Décision de Mohamed Ould Abdel Aziz de ne pas briguer un troisième mandat : Sens, portée et défis

Je fais partie  des premiers  citoyens de ce pays qui ont soutenu  Mohamed Ould Abdel Aziz  lors des   grands tournants de notre vie politique en 2005, en 2008, puis en 2009 et enfin en 2014.

*Imam Cheikh

 

A chaque fois, notre plateforme d’entente  a été  construite sur  une vision claire : Un programme bien défini et dont l’essentiel était  fondé sur  le développement économique du pays, la promotion de la démocratie et des libertés, sur la justice sociale, sur l’égalité et l’équité, sur le respect de la chose publique et des institutions démocratiques, sur le rayonnement extérieur  de la Mauritanie et la sauvegarde de son indépendance.

Les avis divergent  bien évidemment  sur  le bilan de l’homme dans tous ces domaines ; Heureusement ;  Cette diversité dans les positions, encouragée ces dernières années par  une plus grande ouverture démocratique,  est une preuve de la maturité croissante d’une opinion  qui apprend aussi bien à  acquiescer qu’à exprimer son désaccord et sa contrariété.

Savoir se forger une opinion est un apprentissage difficile, fastidieux et long mais porteur de  la construction d’une personnalité, d’une conscience et d’une responsabilité dans le discernement.

Je crois personnellement  que cela ne diminue en rien les acquis   et le bilan du Président Aziz  mais offre l’opportunité  d’une remise en cause introspective et de  réajustements  à la lumière d’une critique responsable et légitime inspirée de  civilité et loin de toute vindicte. Le bilan  du Président n’étant pas mon propos, pour l’instant, son heure n’a pas sonné,  c’est plutôt l’unanimité exceptionnelle de tous les acteurs politiques  et de toutes les chancelleries du monde suite à  sa   décision  de  ne  pas briguer un  troisième mandat qui est à l’ordre du jour.

L’acte posé par Mohamed Ould Abdel Aziz, en octobre 2016  et confirmé  en fin février 2017 dans Jeune Afrique, m’a conforté, quoi qu’on dise, dans ma conviction  que l’homme a une  capacité de prévoyance sur les événements politiques.

Quelques heures  après l’événement  en 2016, j’avais publié un article  sur  la pertinence  de cette décision qui à mes yeux est perspicace et louable. En effet  beaucoup d’écueils auraient pu se dresser devant cette action si l’on considère  les facteurs facilitant,  dans un  pays comme le notre  et  un environnement international  qui fait  en définitive prévaloir   les  prétextes liés aux raisons de  lutte contre le terrorisme,   de stabilité  géostratégique et  d’intérêts économiques  prioritaires    pour  fermer les yeux sur  des graves cas de violations constitutionnelles. Nous pouvons nous  référer à des événements récents qui se sont déroulés dans différents  pays africains.

Le Président Aziz avait surpris  et ses alliés et ses opposants. Personne en effet n’avait vu venir dans le camp de la majorité alors que du coté de l’ opposition,  la crise de confiance qui règne entre les dirigeants de cette opposition  et  le Président  Mohamed Ould  Abdel Aziz,    les a installés   dans le sempiternel   doute sur  n’importe  quels  acte  et parole  du  Président mauritanien.

Le désarroi des uns et l’incertitude des autres, ont créé un climat délétère,  que sont venues aggraver  quelque  déclarations  et   manœuvres tonitruantes et  sans envergure, prenant à contre pied la constitution et les déclarations du Président de la République. Ces manœuvres,  jugées par certains  inacceptables,  du point de vue  moral  et juridique et pourraient être assimilées  à  une incitation  à la violation des textes fondamentaux du pays ont  donné à l’adversaire plus de grain à moudre.

Les réserves  et critiques portées par l’opinion sur le clin d’œil approbateur du Président  à ces démarches sont compréhensibles  autant que pourrait l’être l’hypothèse  justifiant ce geste par une  volonté  de ne pas insulter un avenir très proche et  couper  trot top le  cordon  ombilical avec des soutiens dont  le projet  politique  azizien aura bien besoin, quelle  que soit du reste la configuration  future du pouvoir et du système de gouvernance.

En revanche, ces  démarches auraient pu être logiques,  si,  au nom du peuple, les  auteurs de ces déclarations et marches avaient  fait campagne pour une révision de la constitution  visant    les articles sur la candidature  à la présidence de la République dans leur globalité sans pointer du doigt le seul article spécifique  au serment du Président sortant. Leurs doléances  auraient pu  ainsi être insérées dans une plateforme de revendications consensuelles exprimées unanimement par tous les acteurs politiques à l’issue d’un dialogue inclusif que j’ai personnellement tant souhaité.

Malheureusement, les chances de voir ce dialogue se tenir rétrécissent comme une peau de chagrin,  et  tel un mirage, s’éloignent  de nous,  de plus en plus, laissant  les mauritaniens  ou, tout au moins, ceux qui pensent comme moi, dans l’amertume ; Cependant il n’est jamais trop tard pour bien faire et les mauritaniens garderont  l’espoir jusqu’à la dernière opportunité.

La raison qui a poussé le Président à décider de ne point briguer un troisième mandat pourrait, pourquoi pas, être aussi celle qui serait à l’origine   de la tenue de ce dialogue ou tout au moins d’une rencontre avec tous les partis politiques  de la majorité et de l’opposition,  sans exclusive, pour  définir ensemble, le minimum essentiel, une batterie de garanties, acceptées par tous, pour l’organisation d’élections  transparentes  à travers une CENI et un conseil constitutionnel  consensuels, un fichier électoral  fiable,  la neutralité de l’administration …..,  et  la promotion d’un climat social et politique apaisé.

Ainsi  la transition  vers 2019,  et au-delà, sera  assurée avec le maximum de succès. Ce faisant, les mauritaniens démontreront  ainsi  au monde entier leurs capacités de surmonter leurs divergences  et  de  parachever l’usufruit  de   l’acte   posé par le Président de la République. Ces  mesures renforceront la crédibilité de l’opposition qui aura ainsi gagné une lutte de longue haleine d’une part et amélioreront   l’image de marque du Président dans l’esprit des mauritaniens,  leur attachement  à l’homme, à ses idéaux  et à la pérennisation des grands projets qu’il a lancés dans tout le pays, d’autre part.

Dès lors aucune contestation ne pourra  entacher une quelconque victoire d’un camp ni de l’autre et une défaite serait  de l’ordre du normal.  Par contre, nous ferions une erreur  aux conséquences indélébiles, si nous restons obnubilés  par   l’option  d’ignorer  l’adversaire politique,  de le minimiser,  de  chercher à l’annihiler,  et  si nous perdons de vue  l’essentiel à savoir sauvegarder les acquis et  asseoir la démocratie mauritanienne sur des bases saines et pérennes.

Par ailleurs, la  propension visible à  faire prédominer  le souci de la continuité du système d’un coté et le rôle de la jeunesse d’un autre, en ces périodes  intermédiaires,  marquées par un engorgement des priorités et des échéances et par des dénivellements  d’orientation et d’approche, bien que légitime et  pertinente, mérite que nous nous attardions  davantage, avant  le passage du témoin,  sur  une profonde analyse de la demande nationale. L’offre dans ce cadre doit être la moins vulnérable et  la plus porteuse d’atouts. Les urnes peuvent  sanctionner toute fausse manœuvre.

Concernant le rôle de la jeunesse, mis en évidence durant les dernières assises de l’UPR, il est indéniable que l’espoir placé en elle est sans limite, cependant,  cette entreprise, au vu des expériences  vécues jusqu’ici, exige  une vision et une stratégie d’interaction avec une vieille garde expérimentée et  détentrice des  leviers traditionnels et financiers incontournables, une stratégie de formation et d’encadrement politique  de cette jeunesse concomitante avec sa responsabilisation.

Progressivement nous pourrons  ainsi répondre  aux  sollicitations du futur, un futur immédiat qui fera  appel à la personnalité d’un citoyen mauritanien cultivé et  convivial  socialement et politiquement, conscient de l’appartenance à un ensemble culturel  diversifié mais complémentaire,  sachant faire la distinction entre le compromis et la compromission.

L’apprentissage de l’indépendance d’esprit,  de  l’honnêteté, du patriotisme, du  respect des institutions et des  sceaux et emblèmes nationaux sera de rigueur. Le temps de l’asservissement des esprits doit être révolu.

La jeunesse sera ce moteur et ce tremplin vers la construction d’une Mauritanie  débarrassée  définitivement des tares  qui, comme un boulet, la maintiennent  dans l’anachronisme et l’immobilisme alors que le reste de l’univers vit au rythme des transformations scientifiques et technologiques porteuses de risques de disparition de tous groupes, entités ou pays  accusant un retard dans la maitrise  de ces grands changements.

Ainsi les nouvelles générations d’acteurs politiques seront-elles  mieux enracinées dans leurs milieux, pourront-elles agir plus efficacement et proposer de nouvelles transformations qualitatives, gage de progrès économique et social.

Relever  tous ces défis en Mauritanie passera par  un sursaut national consensuel où chaque mauritanien de quelque ethnie, de quelque composante, de quelque génération, de quelque bord politique qu’il soit,  jouera son rôle, assuré toutefois qu’il a les mêmes droits et les mêmes devoirs que tous  ses concitoyens, dans un système de gouvernance équitable et égalitaire.

C’est à ces objectifs  que nous devons tous nous inviter pour que cette période, visiblement perturbée par les incertitudes politiques liées à la succession du Président ,  soit plutôt une transition  vers un après 2019 porteur de paix, de stabilité, de concorde nationale  et d’espoir pour  la construction d’une Mauritanie  indépendante et prospère  où chaque citoyen se sent fier  et  bien,  chez lui.

Source : La Tribune N°747 du 13 mars 2018

*Imam Cheikh est journaliste. Expert en communication et en développement social, ce grand commis  de l’Etat a occupé  d’importantes fonctions  dans les sphères du pouvoir.  Imam Chaikh est par ailleurs, un  des premiers soutiens du Président Mohamed Ould Abdel Aziz qui se prononce sur  le troisième mandat,  le dialogue, les futures échéances électorales,  les défis de la transition  vers 2019.

 

 

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