Le Centre de surveillance des prix de la Commission Economique pour l’Afrique (CEA) a organisé mardi à 17h, heure d’Addis Abéba un Webinaire destiné à édifier les journalistes sur les tendances et l’analyse des prix alimentaires en Afrique et notamment des indices des prix à la consommation. Un accent particulier a été mis sur les produits alimentaires du panier de biens et services du consommateur.
Le déroulement de l’activité s’est tenu comme suit. D’abord un mot de bienvenue et une introduction de Oliver Chinganya directeur du Centre africain de statistique; ensuite c’était au tour de Bartholomew Armah, directeur de la Division Macroéconomie et Gouvernance de faire une présentation sur les tendances et l’analyse des prix des denrées alimentaires ; la modération pour les questions et réponses des journalistes était assurée par Mercy Wambui.
Dans son introduction, Oliver Chinganya a souligné les chocs multiples qui ont conduit à des effets variables d’un pays à l’autre sur linflation, la COVID-19 ayant été le plus gros choc. Il y a eu aussi les pénuries du côté de l’offre, en particulier pour l’équipement médical et les produits alimentaires de base.
Par ailleurs, les réponses politiques pour lutter contre la crise – les confinements ont entraîné une baisse de la demande de produits de base africains, une dépréciation des taux de change et une hausse de l’inflation.
Cependant, une demande plus faible de biens et de services a conduit à une inflation sous-jacente plus faible que prévu. De ce fait, la plupart des économies connaîtront une croissance inférieure aux prévisions en 2020 par rapport aux projections de 2019.
Par ailleurs, il y a les chocs liés au climat. En effet, linvasion acridienne en Afrique de l’Est a affecté l’offre des produits alimentaires, entraînant une augmentation de l’inflation des produits alimentaires. Il y a aussi la sécheresse en Afrique australe.
Tendances et analyse des produits alimentaires dans le panier de consommation
Les tendances récentes de l’IPC global montrent que l’Afrique australe a les taux d’inflation les plus élevés.
L’inflation trimestrielle est restée élevée dans la plupart des CER africaines: proche ou supérieure à 10 pour cent dans la plupart des cas. Les taux d’inflation UMA, CEN-SAD et EAC sont maintenus à des niveaux plus stables.
Des augmentations significatives au premier semestre 2020 et semblent persister au-delà. La CEEAC, le COMESA et la SADC sont les communautés les plus durement touchées.
Les exportateurs de minerais sont les plus durement touchés en 2020
Les pays riches en minéraux, les exportateurs de produits agricoles et les pays importateurs de pétrole ont enregistré des augmentations notables des taux d’inflation trimestriels.
L’inflation dans les pays exportateurs de pétrole est restée quasi stable mais élevée.
Plus de 50% des pays ont à ce jour des taux d’inflation faibles : moins de 3%.
Les taux d’inflation sont toujours à des niveaux raisonnables dans une majorité de pays depuis janvier (moins de 3%).
Une poignée de pays sont confrontés à de fortes hausses de prix: onze pays ont déjà un taux d’inflation cumulé au cours des sept à neuf premiers mois supérieur à 6%.
Près de la moitié des pays ont enregistré un taux d’inflation plus élevé au deuxième trimestre de cette année que l’année dernière.
Là où l’inflation a été plus faible, de nombreux pays n’ont connu qu’une faible baisse par rapport à l’année dernière.
Le Zimbabwe, l’Ethiopie, l’Angola ont les taux d’inflation annuels les plus élevés
Influence de la catégorie des produits alimentaires sur l’IPC global
Les prix des produits alimentaires sont le principal moteur de l’inflation, 9 pays enregistrant une augmentation de plus de 10%
Les produits alimentaires pèsent plus de 30% dans les paniers de consommation dans la plupart des pays.
Les aliments et les boissons non alcoolisées représentent une grande partie du panier de consommation dans un grand nombre de pays: plus de 50% dans 13 pays et plus de 30% dans 27 pays.
L’évolution du prix de ces catégories de consommation affecte directement le pouvoir d’achat des populations africaines. Cette relation n’est pas très claire.
Des études de cas ont été présentés. C’est ainsi qu’en Zambie, les produits alimentaires ont contribué à plus de la moitié de l’inflation dans le pays.
La contribution des transports, du logement et des services publics a augmenté mais à des niveaux inférieurs.
Au Nigéria, les produits alimentaires ont dépassé tous les articles du panier de consommation, avec une influence importante des produits alimentaires importés.
L’inflation urbaine reste supérieure à celle des zones rurales.
En Ethiopie, les céréales, le poisson et les fruits de mer, les huiles et les matières grasses enregistrent la croissance la plus rapide : plus ou près de 20 pour cent d’augmentation depuis janvier.
Le prix de la viande et des produits laitiers augmente d’environ 10 pour cent.
Évolution comparative des prix des produits alimentaires, de l’IPC global et des taux de change
Le taux de change semble avoir une influence significative sur ces prix des denrées alimentaires, ce qui affecte les prix nationaux globaux.
Le taux de change a un impact positif sur l’inflation, principalement en raison des augmentations notables des prix des boissons alcoolisées et du tabac, des vêtements et des chaussures.
Le taux de change a eu un impact significatif sur l’inflation au Libéria.
En Sierra Leone, le taux de change augmente considérablement à la fois l’inflation globale et l’inflation alimentaire dans le pays.
Compte tenu de la taille des coefficients, on peut en déduire que l’effet de transmission du taux de change sur l’inflation globale provient principalement de son impact sur l’inflation alimentaire.
Au Niger, le prix des produits alimentaires est resté stable jusqu’en mars 2020, et a grimpé, encore plus que les autres produits, malgré l’appréciation de la monnaie, suggérant l’impact du régime de taux de change fixe entre le franc CFA et l’euro dans la région de l’UEMOA.
Du fait de ces résultats, on peut en déduire que le taux de change a eu un impact très minime sur l’inflation au Niger.
La hausse des prix est principalement due à la poursuite de la hausse des prix alimentaires et pétroliers, dans un contexte où les marchés sont insuffisamment approvisionnés en produits locaux, probablement à cause de la pandémie COVID-19.
Les intervenants ont répondu aux questions des journalistes et ont exploré des pistes de solutions dont la nécessité de la diversification de l’économie, la mise sur pied d’une stratégie d’irrigation et les opportunités offertes par la ZLECA pour l’exportation des biens.
Ce sont là autant de propositions concrètes qui pourraient être discutés au cours de la réunion des ministres des finances qui se tiendra demain, mercredi.
Notons enfin que ce webinaire est le deuxième du genre depuis le lancement en août dernier du Centre de surveillance des prix de la CEA pour l’Afrique.
Le Centre de surveillance des prix de la CEA pour l’Afrique vise à fournir une vue à l’échelle de l’Afrique des niveaux et de l’évolution des prix et soutient les efforts de gouvernance économique à court et moyen terme et de planification du développement durable à long terme. L’indice des prix à la consommation (IPC) est un indicateur économique de base mais essentiel. Il est pertinent pour chaque citoyen et fondamental pour l’élaboration des politiques de consommation, de commerce, d’inégalité, de taux d’intérêt et de taux de change. La composante alimentaire de l’IPC est essentielle pour contrôler les bases de l’objectif des Objectifs de développement durable (ODD) et de l’Agenda 2063 d’éliminer la faim et de lutter contre la pauvreté sur le continent africain.
Compte rendu Bakari Guèye