Editorial : Nouakchott confrontée au spectre de la soif

Depuis quelques jours les robinets sont à sec dans la plupart des quartiers de Nouakchott et les populations ont du mal à acquérir le précieux liquide ; une situation d’autant plus intenable qu’un climat caniculaire règne sur la capitale avec des pics de température dépassant parfois les 40° à l’ombre.

La SNDE, la société responsable de cette situation a réagi tardivement en publiant un communiqué laconique faisant état de problèmes liés au réseau électrique de Manantali qui alimente les installations de pompage.

De son côté, le ministère de tutelle, celui de l’hydraulique et de l’assainissement a jeté jeudi un pavé dans la mare, parlant d’un problème au niveau de la ligne de haute tension venant de Manantali et qui approvisionne les installations de l’Aftout Es’sahili au niveau de la localité de Keur Macène dans le Trarza. Mais le hic c’est que le ministère n’a donné aucun délai pour le retour de l’eau ce qui fait craindre le pire aux usagers qui vivent un véritable calvaire.

La situation est d’autant plus intenable que la plupart des ménages ne disposent pas de réservoirs pour stocker l’eau et à chaque rupture d’approvisionnement ils sont obligés de se rabattre sur les charretiers vendeurs d’eau qui profitent de la situation et font monter les enchères.

Ainsi donc, l’approvisionnement en eau de la ville de Nouakchott continue à se poser avec acuité et les populations souffrent régulièrement le martyre pour obtenir leur ration quotidienne du précieux liquide.

Des pénuries récurrentes secouent régulièrement plusieurs quartiers de Nouakchott et notamment les quartiers pauvres de la périphérie (Toujounine, Dar Naim, Tarhil…) où le fût de 200 litres se négocie à plus de 1000 ouguiyas en temps de crise. C’est à croire qu’on a affaire au baril d’or noir.

Pourtant, au niveau de la société nationale d’eau (SNDE), on ne cesse de clamer que les dispositions nécessaires sont prises pour assurer la couverture des besoins des habitants de la capitale en eau, notamment depuis l’inauguration en grande pompe le 24 novembre 2010 du projet Aftout Essahili, considéré comme solution définitive à l’approvisionnement en eau des populations de la capitale à partir du fleuve Sénégal, situé à près de 200 km au Sud.

Avec une capacité de départ de 170.000 m3/J, il devait permettre de satisfaire la demande à l’horizon 2020. Et même 2030 si l’on tient compte des capacités d’évolution à 226.000 m3/j. Ce projet titanesque a couté la bagatelle de 451 millions de dollars, et sa réalisation était censée résoudre définitivement le problème de l’eau potable. Malheureusement pour les populations de la gigantesque métropole, tel est loin d’être le cas. Et près de dix ans après son lancement, les redoutables charretiers dominent toujours le marché de l’eau et imposent leur loi. Et en attendant que le réseau de distribution soit généralisé et opérationnel, ils continuent à faire la pluie et le beau temps, au grand dam des populations abandonnées à leur triste sort. Cette situation en dit long sur le chemin qui reste encore à parcourir pour un pays dont les habitants n’ont pas encore accès, pour beaucoup d’entre eux, à l’eau potable et où les habitants de la capitale censés être des privilégiés n’acquièrent cette eau, parfois à l’hygiène douteuse qu’à dos d’âne et à prix d’or.

Bakari Guèye

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