Le Vieux-Port de Marseille reste point de rencontre pour histoires et expériences variées. Entre la sérénité de Fatima, la persévérance d’Ahmed, l’indéfectible détermination d’Ana Maria et Pape, ou encore la passion engagée de Sandrine, Gilbert, Lison et Lydia, chaque protagoniste apporte sa couleur, son récit et ses défis.
Au cœur du Vieux-Port de Marseille, un kaléidoscope de nationalités, de langues et de marchandises crée un tableau dynamique et cosmopolite.
Le Vieux-Port, un lieu chargé d’histoire, s’anime chaque jour grâce à une multitude de commerçants, tous unis par leur présence mais issus de cultures et d’expériences diverses.
Des échanges colorés révèlent un monde sans frontières, où la persévérance et la passion transcendent les différences.
Dans le froid de décembre, alors que les festivités de fin d’année approchent, nous avons rencontré ces commerçants de divers horizons, chacun apportant sa propre histoire et ses défis.
Notre rencontre débute avec Fatima, une Marseillaise de 55 ans, d’origine marocaine, sourire rayonnant, vendant thé à la menthe, café, cacahuètes. « Pas de problème, je gagne, je vis, » dit-elle, avec sérénité.
À seulement 36 ans, Ahmed, originaire d’Algérie, a fait de Marseille son foyer depuis un an.
Peintre de profession, il a récemment embrassé la vente de baskets pour subvenir à ses besoins. « Ici, il n’y a pas beaucoup de travail pour les peintres. Je vends ce que je peux », confie-t-il, sourire discret malgré les difficultés. Les aléas du marché et les interactions avec la police constituent ses plus grands défis, mais sa gentillesse et sa résilience font de lui un pilier du Vieux-Port.
La diversité des étals, des voix et des parfums compose une mosaïque vivante. Les ruelles pavées vibrent sous le murmure des transactions et des anecdotes échangées entre commerçants et clients. Dans cette symphonie mouvante, chaque stand offre une fenêtre sur un coin du monde.
Ana Maria, roumaine de 40 ans, sillonne le Vieux-Port depuis une décennie. Elle incarne la polyvalence, récupérant et revendant tout objet possible pour gagner sa vie. « C’est difficile, pas de travail ici. Pas d’argent, pas de nourriture », confie-t-elle, révélant un désarroi masqué par une détermination inébranlable.
A côté d’elle nous rencontrons pape, âgé de 30 ans, originaire de Gambie. Il a trouvé refuge à Marseille après un périple clandestin via Lampedusa en 2016. Collecteur d’objets abandonnés et brisés, il les transforme pour survivre. Incapable d’acheter et de vendre à grande échelle, il jongle avec les moyens limités, redoutant la présence policière constante.
Au vieux port nous faisons la rencontre de Sandrine, une pêcheuse et commerçante passionnée de 56 ans. Elle partage son récit. Un échange spontané, ponctué de détails révélateurs sur sa vie dédiée à la mer et à la tradition familiale de la pêche.
« Depuis 4 ans, je suis ici, mais ma relation avec la pêche a débuté à 18 ans, dans d’autres endroits », dit-t-elle. « C’est une entreprise transmise de génération en génération, une pêche locale, honnête et de saison. Les poissons méditerranéens, tout simplement », souligne-t-elle avec conviction.
Les techniques de pêche évoquées témoignent du dévouement exigé pour cette activité. « Nous utilisons des filets, mais la pêche nécessite 48 heures d’anticipation. Imaginez, poser les filets un jour et les retirer deux jours après, à des profondeurs atteignant parfois 60 mètres. »
Pour Sandrine, le Vieux-Port représente bien plus qu’un simple lieu. « C’est vital. Cela existe depuis des lustres et offre du poisson frais à un prix juste. Un héritage qu’il faut préserver pour les générations futures. »
La relation avec la clientèle se dessine comme une priorité. « Je suis là pour tous, quel que soit leur budget. La vraie difficulté réside surtout dans les conditions climatiques, mais avec les clients, aucun problème. »
Interrogée sur les défis de la concurrence, Sandrine admet : « Le marché évolue, mais il y a moins de monde au quotidien. En revanche, les touristes découvrent avec émerveillement notre marché aux poissons. »
Les perturbations liées à la pandémie de Covid-19 n’ont pas freiné son activité. « Nous avons dû vendre directement sur le bateau, mais la clientèle habituelle est restée fidèle, masquée mais là. »
Pour conclure, elle partage une anecdote amusante : « Des clients demandent parfois du saumon ou du cabillaud, qui ne sont pas des poissons de Méditerranée. Cela montre un manque de connaissances des espèces locales. »
« Mon objectif est de partager une expérience différente avec visiteurs, surtout les enfants, et leur montrer la valeur du frais et du bon. » Conclut- elle
Dans les coulisses pittoresques du Vieux-Port, nous avons eu le privilège de rencontrer Gilbert 68 ans ans , une figure emblématique de santon . Son récit révèle une passion transmise de génération en génération, un artisanat débuté il y a 35 ans, aujourd’hui porté par son fils, une continuité qu’il espère voir perdurer.
Gilbert façonne l’accessoire pour santon, une activité saisonnière mais perpétuelle, nécessitant un engagement à l’année. « C’est magnifique d’être là autour du Vieux-Port, il y a du monde, des touristes, beaucoup d’étrangers. C’est très important pour Marseille et pour nous aussi. »
Le Vieux-Port, lui, avance. « Il y a une évolution qui se fait. » Gilbert évoque avec fierté le marché dominical et le marché de Noël, ajoutant une nouvelle dynamique au quartier historique. Mais cette évolution n’est pas sans défis. « Les difficultés, c’est toujours les manifestations, les choses comme ça. C’est toujours dans le centre qu’il y a les manifestations. »
Toutefois, Gilbert entretient des relations harmonieuses avec la communauté locale, des liens profonds. Et lorsqu’il s’agit de préserver l’authenticité de son métier, il est catégorique. « Il faut que nous, on garde notre chose. On vend du Jésus. On vend la crèche, on vend la nativité, on vend la création. Il faut qu’on reste là-dessus.
À côté, Lison 21 ans, est une jeune apprentie céramiste, dans le cadre de son CAP céramique. « Je suis en apprentissage « C’est un CAP en deux ans. » Cette aventure dans le monde de la céramique, elle l’a débutée en septembre dernier et s’apprête à prolonger cette passion pour deux années supplémentaires.
Elle confie : « La céramique, ce n’est pas forcément les centons précisément, mais il y a le lien de l’argile et de la minutie qui va avec. » Son parcours révèle une introduction fortuite aux centons via son CAP, une voie inattendue qui a captivé son intérêt. « Toute seule, parce que les centons, à la base, je ne connaissais pas tant que ça. »
Pour elle, le Vieux-Port joue un rôle crucial. « C’est un point assez touristique de Marseille qui attire beaucoup de monde » temoigne Lison qui trouve en cet endroit un terrain propice à la rencontre avec ses clients, un lieu stratégique et enrichissant pour les centonniers.
L’entrée de Lison dans le monde des centonniers est unique, marquée par un heureux hasard. « C’était par rapport à la céramique parce que je voulais chercher quelqu’un qui me prenne pour l’apprentissage. Et c’était un centonnier qui m’a pris. C’est comme ça que je suis entrée dans le métier des centonniers. »
Nous poursuivons notre balade et rencontrons lydia une commerçante de 52 ans qui tient une petite boutique dans les rues animées du vieux-port. lydia est spécialisée dans la fabrication du nougat depuis trois décennies. « Depuis toujours », précise-t-elle avec un léger sourire.
La spécificité de son activité réside dans la création de ce délicieux nougat. « On fabrique le nougat. » Qu’est-ce que le nougat ? « Il se fait avec du blanc d’œuf, miel, glucose, et tout ce qui est fruits. Fruits secs, Nutella, café. » Elle évoque avec enthousiasme les ingrédients qui entrent dans la composition de cette douceur irrésistible.
La localisation au vieux port, pour elle, joue un rôle majeur. « Les emplacements, ça fait beaucoup. Ça y fait beaucoup. » L’importance de l’emplacement, notamment au vieux-port, est cruciale pour le succès de son commerce.
Quant à l’impact du Covid-19 sur son activité en 2019-2020, Lydia confie : « Il y a eu une perte de bénéfices. » Les restrictions imposées par la pandémie ont eu des répercussions financières sur son commerce, comme pour beaucoup d’autres.
À l’approche des fêtes, malgré les vents froids de décembre, le Vieux-Port reste un point de rencontre pour des histoires et des expériences variées. Entre la sérénité de Fatima, la persévérance d’Ahmed, l’indéfectible détermination d’Ana Maria et Pape, ou encore la passion engagée de Sandrine, Gilbert, Lison et Lydia, chaque protagoniste apporte sa couleur, son récit et ses défis.
Les vies professionnelles de ces hommes et femmes se tissent dans la trame riche du Vieux-Port. Entre héritage transmis, métiers saisonniers, artisanat ancestral et nouveaux apprentissages, ils défient le temps, les aléas du marché, les perturbations imposées par la pandémie de Covid-19…
Alors que le soleil tire sa révérence derrière les silhouettes des étals et des ruelles pavées, le Vieux-Port demeure un témoin immuable du dynamisme, de la résilience et de l’authenticité de ceux qui le font vivre chaque jour.
Souleymane Djigo & Lena Dieye