La Mauritanie face aux défis migratoires :Des efforts constants pour la protection des droits des migrants

La Mauritanie se trouve à un carrefour stratégique, agissant à la fois comme pays de transit et de destination pour de nombreux migrants. Sa position géographique unique, entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, et ses opportunités économiques en font un point d’attraction majeur. Les villes comme Nouakchott, Nouadhibou, Rosso, Sélibabi et Chami accueillent une population migrante croissante, qui y trouve un lieu d’installation temporaire avant de poursuivre son voyage, principalement vers l’Europe. Cette situation, documentée notamment par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), met en exergue la pression migratoire exercée sur le pays ces dernières années. Face à cette situation, la Mauritanie a déployé des moyens humains, matériels et financiers pour y faire face, en plus d’avoir harmonisé son cadre juridique interne. Force est, cependant, de constater que ces efforts n’ont pas été reconnus à leur juste valeur par certaines organisations.

Une crise humanitaire en pleine expansion

La route de l’Atlantique est malheureusement le théâtre de tragédies humaines. Le nombre de naufrages le long des côtes mauritaniennes a atteint des niveaux alarmants. D’ailleurs, Il y a de cela quelques jours, un navire a chaviré sur ses côtes avec à son bord seulement 17 survivants sur la centaine que contenait l’embarcation au départ de la Gambie. Loin d’être un cas isolé ce type d’incidents est devenu récurrent et a pris une ampleur inquiétante ces dernières années. Depuis le début de cette année la gendarmerie nationale a sauvé 53 clandestins en Mer tandis les gardes côtes en ont sauvé 1385.
Les déclarations du Dr. Mohamed Salem OULD MERZOUG, ministre mauritanien des Affaires étrangères, de la Coopération Africaine et des Mauritaniens de l’Extérieur, lors de sa visite au Mali en Avril 2025, en sont un témoignage poignant. « En 2024, plus de 500 corps de jeunes Africains ont été repêchés sur nos côtes et plus de 100 depuis le début de cette année. C’est une tragédie humaine que nous devons affronter ensemble ».
Ces drames sont souvent l’œuvre de réseaux criminels qui exploitent la vulnérabilité des migrants. Le démantèlement de 88 réseaux de passeurs au cours du premier trimestre 2025, contre 148 pour l’ensemble de l’année 2024, souligne la montée en puissance de cette criminalité transnationale organisée. En parallèle, les autorités mauritaniennes ont rapatrié 18 300 migrants en situation irrégulière entre janvier et juillet 2025. Ces efforts s’inscrivent dans une volonté de réguler les flux migratoires, promouvoir une migration sûre, ordonnée et régulière tout en combattant les passeurs.
Il faut rappeler que ces chiffres ne concernent pas les plus de 300.000 réfugiés et demandeurs d’asile qui bénéficient d’une protection spéciale et de nombreux avantages notamment l’accès aux droits sociaux via des programmes de Taazour.

Un cadre juridique renforcé pour la protection des migrants

Outre l’adhésion aux conventions internationales pertinentes en matière de protection des droits de l’homme, notamment celle relative à la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leurs familles, la Mauritanie a mis en place un cadre législatif et réglementaire robuste pour encadrer la migration et protéger les droits des migrants. La Loi n° 2020-018, qui modifie la Loi n° 2010-021 relative à la lutte contre le trafic de migrants, marque une avancée significative. Cette loi :
• Insiste sur l’application sans discrimination, en accord avec le droit international des droits de l’Homme. Article 3.
• Accorde l’immunité pénale aux victimes de trafic, les considérant comme telles et non comme des criminels. Article 17.
• Renforce les sanctions contre les réseaux de passeurs, en particulier lorsque la vie des migrants est en danger. Article 18.
• Prévoit des mesures de protection spécifiques pour les personnes vulnérables, notamment les enfants. Article 43.
L’arrêté conjoint n°00591/2025 établit des Procédures Opérationnelles Standards (POS) qui garantissent les droits des migrants en matière d’expulsion. Chaque personne appréhendée fait l’objet d’une évaluation individuelle approfondie afin d’identifier ses besoins de protection et d’évaluer les risques liés à son retour.
La durée de rétention administrative est strictement limitée à 72 heures et en cas d’expulsion, une coordination est systématiquement mise en place avec les autorités consulaires et locales des pays d’origine pour assurer un retour en toute sécurité.
Il faut également noter qu’une protection particulière est accordée aux catégories vulnérables au titre de l’article 25 de l’arrêté conjoint n°00591/2025. « Toute personne migrante identifiée comme vulnérable est transférée vers un Centre d’Accueil géré par l’Instance Nationale de Lutte Contre la Traite des Personnes et le Trafic de Migrants (INLCTPTM), en coordination avec l’OIM ».
De plus, pour garantir la sécurité des migrants faisant objet d’une expulsion, une coordination est systématiquement établie avec les représentations consulaires concernées, ainsi qu’avec les autorités locales du pays de retour, afin d’éviter tout abandon en zone dangereuse ou isolée.

Un dialogue permanent avec les Organisations internationales et les ONG

La Mauritanie s’implique activement dans le dialogue international sur la migration. Elle est signataire de la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants (2016). Il s’agit d’un accord politique des États membres des Nations Unies visant à renforcer la coopération internationale en matière de protection des réfugiés et de gestion des migrations. Elle a également adopté le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (2018). Le Pacte est le résultat de plus de 18 mois de consultations et de négociations impliquant les gouvernements et d’autres acteurs, y compris la société civile et le secteur privé. Le Pacte établit un cadre de coopération pour une gestion plus efficace des migrations, en mettant l’accent sur la sécurité, l’ordre et la régularité.
En tant que partenaire clé de l’Union Européenne (UE), la Mauritanie collabore étroitement au contrôle des frontières et à la lutte contre la migration irrégulière. Cet engagement se traduit par des accords qui visent à la fois à renforcer les capacités de surveillance des frontières et à financer des projets de développement économique. L’objectif est de s’attaquer aux causes profondes de la migration en créant des emplois et en améliorant les infrastructures, afin de réduire les départs irréguliers à la source.
La Mauritanie a également signé des accords bilatéraux avec certains Etats africains concernant la migration irrégulière et les conditions de séjour des ressortissants dans les deux pays. Cela démontre la volonté de notre pays d’adopter une approche régionale pour une gestion concertée des flux.

Sauvegarde de la sécurité nationale

La gestion de ces flux migratoires massifs s’inscrit également dans le contexte plus large de la sécurité nationale. La Mauritanie, située dans une région instable, a déployé des efforts considérables pour maintenir la stabilité de son territoire et garantir la sécurité de sa population. A cet effet, elle a beaucoup investi dans le renforcement des capacités de ses forces de sécurité, crucial, pour lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale, qui profitent souvent des migrations irrégulières pour prospérer.

La Mauritanie a déployé des efforts considérables pour faire face aux défis complexes de l’immigration. Son action, à la fois humanitaire et sécuritaire, démontre une approche équilibrée qui, malgré l’ampleur des défis, vise à protéger les migrants tout en garantissant la sécurité nationale.

Dr. Youssouf BA

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