Editorial : L’extrême pauvreté défie le coronavirus

En pleine crise sanitaire et au moment où des efforts louables sont entrepris pour sensibiliser la population sur l’importance du respect des gestes barrières, l’on ne peut que s’étonner du laisser-aller devant les boutiques « Emel » et autres sites de distribution du fameux poisson de Aziz.

En effet dans tous les coins de la capitale il est loisible d’observer ces énormes regroupements de femmes devant ces lieux d’approvisionnement.

Certaines d’entre elles se pointent à 3 heures ou 4 heures du matin pour faire le pied de grue dans l’attente de l’ouverture des boutiques qui dépend de l’humeur des gérants. Certains ne pointent le nez qu’à 8h30 ou 9h.

La pression sur ces lieux de vente bon marché est si grande qu’on assiste régulièrement à des rixes qui dégénèrent parfois en batailles rangées.

Quant aux gestes barrières n’en parlons pas car toutes les clientes qui vivent généralement dans l’extrême pauvreté sont toutes décidées à avoir leur 2 kilos de poisson à 10MRU, ou leur ration de sucre, de riz…C’est une question de vie ou de mort.

De ce fait les autorités doivent jeter un coup d’œil de ce côté-là pour encadrer ces femmes et les sensibiliser sur les dangers encourus.

Ce n’est en effet qu’une question d’organisation. Dans certaines localités de l’intérieur du pays, les intéressées sont recensées et identifiées. Elles passent à tour de rôle. A chaque groupe on réserve un ou deux jours de la semaine, ce qui contribue à diminuer considérablement les attroupements qui sont très dangereux en cette période de pandémie.

A noter que cette catégorie de la population qui croule sous le poids de la pauvreté devrait bientôt profiter de la distribution de 4 milliards et demi, une aubaine en ces temps de crise qui devrait soulager les 210000 familles bénéficiaires sur toute l’étendue du territoire national.

La balle est dans le camp de l’Agence Taazour qui doit tirer les leçons de la précédente opération de distribution des vivres qui avait fait beaucoup de bruit.

Ce programme entre dans le cadre de la mise en place des Filets Sociaux et le cash transfert  de Tekavoul qui a pour principal objectif de réduire la pauvreté extrême et protéger les Ménages vulnérables des chocs.

Notons que ce programme ne date pas d’aujourd’hui et sa mise en place avait coïncidé avec la hausse des prix des  matières  premières.

Selon un rapport de la Banque Mondiale publié en 2018 la pauvreté est passée de 44.5 pour cent à 33.0 pour cent au cours de la période 2008-2014. Malheureusement cette tendance va s’infléchir avec la baisse des prix des matières premières.

Seulement la Mauritanie a fait de grands progrès ces dernières années dans la mise en place de certains piliers fondamentaux d’un système national de filets sociaux. La Stratégie Nationale de Protection Sociale, adoptée en juin 2013, souligne en particulier le besoin de renforcer le dispositif de la protection sociale pour en assurer l’adéquation et la pérennité.

En effet, les  filets  sociaux  sont  des  investissements  productifs  rentables  pour  les  générations  futures. Et en plus de leur impact sur la consommation,  ils  ont  un  impact  direct  sur  l’investissement  dans  le  capital  humain  et  sur  la  productivité  des  ménages,  et  un  impact  indirect  sur  l’économie  locale.

Mais la réussite de ce programme dépendra de la fiabilité du Registre  Social qui a pour objectif d’identifier les ménages qui vivent dans la pauvreté de manière chronique, ainsi que les ménages vulnérables aux chocs. Ce registre a déjà été mis en place dans certains départements comme Mbout, Kankossa, Selibaby, Barkeol et Ould Yenge mais sa généralisation s’impose.

A ce sujet la Mauritanie doit s’inspirer de l’expérience de pays comme le Brésil, la Colombie, le Ghana et le Sénégal ont créé un registre social pour une meilleure efficience et avec un plus grand impact.

Par ailleurs la gestion des investissements et des ressources doit être surveillé de prêt pour qu’enfin cette valse de milliards qui donne le tournis puisse profiter aux citoyens mauritaniens et ne pas atterrir comme par le passé dans des paradis fiscaux ou servir à l’acquisition de troupeaux de chameaux, de belles villas et de grosses cylindrées.

Bakari Guèye

 

 

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