Je suis tenté de dire que tous les problèmes de l’humanité résultent du fait que chacun juge l’autre sans se mettre dans sa peau pour le comprendre.
Il est de la nature humaine de ceux à qui dieu a voulu leur offrir une once de son pouvoir – un pouvoir fragile, éphémère et contestable, d’ignorer les récriminations, les protestations et les revendications de l’autre, par la banalisation, la diabolisation ou même en niant en bloc les motifs de sa grogne, par ce que jugé hâtivement et à tort .
Dès lors, la sagesse voudrait qu’on accepte de se prêter au jeu de rôle pour comprendre l’autre avant de le juger.
Cela contribuera sans doute à la réduction des conflits, en créant une atmosphère moins conflictuelle et plus saine .
En Mauritanie, par exemple où l’on cherche désespérément, depuis des décennies une panacée pour venir à bout de l’unité nationale, ce jeu de rôle, peut ainsi aider à la consolidation de la cohésion nationale fragilisée par la poussée de l’extrémisme de tous bords.
Chacun cherche ce qu’il n’a pas
Le blanc vient se bronzer sous le soleil Africain pour avoir la peau mate .
Les Africains se depigmentent la peau pour ressembler au blanc.
Certains sont apatrides et cherchent vaille que vaille, une patrie quelle qu’elle soit alors que d’autres veulent renoncer à leur nationalité pour multiples raisons.
Les contradictions ne manquent pas. Chacun à ses raisons qui lui sont propres.
La France, c’est la merde pour certains. Pendant ce temps les plages de la méditerranée deviennent des tombeaux à ciel ouvert , pour de nombreuses personnes qui ne rêvent que de l’Europe et de l’hexagone : un Eldorado pour elles.
Si la hantise de certains est d’accéder à la noblesse, la noblesse est sans intérêt pour d’autres qui y sont parvenus sans formalités.
Chacun d’entre nous est tiraillé par une obsession, elle n’est jamais fortuite et fantaisiste. Elle est l’expression d’un manque et d’un désir de satisfaction souvent de quelque chose que la société nous refuse.
Pour d’aucuns, ce complexe est ailleurs : retrouver une famille, être reconnu et accepté ou avoir une légitimité paternelle, juste un nom de famille, sans doute un superflu pour d’autres.
Voyez-vous ! Les exemples ne manquent pas, nos préoccupations ne sont pas les mêmes.
Dès lors, vous comprendrez jusqu’à quel point nos priorités et préoccupations sont différentes.
A chaque fois qu’on franchit un stade, on est animé par d’autres ambitions, c’est la nature humaine.
Certains ont la chance d’être en bonne santé mais se plaignent de la pauvreté, ils vont jusqu’à souhaiter abréger leur vie alors que certains richissimes, sont cloués sur un lit d’hôpital attendant désespérément. Ceux-là préférent dans ces conditions être à la place du pauvre : indigent mais dans la plénitude de la santé.
Le souci du mouvement Ganbanaxu, c’est de combattre l’esclavage et dérivés en permettant ainsi à tout le monde d’accéder au statut enviable et respecté, synonyme de privilégies en milieu Soninké : la noblesse. Pas plus !
Une ambiguïté ressort des propos de certaines personnes qui s’interrogent sur le bien-fondé du combat qui est celui de Ganbanané allant jusqu au point de nier un bloc l’existence de l’esclavage coutumier au Guidimakha, sous quelques formes que ce soit.
La pratique serait disparue selon elles, ce qui relève d’une cécité volontaire les empêchant de voire les chaînes invisibles mais trop visibles, qui sont dans les mots, dans le rapport avec les autres, avec la terre et avec « la chose communautaire « .
Pour ces derniers, le mouvement d’émancipation s’attaque aux traditions, us et coutumes ; en menaçant le patrimoine et la mémoire de la société voire son existence.
Or, ces traditions, dans certaines de leurs manifestations réduisent certains groupes sociaux au rang de complément, si elles ne les stigmatisent pas , en les présentant comme des bouffons, des courtisans, bons pour faire rire la galerie et maintenus dans un carcan social sans perspectives de sagesse et de respectabilités réelles.
Cette analyse ne passe pas chez ceux qui ont hérité de la noblesse et ceux qui trouvent leurs compte dans cette stratification sociale. C’est un jeu d’intérêts. Ils crient au scandale et au complot.
Mais pour comprendre, la posture de l’autre qui veut être rebaptisé à travers un pacte social plus solidaire et plus égalitaire dans une communauté où les tous membres sont logés dans la même enseigne, il faut un surpassement de soi.
Pour cela, il faut accepter de changer de place, de se prêter au fameux jeu de rôle, ne ce serait qu’en portant un « nom d’esclave » pendant une journée, puisque formellement, il n’y a rien qui vous différencie. Et vous comprendrez les souffrances de l’autre.
Cette permutation de statuts et de rôle social, qui semble anecdotique, si elle est faite de manière sincère est une invitation à la découverte.
Cet esprit de discernement et de prise de hauteur qui manque à la plupart d’entre nous est un rempart contre l’infamie.
La crise actuelle de nos sociétés est celle de l’aveuglement volontaire, sur fond de silence coupable consistant à tout ramener à soi, dans un élan d’égoïsme sans précédent.
Le premier acte de la paix se construit dans la capacité à écouter l’autre, en ne l’intégrant pas dans votre propre définition mais en lui laissant lui-même, le soins de se définir et de se présenter tel qu’il veut être ou paraître.
Le Maure réclame son arabité mais pour quoi, voulez-vous qu’il soit autre chose alors qu’il n’en veut point.
Vouloir toujours, ramener l’individu à ses origines, à une histoire, à un passé dévalorisant et peu reluisant, somme toute des souvenirs qui rappellent échecs et humiliations, ne participe pas à la construction de la paix et du vivre-ensemble .
« Je veux être toi » parce que tu es l’échelle des valeurs, tu es la référence sociale, tu es le sommet de la pyramide.
Je dois avoir tes encouragements parce que je t’honore et je t’augmente.
Mais, la réponse est pour le moins cruelle et étonnante. Comment peut-on expliquer le refus de l’autre, celui qui aime dire » nous sommes des frères, nos sommes égaux » .
Tu restes » toi et moi, je reste moi. » C’est un rejet insultant d’une partie de soi, cela ne contribue point au rapprochement et à l’entente.
« Nous sommes des frères » ça ne semble plus convaincre personne. Cela relève n’est-ce pas d’une construction fictive au mieux utopique et d’une stratégie de diversion. « Je veux être toi », n’est nullement ta négation, au contraire c’est une duplication de ton image, de toi pour une communauté plus fraternelle et même fusionnelle.
Une société plus juste et égalitaire, c’est le combat du mouvement Ganbanaxu, qui peut se tromper dans la mise en œuvre de son projet . En effet, aucune œuvre humaine n’est parfaite .
Cependant, la justesse et la pertinence de son désir, d’œuvrer pour l’émancipation des « groupes damnés » dans la société Soninké est une idée plus noble que n’est la noblesse, elle-même qui se barricade derrière des theories suprémacistes, en fermant ses portes devant ses propres frères.
Or, la noblesse est pour nous, avant tout hospitalité, grandeur, honneur , bienveillance dans la mesure où elle veut promouvoir l’humanité vers l’excellence.