Après un silence radio très pesant suite aux longues semaines de privation des habitants de la capitale d’eau potable, le Premier ministre Mokhtar Ould Diay est subitement sorti de son mutisme pesant, déclarant que la mise en place d’une station de filtration géante a permis de résoudre définitivement la question de l’envasement de la plus importante source d’eau alimentant la ville de Nouakchott en eau potable.
Cette déclaration intervient alors que des milliers d’habitants de la capitale n’ont toujours pas accès au précieux liquide et continuent la valse quotidienne à travers la ville munis de leurs mythiques bidons jaunes à la recherche de l’eau.
Le Premier ministre a fait sa déclaration dans un billet publié sur sa page Facebook.
Beaucoup de gens s’interrogent sur la persistance du problème de l’approvisionnement en eau de la capitale. Une interrogation tout à fait plausible, en effet, au vu des milliards qui continuent à être dépensés pour un résultat toujours en deçà des attentes.
Ces dernières années beaucoup de projets ont été lancés dans l’objectif d’apporter une solution à ce problème.
En Novembre 2019, dans le cadre des festivités commémoratives du 59ème anniversaire de l’indépendance nationale le Président de la République avait procédé à la pose de la première pierre d’une nouvelle étape du projet d’extension et de réhabilitation du réseau de distribution d’eau potable dans la ville de Nouakchott.
Cette nouvelle étape du projet était censée « permettre la mise en place d’un réseau d’eau réalisé suivant les techniques modernes les plus récentes dans le domaine afin de rendre l’eau disponible dans les domiciles en quantité suffisante et en qualité excellente. »
Il était prévu la réalisation de 900km de tuyaux d’eau et 60.000 branchements gratuits dans les composantes du projet.
Il s’agit de la partie restante de la 4ème composante qui prévoit la pose de plus de 137km de tuyaux et la réalisation de 15.000 branchements à domicile ; la composante 10 qui comporte la pose de 250 km de tuyaux et la réalisation de 22000 branchements à domicile au niveau des quartiers Soukouk, les zones de Dar El Barka et de Aïn Talh dans la moughataa de Dar Naïm ouest et ceux d’El Haye Sakin et de Zaatar ainsi que la réhabilitation et l’extension des 2 stations de pompage de Toujounine et Teyarett ; la composante 11 du projet devant permettre la desserte des quartiers de Toujounine Sbeikha, Bouhdida, Mellah, Ghandahar, Kossovo et le parachèvement des quartiers de Tarhil ; la composante 12 avec l’extension et la distribution d’eau potable au niveau des quartiers d’Arafat et d’El Mina Nord, Dar El Beyda, la zone du port autonome de Nouakchott et les parties restantes du plan directeur réactualisé ; le pôle de Sebkha pour la distribution d’eau qui comporte l’importation et la mise en place d’une station de pompage et la construction d’un réservoir de 5000m3 ; et enfin le parachèvement de la composante 6, qui englobe Arafatt, Riyad et qui devait permettre l’exécution des travaux de cette partie pour la desserte totale des quartiers d’Arafat et de Riyad , qui n’étaient pas prévu dans le plan directeur d’étude du réseau. Tout cela, nous avait-on assuré aurait un impact considérablement positif sur la croissance et la prospérité des populations de la capitale.
Le coût de ce projet est de 15 milliards d’Ouguiyas MRO, sur financement de l’État mauritanien et ses partenaires comme la BID, le fonds saoudien de développement et le fonds koweïtien pour l’investissement.
Les travaux devaient s’achever à l’horizon 2022.
En plus de cela et dans le cadre de l’accélération de la mise la mise en œuvre des Engagements du Président de la République, un Programme Prioritaire N°1 avait été lancé le 29 janvier 2020, le fameux Programme Prioritaire Elargi du Président.
Le coût global du Programme s’élève à 40.163 millions de MRO dont 19% devaient être consacrés au volet Hydraulique.
A l’occasion de la présentation de sa déclaration de politique générale 2019-2020, le Premier ministre, Ismail Bedda Cheikh Sidiya, avait annocé le lancement au niveau du réseau de distribution de Nouakchott, en novembre 2019, de la nouvelle phase qui permettra d’étendre le réseau d’eau potable à l’ensemble des quartiers non desservis de la ville pour un métré total de 1400 km de réseau et 100 000 branchements.
Il avait affirmé au passage que, d’ici à 2024, la gestion durable de la ressource en eau qui sera menée, contribuera à maîtriser l’alimentation en eau sur une grande partie du territoire.
En mai 2022 la commission économique de l’Assemblée nationale a discuté le Projet de loi n° 22-008, autorisant la ratification de l’accord de prêt signé le 08 mars 2022, au Koweït, entre la République Islamique de Mauritanie et le Fonds Arabe pour le Développement économique et Social (FADES), pour la participation au financement du Projet de Sécurisation et de Renforcement d’Approvisionnement de la Ville de Nouakchott en Eau Potable.
Ce projet se fixait comme objectif d’éviter l’exposition de la ville de Nouakchott à la soif, à travers l’utilisation du bassin phréatique d’Idini comme réserve stratégique pouvant satisfaire les besoins essentiels en eau des habitants de la ville, en cas d’arrêt de l’approvisionnement à partir des installations de l’Aftout Essahli et du fleuve Sénégal.
Autre financement important destiné au renforcement de l’approvisionnement en eau de la capitale, 4,4 Millions d’euros pour les phases 1 et 2 (2019-2021/2022-2025) du projet communautaire d’Accès à l’eau et à l’assainissement
Ce projet est porté par la coopération suisse (Ville de Lausanne et communes limitrophes) ainsi que par la coopération française avec la participation des villes de Bordeaux et Metz Métropole. Les agences de l’eau françaises Adour-Garonne et Rhin Meuse participent également au financement.
Grâce à ce projet, une extension du réseau d’eau de190 km, était prévue à l’horizon 2025.
En Août 2023 suite à une crise d’approvisionnement similaire à celle d’aujourd’hui, le Président de la République avait engagé le gouvernement à l’effet de résoudre le problème d’eau potable de Nouakchott.
Des instructions présidentielles préconisaient de veiller, à la maintenance régulière des installations hydrauliques de l’Aftout Sahili, par la mise en place d’un système durable, et à l’accélération de la recherche des financements nécessaires à l’extension d’Idini et à la construction d’une usine de dessalement de l’eau de mer à Nouakchott.
En novembre 2024, le ministre de l’Économie et des Finances a présenté les grandes lignes du projet d’urgence pour le développement de Nouakchott.
Concernant l’eau potable le programme inclut le renforcement des stations du complexe universitaire et de Aïn Talh, la réhabilitation de la station de Toujounine, ainsi que l’installation de nouvelles canalisations pour relier les stations afin d’améliorer la distribution des ressources en eau et desservir les quartiers souffrant de pénuries. Cette composante permettrait d’assurer l’approvisionnement de Nouakchott en eau potable depuis le site d’Idini, avec un débit de 60 000 mètres cubes par jour. Des mécanismes de réduction des sédiments seront également mis en place au niveau de la station de Beni Naji pour limiter la turbidité de l’eau et garantir une alimentation continue de la ville. Par ailleurs, la capacité de production d’Aftout Sahili sera augmentée pour atteindre 225 000 mètres cubes.
C’est dans le cadre de ce programme que le président de la République a procédé le 20 novembre 2024 à la pose de la première pierre du projet de renforcement de l’alimentation en eau potable de Nouakchott à partir de la nappe d’Idini.
Le coût total du projet s’élève à 75 millions de dollars, financés par le budget de l’État et le Fonds arabe pour le développement économique et social (FADES).
La mise en œuvre du projet est prévue pour 22 mois.
Et à en croire la ministre de l’hydraulique et de l’assainissement, ce projet « permettra d’éliminer définitivement à moyen terme la crise de l’eau à Nouakchott, afin d’assurer une vie décente à chaque citoyen. »
Le 25 juin 2025, le Ministre de l’Économie et des finances a fait état d’un projet de loi autorisant la ratification du protocole financier signé entre la Mauritanie et la France, destiné au projet d’extension du système d’adduction d’Eau Aftout Sahili, visant à répondre aux besoins en eau potable de Nouakchott, face à la croissance démographique que connaît la capitale.
Grâce à ce financement, l’alimentation de Nouakchott en eau potable va augmenter 75 000 mètres cubes, à en croire le ministre. Ils s’ajouteront aux 150 000 mètres cubes qui représentent la production actuelle d’Idini et Aftout Sahili, pour la consommation de Nouakchott.
A noter que ce crédit représente une enveloppe de 18 milliards d’ouguiyas MRO.
Comme on peut le constater, les milliards continuent à pleuvoir mais le problème de l’approvisionnement en eau de la capitale est loin d’être réglé et la barre des 226 000 m3 /j prévus dans le cadre du mégaprojet de l’Aftout Sahili qui a coûté au contribuable mauritanien la bagatelle de 451 Millions de dollars, semble encore très haute.
Bakari Gueye