Livres: Résider au Confluent du Spirituel et du Temporel ou rencontre du Transitoire et du Permanent

Le titre du livre d’Abdel Khadir Guissé, Résider au Confluent du Spirituel et du Temporel, s’offre au lecteur comme une équation à résoudre. S’y arrêter c’est se confronter au défi d’ouvrir la porte hermétique d’un univers fait de mystères tant les termes qui se côtoient sont quelque peu déroutants. Un verbe à l’infinitif et trois substantifs. Cela donne envie de se prêter au traitement d’un sujet de dissertation à défaut de pouvoir en faire une équation à plusieurs inconnus.

S’impose alors un travail sur les termes. 

Les mots résider, confluent, spirituel et temporel sont Issus du latin, Ils désignent des réalités à la fois concrètes et abstraites. Résider, venant de residere (« demeurer »), évoque l’idée de stabilité, qu’il s’agisse d’un lieu habité ou d’un principe établi en quelque chose. Confluent, du latin confluere (« couler ensemble »), désigne une jonction, qu’elle soit physique, comme celle de deux rivières, ou symbolique, comme la rencontre d’idées ou de cultures. Spirituel, (de spiritualis) renvoie à ce qui se rapporte à l’âme, à la conscience ou au sacré, par opposition à la matière. Temporel (de temporalis) qualifie ce qui est lié au temps, à la condition humaine et au monde transitoire, en contraste avec l’éternité du spirituel.

Abdel Khadir, en mettant ensemble ces notions suggère de façon implicite, tacite, peut-être, une tension entre permanence et passage, fusion et dualité, matière et esprit.

Abdel Khadir Guissé

Comprendre cette structure encourage du coup une plongée dans la série d’idées que constituent les contenus du livre. En parcourant les deux-cent pages, ce n’est plus à la recherche d’une réponse à la question fondamentale de savoir comment résider (élire domicile et rester) au confluent (au carrefour mouvant) de deux dimensions, l’une abstraite, idéelle, intelligible et l’autre, palpable, sensible, finie et limitée : le spirituel et le temporel. C’est plutôt soumettre sa propre réflexion au dénouement de multitudes de thèmes que rien ne lie a priori.

Il y a cependant matière philosophique dans la multitude de titres qui ne construisent pas de chapitres successifs cohérents. Chaque élément peut être lu séparément des autres. Et c’est confortable ainsi. La rencontre du transitoire et du permanent, ou de l’immanence et de la transcendance s’effectue par le biais d’une crise ontologique lisible dans les premiers textes du livre : « la fuite de son être » ou pour « élire domicile à l’embouchure de son être et son inexistant. » Ceci est suggestif d’une quête : celle du sens à retrouver dans les choses. Mais surtout de comprendre du point de vue de l’humain que ces choses imposent « humilité » et « conscience ». Deux notions qui enjoignent à l’âme humaine qu’elle n’est ni plus valeureuse, ni plus grande que celle d’une fourmi.

C’est à se demander si au-delà de sa référence à Jalal Al Dine Rumi, Abdel Khadir saisit la portée de toute la méditation qui pourrait découler de cette idée de l’humilité. En effet, on peut évoquer l’épreuve de cette humilité vécue par le Roi Salomon face à la fourmi. Un récit symbolique de la tradition islamique et juive met en valeur la sagesse, l’humilité et la capacité d’écoute de Salomon, roi et prophète réputé pour son intelligence, sa justice et sa capacité à comprendre le langage des créatures. La sourate An-Naml (La Fourmi), évoque cette situation dans les versets 18-19: « Quand ils arrivèrent à la vallée des fourmis, une fourmi dit : ‘Ô fourmis, entrez dans vos demeures, de peur que Salomon et ses armées ne vous écrasent sans s’en rendre compte.’Il (Souleymane) sourit, amusé par ses paroles, et dit : ‘Seigneur, permets-moi de te remercier pour tes bienfaits envers moi et mes parents, et d’agir avec droiture que Tu agrées ; et fais-moi entrer, par Ta miséricorde, parmi Tes serviteurs vertueux.' »

(Coran, 27 :18-19)

 Ici c’est la réaction du Roi-Prophète Salomon qui est saisissante ! Il comprend que tout ce dont il jouit est rendu possible par la grâce de son Créateur. Quid des tyrans et des dictateurs qui ont la destinée de la planète entre les mains aujourd’hui ?

Alors, il faut retenir que « résider au confluent du spirituel et du temporel » c’est décider de méditer plus que de s’informer. Les textes qui sont rassemblés dans ce livre ont chacun cette capacité à faire réfléchir tout en recevant ce que pense Abdel Khadir Guissé des faits et des choses, des idées et des concepts.

KD

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