Quand la compétence transcende le corps
Le handicap, dans sa dimension physique, est trop souvent perçu comme un obstacle, voire comme une limitation. Pourtant, cette perception mérite d’être profondément remise en question. Le véritable obstacle ne réside pas dans le corps, mais dans le regard porté sur lui. Il est mental, enraciné dans l’incapacité à reconnaître pleinement la richesse humaine et intellectuelle de chacun.
Dans un monde qui se réclame de l’égalité, il est frappant — et choquant — de constater que la discrimination à l’encontre des personnes en situation de handicap physique demeure bien présente, en particulier lorsqu’il s’agit d’accéder à des postes de responsabilité ou de décision.
Une incohérence sociale persistante
En Mauritanie, comme ailleurs, le discours officiel prône l’égalité des chances et l’équité. Pourtant, dans les faits, les personnes handicapées restent largement exclues des hautes sphères institutionnelles, politiques ou économiques. Et cette exclusion n’est pas due à un manque de compétences, mais à la persistance de stéréotypes tenaces.
Ces femmes et ces hommes, qui chaque jour affrontent des défis que beaucoup ne peuvent imaginer, développent une résilience, une intelligence de situation et une force intérieure remarquables. Pourtant, ils sont souvent écartés des postes de pouvoir, simplement parce qu’ils ne correspondent pas à l’image conventionnelle du leader idéal.
Mais qui a décidé qu’un corps valide équivalait à une intelligence supérieure ? Où est-il écrit que, pour diriger, il faut marcher droit ? La réalité est tout autre : la capacité de décider, d’inspirer, de gérer la complexité et de faire preuve de vision n’a rien à voir avec l’apparence physique.
Une perte pour la société entière
La marginalisation des personnes handicapées n’est pas seulement une injustice individuelle ; elle représente aussi une perte collective. C’est un gaspillage de talents, de perspectives et d’expériences précieuses. C’est une atteinte à l’intelligence collective.
Le leadership, dans sa définition la plus noble, est un exercice de discernement, de vision stratégique et d’inspiration. Il ne s’agit ni d’une démonstration de force physique ni d’une conformité à une norme corporelle.
L’histoire le montre avec éloquence :
- Taha Hussein, aveugle, fut l’un des plus grands penseurs de son temps et un artisan majeur de la réforme de l’éducation en Égypte.
- Franklin D. Roosevelt, en fauteuil roulant, guida les États-Unis à travers la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale.
Un appel à l’action
Il est temps de dépasser les critères superficiels et de bâtir une culture du leadership fondée sur la compétence, l’expérience, la créativité et la vision. L’inclusion des personnes en situation de handicap dans les sphères de décision n’est pas seulement un impératif moral ; c’est une condition nécessaire à la justice sociale et au progrès durable.
Valoriser toutes les ressources humaines, sans exception, est le seul chemin vers une société réellement équitable, riche de toutes ses différences.
El Wely Sidi Heiba