Regards sur les multiples atteintes aux droits des enfants en Mauritanie

Alors que le monde commémore les 100 ans de la première Déclaration des droits de l’enfant, la réalité que vivent de nombreux enfants en Mauritanie demeure en décalage total avec les principes de protection, d’éducation et de dignité. À travers des témoignages poignants, cet article met en lumière les multiples formes de violences et de négligences que subissent les enfants, dans l’ombre d’un silence social et institutionnel persistant.

Les oubliés des zones rurales : enfance sacrifiée :

Dans les régions rurales, notamment dans le sud du pays, les atteintes aux droits fondamentaux des enfants prennent racine dans une pauvreté structurelle et un manque criant d’alternatives éducatives. Mariages précoces dès 12 ans pour les filles, abandon scolaire pour aider aux travaux champêtres et autres corvées, longues distances à pied vers des écoles sous-équipées. Les cartables sont vides, les ventres aussi.

« Ici, l’enfant n’a pas droit à la parole. Les parents décident de tout », confie un enseignant de l’école Thioutt 1, témoin direct de cette détresse normalisée.

Mountagha Sall, une voix qui dérange… et qui agit :

Mountagha Sall, président de l’Association pour la Défense de la Voix des Enfants en Mauritanie (ADVEM), alerte :

« À Nouakchott comme dans les villages, des enfants mendient, travaillent, sont battus, mariés de force, incarcérés, et privés de leur enfance. »
Mais Mountagha Sall ne se limite pas à dénoncer. Avec l’ADVEM, il met en œuvre plusieurs actions de terrain : sensibilisations dans les écoles et les espaces publics, assistance aux enfants démunis, activités socioéducatives, accompagnement psychologique pour les enfants victimes, et participation à des dialogues communautaires sur la fin des pratiques néfastes.

Les rues de Nouakchott : dérive silencieuse de l’enfance :

Dans la capitale, la situation n’est guère plus enviable. Enfants des rues, petits vendeurs à la sauvette, consommateurs de colle ou victimes de violences urbaines. La spirale de l’exclusion commence souvent avant l’adolescence, et se poursuit parfois derrière les barreaux de la prison pour mineurs.

Drame de Rosso : une fillette violée et assassinée :

Mai 2025, Rosso. Une fillette de 5 ans est retrouvée violée et assassinée dans une maison abandonnée. Ce crime atroce a bouleversé l’opinion publique, révélant l’ampleur des violences sexuelles faites aux enfants. Si la pression citoyenne a permis l’arrestation du présumé coupable, le climat d’impunité reste profond. Beaucoup d’enfants vivent dans la peur, sans recours ni protection.

Témoignage : la terreur dans certaines mahedras

Aliou, 10 ans, élève dans une mahedra de Kaédi, raconte :

« Le maître m’a battu avec un câble électrique parce que je n’ai pas pu ramener la pension de 50 MRU ce jour-là. J’ai eu des plaies sur le dos. Personne ne m’a soigné. »
Dans plusieurs mahedras, les enfants sont contraints à mendier pour payer leur pension, subissent des punitions violentes, dorment à même le sol, sans soins, ni encadrement éducatif digne de ce nom. Une réalité alarmante trop souvent tolérée au nom de la tradition.

Apprendre en jouant : le projet CAFAM, une lueur d’espoir

Dans un contexte aussi lourd, des initiatives comme le projet CAFAM (Certificat d’Aptitude à la Fonction d’Animateur en Mauritanie), porté par l’association française Les Francas, apportent un souffle d’espoir.

« Le but est de former des jeunes animateurs qui, à leur tour, vont créer des espaces éducatifs dans toutes les régions de la Mauritanie. Des lieux où les enfants peuvent apprendre leurs droits, jouer, rêver et grandir dans un cadre bienveillant », explique Michelle Bureau, présidente des Francas et initiatrice du programme en Mauritanie.
Ce projet, mis en œuvre en partenariat avec des acteurs locaux et des institutions, transforme les jeunes en relais de paix, de prévention et de sensibilisation. Des animations sont menées dans les écoles, les maisons de quartier, et même dans les rues, alliant jeux, contes et discussions sur les droits de l’enfant.

Conclusion : Un pays face à sa conscience

Protéger les enfants, c’est protéger l’avenir. Il est urgent que la Mauritanie applique avec rigueur les conventions internationales qu’elle a signées, renforce son cadre juridique, soutienne les ONG engagées, et responsabilise toutes les parties prenantes — parents, enseignants, leaders religieux, et médias.

Parler des droits de l’enfant ne suffit plus. Il faut les incarner. Car chaque enfant a droit à l’enfance, au respect, à l’éducation, à la justice et à l’amour. Ignorer cette vérité, c’est compromettre l’âme même de notre nation.

Ousmane Hamed Doukoure

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