LA VIDEOSURVEILLANCE, OUTIL DE PREVENTION ET DE REPRESSION DE LA CRIMINALITE

Le projet système de sécurité publique et de surveillance de la ville de Nouakchott vient à point nommé vu les défis posés par la violence urbaine et la criminalité. Il s’inscrit dans les efforts de reforme et de modernisation des services de sécurité qui conduira à mettre en place une infrastructure intégrée de surveillance et de communication à Nouakchott dixit le Ministre de l’intérieur et de la décentralisation dans un discours prononcé lors de la cérémonie de pose de la première pierre du projet supervisée par Son Excellence Monsieur le Président de la République.

La modernisation des services de sécurité permet de contribuer à assurer la paix et la sécurité des citoyens. Il s’agit de l’implantation de (316 caméras de surveillance, pouvant s’étendre jusqu’à 1000 points d’observation) dans les rues et avenues ainsi que les quartiers les plus conflictuels de Nouakchott. Par le biais de ce système de vidéosurveillance, les forces de sécurité pourront intervenir de manière efficiente dans le cadre de leurs missions. Cette approche, à notre avis vise trois objectifs fondamentaux:

  1. épargner aux policiers les risques découlant de leurs présences dans les artères de la ville et d’intervenir en temps réel et de manière efficace sur la scène de crime;
  2. dissuader les délinquants et criminels à commettre leurs forfaits;
  3. obtenir des preuves des infractions éventuelles.

La vidéosurveillance est tout système comprenant une caméra couplée à un moniteur et pouvant faire l’objet d’un audio et vidéo ou d’une numérisation.

Depuis longtemps, l’image fixe ou animée a alimenté la procédure pénale en matière de recherche de la preuve. Pionnières parmi les preuves scientifiques, les images ont acquis, avec les progrès techniques incarnés par la caméra, la transmission télévisée, l’enregistrement vidéo et la numérisation, une place importante dans l’administration de la preuve pénale.

Cette technique a commencé à être placée dans toutes les grandes villes du monde, il y’a des décennies, afin de combattre la violence urbaine liée à la délinquance et à la criminalité.

Avec la montée de la criminalité, les capitales de notre pays sont devenues criminogènes et battent le record de la criminalité dans le pays. C’est ce qui explique l’ardent désir de sécurité qui s’est imposé, ayant conduit à multiplier les installations de vidéosurveillance dans les établissements publics et bancaires, chez les particuliers dans leurs domiciles, les transports publics, les parkings,  dans les centres commerciaux (boutiques et magasins).

Par ailleurs l’implantation des systèmes de vidéosurveillance permet aussi la sauvegarde des installations utiles de défense et de sécurité pour faire face au terrorisme et à la criminalité organisée; la régularisation du trafic routier pour la constatation des infractions du code la route ou la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol.

Cette analyse consiste à étudier la dissuasion en tant que facteur déterminant pour la prévention et la répression des crimes et délits, comme pilier fondamental sur lequel repose ce projet de système de sécurité publique et de surveillance de la ville de Nouakchott. Cela va nous conduire à faire une présentation qui établira dans un premier lieu les fondamentaux de la stratégie dissuasive en prévention, puis en second temps l’établissement des preuves vidéographiques en matière de dissuasion répressive dans le cadre de la lutte contre la délinquance et la criminalité.

Les fondamentaux de la dissuasion préventive

Il est apparu qu’en amont du comportement asocial, prohibé par la loi, la dissuasion en prévention joue un rôle extrêmement important. Elle se manifeste d’abord par une campagne de lutte contre la criminalité dans un premier aspect et la présence policière associée concomitamment à l’implantation du système de vidéosurveillance, comme variation de la criminalité dans un second aspect.

La communication par le biais de campagne de sensibilisation de lutte contre la criminalité a toujours eu un impact positif sur le fonctionnement de la société, en terme de quiétude et de paix sociale. C’est notamment, la sensibilisation de la jeunesse sur la dangerosité et la nuisance dévastatrice causées par l’effet de consommation des produits psychotropes; la sensibilisation des populations dans les zones rurales comme aussi celle des citadins à éviter la incendies et la pollution de l’environnement; la sensibilisation des citoyens et surtout les dépositaires de deniers publics sur la corruption, le détournement des fonds publics et leurs impacts sur l’économie du pays; les campagnes de sensibilisation sur les comportements des usagers de la route et contre la délinquance routière; ect…  La communication est un vecteur de dissuasion en matière de prévention contre les crimes et délits.

Par ailleurs les recherches empiriques montrent que parallèlement à la forte augmentation du nombre des policiers dans les quartiers d’une ville où la criminalité est élevée, l’implantation des systèmes de vidéosurveillance dans les artères de la ville, contribuent forcément à réduire et à faire baisser ce phénomène. C’est le cas notamment des grandes villes du monde où les déploiements des policiers appuyés par les systèmes de vidéosurveillance en réaction à la lutte antiterroriste tendent à faire chuter la criminalité. C’est ce qu’on appelle une dissuasion situationnelle. Elle s’appuie sur l’idée qu’un délinquant potentiel se retiendra de passer à l’acte répréhensible, s’il est conscient de la situation dans laquelle il se trouve, comporte des risques élevés d’arrestation. La dissuasion situationnelle est l’influence intimidante des signes de danger pour le délinquant ou le criminel, présent dans une situation pré criminelle sur la décision de passer à l’acte.

En effet la dissuasion préventive a fait ses preuves aussi bien dans le domaine de la vidéosurveillance, qui se caractérise par la conservation des images postérieurement à la commission des faits: (arrestation des suspects identifiés par les cameras de surveillance dans des affaires de meurtre et de crimes violents à Nouakchott et à Nouadhibou), que dans celui de la télésurveillance dans différents secteurs: commerciaux (systèmes d’étiquettes électroniques fixés sur les produits); automobile (télésurveillance dans les parkings); résidentiel (télésurveillance, systèmes d’alarme), ect…

Avec l’évolution de la criminalité, il devient de plus en plus pressant d’adapter notre système probatoire aux nouvelles technologies.

L’apport des preuves vidéographiques en matière de dissuasion répressive

A la différence du témoignage, l’image fournie par la vidéosurveillance ne saurait être perçue comme subjective. On lui accorde un crédit important, cette image est une présentation instantanée et directe du réel. Elle constitue alors un certificat de réalité, donc une preuve.

En effet cette étude de l’apport de la vidéosurveillance à l’administration de la preuve pénale nécessite un bref rappel des principes directeurs en ce domaine. On sait que le principe en matière pénale c’est la liberté de la production de la preuve car elle peut être rapportée par tout moyen.

En France, la liberté dans la recherche et la collecte des pièces à convictions par le système de vidéosurveillance se combine obligatoirement avec le principe de la légalité dans l’administration de la preuve, qui inéluctablement oblige les différents acteurs de la chaine pénale à respecter les principes de loyauté de la preuve,  du contradictoire, de la défense et de l’intimité de la vie privée.

Bien que la vidéosurveillance est un outil efficace de dissuasion et un moyen pour lutter contre la criminalité, il ne faut pas perdre de vue qu’elle peut porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine. D’ou la nécessité d’une réglementation spécifique relative à  l’installation et à l’exploitation de ce système de vidéosurveillance pour combler le vide juridique et les insuffisances de certains instruments juridiques déjà mis en place, tels que la Loi n° 2017 – 020 portant protection des données personnelles; Loi n° 2016 – 07 relative à la cybercriminalité.

Compte tenu des conséquences de la vidéosurveillance sur le droit de la vie au respect de chaque personne humaine, l’installation de ce système de sécurité sur la voie publique doit être réalisée de façon à ce que les caméras ne visualisent pas les images de l’intérieur des immeubles d’habitation, ni spécifiquement celles de leurs entrées.

 

La doctrine jurisprudentielle européenne, riche en la matière a établi d’une part que les preuves vidéographiques sont légitimes et admissibles si l’enregistrement n’a pas violé les droits fondamentaux tels que l’intimité ou la dignité de la personne affectée. D’autre part elle a admis que l’enregistrement par  système de vidéosurveillance des suspects sur la place publique ne nécessite aucune autorisation judiciaire; mais cette dernière est obligatoire dans tout autre cas.

La vidéosurveillance demeure aujourd’hui un outil précieux et fondamental en matière d’administration de la preuve, d’ou son rapide déploiement dans la plupart des législations comme instrument de taille dans le cadre de la dissuasion répressive.

Si tous les modes de preuves sont admis en matière pénale, il est important de rappeler que tout élément de preuve est laissé à l’appréciation des juges.

L’apport de la preuve vidéographique en matière de dissuasion répressive est qu’elle contribue à la manifestation de la vérité et à l’identification des présumés auteurs des infractions afin d’aboutir à leurs condamnations. Cette sanction pénale est un châtiment édicté par la loi et peut réduire la tentation de récidiver afin de ne pas subir une peine à nouveau. C’est ce qu’on appelle la dissuasion spéciale telle que préconisée par Montesquieu et Beccaria, qui estiment que la certitude, la modération et la proportionnalité de la sanction pénale présentent un effet dissuasif dont l’effet majeur est de réduire la propension au passage à l’acte incriminé./

 

Saadbouh SALECK, Magistrat

 

 

 

 

 

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