l’Etat coopère normalement avec les opérateurs du secteur qui disposent des financements nécessaires et de l’expertise requise, assure le DG de la SMV.
A noter que l’appui des partenaires pour le développement de la filière peut aussi s’avérer bénéfique.
En 2021, grâce au « Programme d’Appui à la Compétitivité de l’Afrique de l’Ouest » financé par l’Union Européenne, un projet, qui vise à accroître la compétitivité et l’intégration commerciale des entreprises des secteurs stratégiques en Afrique de l’Ouest, le taux de mortalité des poussins a diminué, passant de 10 % avant le projet à 2 % ; le poids moyen d’un poulet est passé de 1 kg à 1,6 kg et le prix de vente moyen est passé de 100 MRU à 130 MRU, générant une augmentation globale des revenus des aviculteurs.
Par Bakari Gueye

Source: Magazine mensuel HORIZONS/Mai 2025

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