L’ex président Mohamed Ould Abdel Aziz et un groupe de ses anciens proches collaborateurs dont deux ex premiers ministres ont été présentés mardi au parquet.
Le feu vert est ainsi donné pour le début de ce procès tant attendu qui continue à faire couler beaucoup d’encre.
C’est le premier procès pour corruption de cette envergure depuis l’indépendance du pays.
Il s’agit là d’un test grandeur nature pour la justice et pour le pouvoir du président Ghazwani qui joue là sa crédibilité et son avenir politique.
L’ex président est dans une posture délicate car ayant opté dès le départ pour le mutisme et le refus de coopérer avec les enquêteurs. Ses avocats mettent en avant son immunité et l’incompétence des tribunaux ordinaires de le juger.
Reste à savoir le ou les chefs d’inculpation ou si la justice va prononcer un non lieu et classer le dossier.
L’un de ses avocats en appelle a plus de lucidité.
Mais quoiqu’il en soit le rapport de la Commission d’Enquête Parlementaire est bien ficelé et souligne des manquements graves dans la gestion des 12 dossiers objet des investigations.
Entre autres les irrégularités flagrantes concernant le dossier de la SOMELEC avec notamment le fameux marché pour la construction « clef en main » d’un réseau d’éclairage public pour certains axes de la ville de Nouakchott.
Il ya le dossier foncier, le rapport de la commission ayant mis en exergue les conditions particulièrement opaques de cession dans le cadre d’échanges « travaux /foncier ».
Les accords commerciaux conclus avec la société chinoise Poly Hondone comportent eux aussi des irrégularités qui sont en porte à faux avec la gestion du domaine public maritime mauritanien.
Autre exemple frappant celui de ces « trois bateaux ayant bénéficié de sauf-conduits délivrés par le Ministère des Pêches reconduits chaque fois au cours de la période pour pêcher et transborder frauduleusement en haute mer leur cargaison sur le bateau collecteur Ocean Fresh. »
Et les profits engrangés sont énormes et ils ont été réalisés au détriment de la collectivité nationale : droits de douanes compromis, impôts et taxes, redevances de la SMCP, taxes de la Zone Franche, droits du Port, le tout impayées dix années durant. « La société IPR a bénéficié en contrepartie de cette fraude d’au moins un montant de 23.918.730 dollars américains transféré en Mauritanie ou à l’étranger dans des comptes en Chine, Hong Kong, Allemagne, Irlande et Singapour (voir données en annexes). Les tonnages transbordés frauduleusement sont estimés à 280.000 tonnes. »
Dans le dossier « infrastructures », la commission a relevé 109 contrats pour un montant total de 430 milliards MRO. Et plus de 89% des marchés ont été passés par entente directe.
Dans tous les autres dossiers l’ampleur des manquements et des biens évaporés donne le tournis.
Reste à savoir si la justice tiendra compte de tous ces faits qui crèvent les yeux.
Il convient de souligner que la tenue de ce procès est en soi une victoire pour le pouvoir.
Bakari Guèye