La lecture psychologique et critique de « Un dimanche à Luanda »

Un petit livre de moins de 110 pages au total, pour sa première édition en 2021 par la maison d’édition JOUSSOUR Abdel AZIZ, basée à Nouakchott Mauritanie. 

Pour commencer, la page de garde est striée en trois couleurs. En haut où le nom de l’auteur figure, est la couleur du sable, qui se rassemble à celle de la couleur du sol mauritanien. Et au milieu du livre et un peu en-dessous on voit la partie nord-sud, le sud, le centre et l’est de l’Afrique couvert par les trajets empruntés par des avions. Qui prennent la forme d’une toile d’araignée. Quant au verso de couverture on trouve à nouveau le titre du livre au milieu de la couleur du sable. Et en-dessous la photo une présentation succincte de l’auteur.     

            Le livre comprend en tous huit chapitres inégaux après une brève préface. Qui décrit les contenus du livre sans en détailler et prépare le lecteur à y accéder entre les lignes. 

            L’ouvrage est un récit autobiographique du ou des parcours d’un mauritanien de notre génération. Il est né en 1970 à Kaédi au sud-est de la Mauritanie. D’où commence l’œuvre, il le nomme village, on se demande pourquoi. Pourtant Kaédi fait partie des grandes villes de la Mauritanie. Elevé surtout par sa mère, sa grand-mère maternelle, ses frères ainés, ses oncles et ses tantes …, par la grande famille Africaine. Une enfance très marquée par l’absence du père. Ce dernier fut en Côte d’Ivoire et y décède. L’auteur a grandi dans cet environnement qui accorde une infinie valeur aux liens de parenté. Et aussi à la religion. D’ailleurs le récit commence par les rituels de l’aube de la prière, à laquelle toute la vie au village tourne autour d’elle.

   C’est à travers les liens de parenté et de l’attachement à la religion que notre héro autobiographe nous fait plonger dans son aventure, à la fois un simple voyageur à la quête de renforcer les liens familiaux qui l’amène jusqu’en Côte d’Ivoire. En passant par le Sénégal, le Mali, le Burkina FASSO chez son oncle maternel et de son cousin et son beau-frère, le mari de sa sœur. Et en Côte d’Ivoire où il eut l’idée de recueillir sur la tombe de son père. Après cet acte, un sentiment de satisfaction lié à l’accomplissement ou à la réalisation d’un désir, voir même une volonté. Jusque-là notre auteur raconte les faits avec une description géographique de la nature et sa découverte personnelle des paysages différents de sien. Et il nous fait vivre dans ses relations avec le monde des parents où il se trouve. Et aussi ses rencontres avec d’autres Soninkés dont il ne les connaissait pas. Mais qui l’ont facilité le trajet plusieurs fois. Même s’il avait toujours avec lui les adresses. C’est en Côte d’Ivoire à la suite du recueillement sur la tombe de son père, que l’idée de l’aventure nait à la suite des échanges avec d’autres ressortissants ouest-africains, notamment Soninkés. On dirait que le recueillement a donné l’idée de grandir. Selon un adage Soninké, on devient grand quand notre père meurt. Donc il faut attacher la ceinture. Jusque-là, il est un simple touriste observateur de la nature, animé par les liens de parenté et des découvertes. Et beaucoup d’évènements se déroulent en sa faveur.    

Et ensuite il nous parle de ses tournées avant de prendre le trajet pour les pointes noires au

Congo chez un cousin.  Où il se rend sans fond ou une capitale financière. C’est quelqu’un qui comptait sur la volonté divine en premier lieu, avec lequel il nouait les liens chaque jour pendant les cinq prières et deux fois le Wird (Mentions d’Allah par un nombre et un moment précis). Et également les rapports de lien de parenté même avec ceux qu’on avait que leurs adresses ou numéro de téléphone. Il suffit pour l’auteur qu’il soit un membre de la communauté. Une valeur partagée pour toutes les communautés africaines. On trouve que cette valeur est profondément ancrée en chair et en os dans Badjimé. Car c’est sa son adresse. Cela s’explique en anthropologie par l’appartenance communautaire par le lien de sang. Et en psychologie par l’attachement sécurisant. Il a été démontré par certaines recherches psychologiques ; notamment J, Bowlby (1907-1990), le concept de l’attachement. Il s’agit des liens d’attachement qui existèrent entre l’enfant et sa mère depuis sa prime enfance. Plus que cet attachement est sécurisant, plus l’enfant acquiert une sécurité interne qui favoriserait un équilibre de la personnalité. R, Spitz (1887-1974), en a démontré dans une étude auprès des enfants paupières en Roumanie. Notamment, par la carence affective.   

En plus de cet aspect psychologique, l’aspect religieux islamique accorde une place primordiale aux liens de parenté. Et sanctionne gravement tout celui qui ne les respecte pas. Même en son intimité.  

Finalement, l’aventure conduit notre héro en Angola où il se trouve chez une proche sans son mari, qui est censé être le correspondant de l’aventurier. En n’aucun moment, l’auteur explique comment telle ou l’autre personne est devenue son proche. Il utilise vaillamment, le terme parent. Un français africain, qui utilise ce terme de façon élargie désignant tout ou toute proche (voir le dictionnaire du français africain). Devant cette femme, seule avec ses enfants et un hôte inattendu se lie une relation de confiance réciproque sans précédent. Cela nous fait penser à l’enfance de l’auteur. Dont l’absence du père est un fait marquant. Mais ce n’était pas vécu comme un abandon paternel comme dans cette nouvelle famille. L’auteur portait en lui la représentation imaginaire d’un père généreux. C’est en cette famille qu’une relation se tisse avec un certain Papa Johny, généreux, courtois, sauveteur …etc. Un père se contentant d’aider et de donner des conseils sans heurter l’auteur à son projet dangereux d’aventure. 

Le contact avec deuxième père sans lien sanguin, mais très psychologique redonne un nouvel élan à la recherche d’un meilleur avenir. En continuant entre les différentes pages on compatit avec l’auteur dans son courage et de son humanisme sans limite. Cette dernière dépassa les liens de parenté pour s’élargir à tout être humain. Ainsi un amour pour son proche sans limite. Dans le foret Angolais, il reste pendant sept mois sans nouvelle de sa famille nucléaire, surtout la maman se trouvant en Mauritanie, vient aggraver la situation désespérée de notre pauvre héro. Cette situation ne concerne pas lui seulement, mais aussi tous ses semblables dans ce foret lointain est dangereux.  Ainsi, l’idée d’un projet de communication est mise en œuvre. Deux gains, le profit d’appeler chaque matin sa mère est le premier. Le deuxième est les bénéfices financiers tirés des appels. Les affaires marchent jusqu’à ce que le cabinet soit rattaché à un comptoir des diamants. Il aide des personnes à contacter leurs familles. Il devient leur ami et confident. Le héros compte sur son capital humain de confiance, l’entraide et la compassion jusqu’à qu’il décide de partir au pays avec un sentiment de réussite et des succès. Et se maria avec une cousine et en maintenant des contacts avec le cabinet du travail en Angola.    

Hanté à nouveau par des inquiétudes et des insomnies liées en Angola. Car il est dans la situation inverse, au lieu d’appeler les gens chaque matin, c’est les collègues et les amis qui l’appellent chaque matin. Il rebrousse le chemin pour y retourner. Arrivé aux pointes noires, les mauvaises nouvelles l’ont fait vivre des deuils successifs. Son collègue du travail, qui est devenu son ami, quelques compagnons de la route, Ramata sa correspondante et sa confidente à Luanda.

Ces deuils ne sont que des événements qui précédent d’autres faits plus douloureux et plus graves. L’arrestation, la déportation, le cachot, la faim (il dit : Lorsque viennent les moments de disette, j’ai cependant honte de tendre la main vers autrui et préfère affronter seul la faim. Certaines nuits elle me tenaille tant que j’en suis réduit à nouer un sous-vêtement autour de mon ventre. Sans même plus une bougie pour m’éclairer, je me cogne parfois au mur en me relevant de la prière. En ce sombre veillés, je m’enhardis alors à marcher dehors, malgré le risque des serpents venimeux. La maltraitance, l’isolement, la maladie, la détresse psychologique. …, etc. Malgré la religiosité, la dépendance et l’accoutumance collectives au tabagisme s’installèrent dans le milieu de la détention pour aider à supporter les souffrances et les détresses psychiques. Dans des endroits coupés du monde. Les contacts humains ne furent qu’avec les collègues en détention et les bourreaux de la détention. Notre héros nous fait vivre des situations désespérées et insupportables. Des situations qui causent la compassion et l’empathie.

Finalement dans des pareilles situations on ne cherche qu’à survivre avant tout. Et heureusement, l’auteur a pu être sauvé avec d’autres compatriotes et d’autres ouest-Africains sans savoir réellement de la part de qui. Certes le Seigneur qui voit et n’oublie personne. Notre superman nous fait plonger dans des scènes douloureuses suivies par l’espoir. Ainsi, il sort de cet enfer par différents moyens de transport. Camions souvent bâchés, qui traversèrent les forêts. Pirogue, qui se fait danser par les vagues. Et avion souvent civil ou militaire avec des habits sales et déchirés. Il surmonta toutes les scènes tragiques en restant en vie avec son intégrité physique et de rejoindre son pays natal. Il se considère parmi le plus chanceux, car beaucoup d’autres ont péri dans des circonstances jusque-là inconnues. Ils portent en lui ces personnes qu’il les a connues durant son trajet de vie. Comme son père, son oncle Fodiè, etc.   

A un autre chapitre, l’auteur nous raconte l’histoire d’un fils unique guerrier Soninké. Qui a été enrôlé dans l’armée française par force pour combattre dans le rang français contre l’occupation nazie. Cette partie nous fait plonger l’époque coloniale et les conditions de vie du peuple Soninké, entre autres sous la colonisation et l’impérialisme français. Un autre fait mérite d’être cité. Il s’agit de la condition des femmes, notamment Soninké. Malgré tout, elles restent loyales. Ce qui a comme conséquence d’apporter des Baraka dans l’union conjugale et la réussite des enfants issus de l’union sacrée. 

Et ensuite nous fait vivre à nouveau au présent. Notamment la situation des écoliers dans la saison de harmattan. Et il remarque que les conditions de vie sont les mêmes depuis plus de trente ans. Et aussi le paradoxe de l’histoire. Les jeunes gens furent emportés par la force et la tyrannie pour aller mourir au front. Aujourd’hui ce même peuple est intercepté aux frontières européennes à Ceuta, Melilla …etc. De façon générale, c’est aux africains mêmes de se respecter en premier lieu. En se référant aux leadeurs, aux intellectuels panafricanistes et des noirs qui ont défendu la cause africaine et noire. 

La dernière partie du livre est consacrée à un poème. Où, le poète raconte son enfance et notamment l’absence de son père. Qu’il a tant aimé. A titre de rappel, l’auteur donne le sens de sa nouvelle vie par le fait de rester à côté de sa famille. Notamment pour élever ses propres enfants.       

Sur le plan linguistique, le narrateur est l’auteur même. Il a usé les temps du passé, car il s’agit d’une partie de son passée. Les textes sont pleins des jolis passages avec des descriptions profondes, notamment visuels et rarement sonores. Les textes sont pleins des vocabulaires rares, qui n’empêchent pas de comprendre le contexte général. Ce qui pousse un si curieux à fouiller le dictionnaire. Comme toute œuvre humaine, il y a toujours des manquements, ces pages aussi ont quelques fautes orthographiques. A titre d’exemple, non exhaustive, le file indienne au lieu de la file indienne. Guirado, au lieu de Guidado, rompre le jeune, au lieu de rompre le jeûne. Et Kindi au lieu de Kingui.  

Les lieux, les personnes et les dates sont cités de façon directe. Des fois avec des mots de la créole portugaise. Ce qui note le gout de l’auteur avec la réalité. Cela fait partie d’un aspect de la personnalité, aimer la vérité et de l’exactitude. Par les valeurs de la rigueur, la fidélité, Même si de fois, il se sert de l’imaginaire pour défendre la véracité de son réel. 

Pour conclure, je ne trouve pas de ma part correcte de résumer un livre d’à peu près 110 pages en moins de cinq pages. Surtout des pages pleines des subtilités, des passages descriptifs, artistiques, réflexifs et tragiques. En outre, entre autres la générosité, l’hospitalité et la grande famille Africaines, le gout de l’aventure pour ce même peuple. Notamment le ouest-Africain, car Ils sont partout. Un appel aux africains à prendre leur destin en main, les dirigeants, les simples citoyens et les européens. Ces derniers sont souvent à l’origine de beaucoup des maux, en complicité avec certains africains. On ne peut pas la comprendre sans la lire entièrement. La narration ne manque pas des leçons de vie, (La vie c’est l’amour, le passage sur la terre, s’en remettre à Dieu tu verras toujours une issue favorable). En tout cette œuvre dit beaucoup des choses sur la personnalité de l’auteur. A commencer par son enfance, marquée par l’absence du père et le courage d’une mère Africaine. Le livre nous dévoile aussi l’identité musulmane, noire et penchant vers le gauchisme d’un héros aventurier. Voire-même survivant.        

Mr Khalil Guidado KOITA,

Psychologue clinicien, psychothérapeute et formateur

Au Centre Hospitalier des Spécialités, Nouakchott, Mauritanie.

khalilkoeta@gmail.com

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