La polémique reprend de plus belle ces derniers jours autour du Projet de loi relatif à la lutte contre les violences à l’égard des femmes et des filles. Cette loi fort contestée est au frigo depuis plusieurs années après son blocage au niveau du Parlement.
Ce énième forcing du gouvernement visant à la faire passer a encore suscité un véritable tollé notamment dans les milieux religieux où les deux plus grands érudits généralement alignés sur les thèses du pouvoir ont exprimé publiquement leur désapprobation.
Pour Ould Habibou Rahmane le grand mufti de la République cette loi ne respecte pas les enseignements de l’Islam et viole les principes de la charia.
Même son de cloche chez le cheikh Mohamed El Hassan Ould Dedew, l’éminent jurisconsulte et figure emblématique de la mouvance islamiste en Mauritanie.
La position tranchée de ces deux sommités religieuses met à mal la position du gouvernement visiblement décidé à faire adopter cette loi.
Ainsi au cours de la dernière conférence de presse tenue mercredi dernier, le porte-parole du gouvernement a tenté d’esquiver une question à ce sujet démentant au passage les informations qui font état du rejet de la loi par une partie de l’opinion.
Quoiqu’il en soit la polémique prend de l’ampleur et les partisans du rejet du projet de loi se font de plus en plus nombreux.
Certes le vote d’une loi protégeant les femmes et les filles s’impose et s’avère même urgent vu le vide juridique existant dans ce domaine, mais de là à adopter une loi en porte-à-faux avec nos coutumes et les enseignements de notre sainte religion il y a un pas que le gouvernement devrait s’abstenir de franchir même si cela ne doit pas beaucoup plaire à certains partenaires au développement.
C’est en effet une véritable gageure que de vouloir soumettre des musulmans à la dictature du genre et des personnes LGBT.
Par ailleurs cette fameuse loi constitue une remise en cause du pouvoir parental et marital et constitue une véritable épée de Damoclès suspendue sur la tête des époux et des parents des éventuelles victimes à en juger par les articles suivants :
« Article 28 : séquestration Sera puni d’un emprisonnement de deux (2) mois à six (6) mois et d’une amende de cinq mille (5.000) à dix mille (10.000) ouguiyas ou de l’une de ces deux peines, quiconque, dans l’intention de Page 5 sur 8 nuire, séquestre une femme ou une fille, à laquelle il est lié par une relation de mariage ou de filiation, sans préjudice des dommages-intérêts alloués à la victime. Hormis les situations citées à l’alinéa précédent, il est fait application selon les circonstances, des dispositions des articles 319 à 322 du Code pénal et 54 à 56 du Code de protection pénale de l’enfant.
Article 29 : coups et blessures Quiconque se rend coupable des coups et blessures à l’égard d’une femme ou d’une fille, est puni conformément aux dispositions des articles 285 à 287 du Code pénal. En outre, les auteurs et complices sont punis de cinq mille (5.000) à dix mille (10.000) ouguiya d’amende, sans préjudice des dommages-intérêts alloués à la victime. Si la victime est épouse, elle se réserve le droit de demander la dissolution du mariage. »
A noter que jusque-là, la Mauritanie à l’instar de plusieurs autres pays maintient des réserves à l’égard CEDAW (Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes) et notamment des articles 13a et 16 de la Convention.
Par ailleurs des progrès ont été réalisés dans ce domaine avec notamment la création de l’Observatoire national des droits des femmes et des filles et la mise en place du Plan d’action national de lutte contre la traite des personnes (PANLTP), qui a permis d’actualiser le cadre juridique et de renforcer les capacités des acteurs dans ce domaine.
Mais apparemment pour les partenaires cela s’avère toujours insuffisant et l’adoption de la loi relative à la lutte contre les violences à l’égard des femmes et des filles semble être une exigence.
Reste à savoir comment faire avaler la pilule face à un establishment religieux qui ne manque pas d’arguments et à une société encore profondément conservatrice ?
Il s’agit là d’un véritable casse-tête chinois pour le gouvernement.
Bakari Gueye