La journée de la langue arabe coïncide avec celle de la paix et des migrants

Le 18 décembre c’était la journée mondiale de la langue arabe (اليوم العالمي للغة العربية). Une date consacrée par l’Organisation des Nations Unies à travers l’UNESCO.

L’arabe est une langue sémétique avec laquelle toutes nos langues mauritaniennes – à savoir le sooninké, le puular, le wolof (olof) dont le hassanya (dérivé du berbère et de l’arabe)- ont subi un brassage.

Nobstant le hassanya que certains – autoproclamés linguistes- associent à l’arabe, aucune personne ne pourra dire que l’arabe, en tant que langue, ne fait pas partie des langues de la Mauritanie au même titre que le français.

De ce fait, nos autres langues – qui usent de façon pléthorique, mais relativement faible des mots arabes par rapport au hassanya- doivent être enseignées au même titre que l’arabe. Nous avons tout à gagner en étant polyglottes, mais nous perdrons tout en ayant perdu l’échange à travers nos langues de manière orale ou écrite à travers les caractères latins.

L’arabe, la  langue du Coran (arabe: اللغة العربية لغة القرآن الكريم)       

C’est tellement évident que ce n’est pas la peine de le rétorquer, de le dire à tous bouts de champs. La majorité des mauritaniens apprennent le Coran pour pratiquer – c’est le but- leur religion. L’arabe est alors doublement une belle langue, car, c’est d’abord,  celle des textes religieux, elle permet aussi de déchiffrer les exégèses, et c’est une langue qui renferme des merveilles comme toute autre langue. Les racines arabes sont au nombre de 6 000 environ, et que le vocabulaire comprend 60 000 mots. C’est un secret de polichinelles. L’arabe est la langue qui emploie 80 mots  pour désigner le miel, 200 pour le serpent, 500 pour le lion, 1000 pour le chapeau et l’épée,etc. Les arabes s’en vantent, disait Ernest Renan.  Cependant, il faut savoir que l’arabe employé dans le Coran est appelé arabe littéraire ou littéral : écrite et savante ; la parfaite illustration de la beauté. A côté de l’arabe littéral, l’arabe appelé «vulgaire» qui est parlé dans le monde arabe (arabe : العالم العربي). Enfin, l’arabe ancien (himyarite[1]), langue morte aujourd’hui dont les flots de la poésie pré-islamique ont fait élucubrations.

Donc, l’arabe en tant que langue d’études n’est pas le Coran. Sans oublier qu’une langue ne se comprend à priori que dans un cadre culturel avant d’être cultuel. Le Coran est à apprendre à travers la foi, les récits du prophète (PSL[2]), et tant d’autres préceptes qui n’ont rien à avoir avec une quelconque assimilation. D’ailleurs, en Mauritanie, ceux qui, parmi nos dirigeants, veulent nous faire croire que l’arabe est la « langue du Coran et du paradis» sont les premiers à envoyer leurs progénitures au Lycée Français de Nouakchott. Ces mêmes partisans du panarabisme (baath baathisme ou, plus fidèlement, ba’thisme (en arabe : البعثية), sauf ignorance de leur part, ne doivent pas se douter que les deux membres fondateurs de ce mouvement sont Michel Aflaq et Salah al-Din al-Bitar, le premier étant chrétien et le second musulman. L’objectif est de créer une nation arabe avec un socialisme arabe et laïque.

 «L’arabe,[en Mauritanie] gagne-pain pour certains et pas de pain pour d’autres»

C’est ce que nous refusons. Nous rejoignons par conséquent feu Dr Mamadou Samba Diop dit Murtudo qui avait fait une analyse sur la question de l’arabe en Mauritanie. L’arabe, comme langue d’études, fait partie de notre patrimoine. Mais, cette langue devient source de favoritisme et d’exclusion. Historiquement, socialement, voire culturellement, l’apprentissage de la langue est  un privilège lié à la naissance. Le construit social permettait à certains membres des communautés respectives en Mauritanie d’étudier la langue. Chez les groupes «hassanophones», par exemple, la communauté Maure, lesdits marabouts peuvent ou pouvaient se glorifier de mieux maîtriser l’arabe. C’était leur sacerdoce. Cela demandait de mémoriser le Coran, ensuite les récits prophétiques, les livres des Sahabas[3] et Tabi’ines, etc., jusqu’aux grands noms de la langue et de la poésie arabe. Il arrive que certains étudient la philosophie arabe qui frôlent la théologie. Ainsi, cet apprentissage permet un capital culturel important. On comprend par là que l’arabisation du pays n’est pas sans fondement. C’est un projet pensé et déterminé par une classe dominante. Le premier président mauritanien maniait mieux le français que l’arabe. L’arabisation décrété en 1966 était donc une manière de crétiniser l’administration mauritanienne ; car, nous semble-il, des personnes qui n’ont pas reçu de formation de gestion sûre et durable ont bénéficié de postes. C’est aussi dû aux exodes ruraux. La question est de savoir s’il ne faut pas enseigner l’arabe à toutes et tous sans idéologie particulière derrière.

 Pour un enseignement prolifique de l’arabe en Mauritanie.

La langue est par essence un moyen de communication. Elle est un ensemble de signes permettant d’échanger, de dialoguer… Dès qu’elle devient un instrument politique, une opposition se crée.  Cette opposition n’est rien d’autre que le fruit de la résistance pour la survie des autres langues ; voire le gagne-pain des autres. Arabiser l’administration a été un échec, un favoritisme et une perte de temps. Mais pas seulement, puisque la langue a perdu sa «saveur» chez beaucoup.

Il faudra arriver à trouver un équilibre, bien évidemment loin des chauvins, pour un enseignement de qualité de l’arabe pour celles et ceux qui le veulent. Prôner le bilinguisme, faire des cours obligatoires à l’école primaire, au collège et au lycée. A partir de l’université, permettre aux étudiantes et étudiants de faire leur choix, selon les compétences qu’ils veulent avoir ; en résumé faire des UE ( unité d’enseignement) facultatifs en espérant que l’apprentissage soit de taille. Sans oublier l’enseignement de nos langues nationales.

Nous ne sommes pas des arabes en Mauritanie -pas tous-, mais nous pouvons tout de même augmenter la côte de la langue à travers l’apprentissage que nous devons en faire. La journée de la langue arabe coïncide avec celle de la paix et des migrants. Il y a urgence de se saisir des questions linguistiques, de la paix dans le monde et de parler de la migration dans une langue plurielle.

Souleymane Sidibé, Bordeaux (France)

[1] L’himyarite est une langue qui était parlée au Yémen et dans une partie de l’Arabie »

[2] Paix et Salut sur lui

[3] Les compagnons  du Prophète

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