Médoune Lô : Ce pionnier que je n’ai pas connu

Le pathétique et bel article du doyen Abdoulaye Ciré Bâ, en hommage à Lô Médoune, ancien DT emblématique de Radio Mauritanie, décédé en mai dernier à Dakar, a éveillé en moi- à sa lecture ce dimanche soir- un souvenir que je croyais à tout jamais enfoui dans ma mémoire, se transformant en cauchemar qui troubla mon sommeil toute la nuit.

Jeune journaliste, je débarquai en octobre 1982 à l’ORTM (Office de Radio et Télévision de Mauritanie), venant de Tunis où, trois mois plus tôt, à l’IPSI, je parachevais mes études, commencées en 1978, à l’ENA de Nouakchott, à la section journalisme, fermée entre-temps.

Le directeur général de l’ORTM, feu Sidi Oud Cheikh, après un entretien d’embauche formel, m’envoya au département de la Radio pour faire mes premiers pas au journal en français.

Au fur et à mesure que je découvrais les arcanes de ce médium historique, haut lieu de la mémoire nationale, un nom revenait sans cesse dans les discutions : celui de Médoune Lô.

J’appris alors qu’il était l’un des pionniers de la modernisation des infrastructures techniques de Radio Mauritanie avec Anne Abou et feu Bilal Ould Yamar, pour ne citer que les plus anciens.

Premier directeur technique mauritanien, c’est sous son impulsion qu’il y eut de nouvelles acquisitions d’équipements de dernière génération pour renforcer la puissance de diffusion de la Radio : Deux émetteurs, d’une puissance de 100 kW chacun, qui se relayaient pour garantir la pérennité de la diffusion en remplacement de l’unique émetteur vétuste de 30 kW dont les pannes récurrentes provoquaient des coupures intempestives et parfois gênantes en pleine diffusion des programmes.

Je n’ai pas connu physiquement Médoune qui avait quitté la Radio en 1980 pour diriger le centre technique de l’URTNA (Union des radios et télévisions nationales d’Afrique) à Bamako, avec le sentiment du devoir accompli et la sérénité d’un homme ayant passé la main à une nouvelle génération d’ingénieurs qu’il aura accompagnée, avant son départ, pour assurer une bonne relève dans l’unique chaîne radiophonique nationale à l’époque.

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Mais il était cet absent si présent dont l’ombre planera à jamais sur l’actuel bâtiment de Radio Mauritanie et les cinq studios de diffusion modernes encore en service. Un projet dont il fut la cheville ouvrière, qui sera inauguré au moment où je commençais ma carrière à la radio -pour la partie studios-, par la présentation du journal parlé en français justement dans l’une de ces « boîtes à merveilles » où je n’oublierai jamais cette complicité, ces gestes magiques que s’échangeaient réalisateurs et présentateurs des journaux pour lancer, tantôt le générique, tantôt le jingle de transition entre les éléments.

Y a-t-il meilleur moyen de faire connaissance avec un héros, meilleur honneur pour soi, que celui de dénicher son œuvre et l’empreinte indélébile qu’il laisse à la postérité !? 

L’injustice dont Médoune – contraint à faire le deuil de sa nationalité mauritanienne pour éviter l’humiliation – et tant d’autres compatriotes négro-africains furent l’objet- ne peut que bouleverser nos consciences.

Elle n’est que l’un des multiples stigmates du stupide et regrettable conflit sénégalo-mauritanien, plus de trois décennies après sa survenue du fait de l’impéritie des gouvernements de l’époque, des deux côtés du fleuve, qui firent d’un incident banal un exutoire aux crises internes dans lesquelles ils ont « embourbé » leurs pays respectifs.

Deux pays- un même peuple- qui ont su, de tout temps, laver leur linge sale en famille. Un vieil ami sénégalais avait l’habitude de me raconter, au gré de nos rencontres, pour me faire plaisir -j’allais dire pour nous faire plaisir- les taquineries amusantes que s’échangeaient Mokhtar Ould Daddah et Léopold Senghor. Parmi, celles-ci, je retiens une du dernier : « Ne t’en fais pas Mokhtar, quoi que nous fassions toi et moi, nos deux peuples finiront toujours par s’entendre « par-dessus nos têtes ».

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Puisse Allah le tout puissant ressusciter cet esprit « sur les mains » des présidents Mohamed Cheikh El Ghazouni et Maky Sall qui, me semble-t-il, partagent la même vision d’un destin commun à nos deux pays frères.

En attendant, je laisse les marchands de la haine et de la division, les ennemis de la fraternité sénégalo-mauritanienne, fossoyeurs de l’unité nationale, méditer ce passage du roman « Origines » de l’écrivain franco-libanais, Amine Maalouf : « Je suis d’une tribu qui nomadise depuis toujours dans un désert aux dimensions du monde. Nos pays sont des oasis que nous quittons quand la source s’assèche, nos maisons sont des tentes en costume de pierre, nos nationalités sont affaire de dates ou de bateaux. Seuls nous relie les uns aux autres, par-delà les générations, par-delà les mers, par-delà le Babel des langues, le bruissement d’un nom… 

Quant à moi, je ne manquerai, à ma prochaine ziyara traditionnelle à « Médina Baye Cheikh Ibrahima Niasse, de m’arrêter à Darou Mousti, sur le chemin de Kaolack, pour m’incliner sur ta tombe, en témoignage de mon respect pour l’illustre homme que tu fus. Et pour implorer Allah le tout puissant pour le repos de ton âmeen t’exprimant la profonde tristesse de mon pays, de ton pays, de notre pays qui aurait sans doute voulu que tu y sois enterré et que sa terre t’accueille, les larmes aux yeux, pour la perte de l’un de ses fils les plus aimés.

Mohamed Vall Ahmed

      Journaliste

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