Editorial : Les délires de Aziz

La sortie devant la presse jeudi soir de l’ex président Mohamed Ould Abdel Aziz a été un véritable fiasco. Les mauritaniens sont restés sur leur faim car rien vraiment rien n’a filtré de ses propos énigmatiques, rien qui puisse éclairer notre lanterne sur les graves accusations de la Commission d’enquête portant sur le pillage des ressources économiques du pays.

Aziz s’est contenté de tirer à boulets rouges sur le régime actuel accusé de mauvaise gestion des marchés publics, une diatribe également contre le président Ghazwani accusé d’être seul aux commandes et menant en bateau les pouvoirs législatif et judiciaire.

Il a également fait une sortie musclée contre la Commission d’Enquête Parlementaire (CEP) qui serait selon lui constituée sur ordre de la Présidence et est composé de ses ennemis jurés, des personnes indésirables qu’il avait combattu pour leur implication dans des affaires de mal gestion. Selon Aziz les membres de la CEP sont corrompus par le pouvoir, il a avancé le chiffre de 300 millions. Cette commission sent donc pour lui le règlement de comptes ; c’est pourquoi il refuse de la reconnaître et de coopérer avec les enquêteurs qui ne seraient pas habilités à le juger. Et d’affirmer que durant sa semaine de détention à la direction de la Sûreté son interrogatoire n’a duré en tout et pour tout que 18 minutes.

Aziz a par ailleurs dénoncé le financement de ce procès en parlant des sommes énormes qui seront mobilisées pour le payement des honoraires des 60 avocats engagés par le pouvoir et des cabinets étrangers accrédités dans ce cadre. Il a aussi décoché des flèches assassines contre les Kadihines représentés par l’UFP et les islamistes qu’il ne porte pas dans son coeur mais il a au passage salué la férocité de cette opposition à son régime mais dit-il j’ai moi aussi été féroce avec elle.

Au cours de son intervention en réponse aux questions des journalistes, Aziz est passé du coq à l’âne effleurant à peine les problèmes soulevés et n’apportant pas de réponses convaincantes du fait d’un argumentaire très terre à terre.

Ses interventions se résument à des accusations apparemment gratuites assénées ça et là contre la politique du régime en place et en se présentant au passage comme le champion de la lutte contre la gabegie, en prenant à témoin les soutiens présents sur l’estrade dont l’un de ses rares fidèles amis ministres qui somnolait à ses côtés.

C’est ainsi qu’il nous apprit que le budget de la Présidence a été augmentée de plus de 80%  et celui du parlement de plus de 30%, un vrai gâchis selon lui.

Aziz s’est par ailleurs montré surpris par le fait que seuls quelques dossiers de la décennie soient l’objet d’une enquête. Il serait plus judicieux selon lui d’enquêter sur toute la période pendant laquelle souligne-t-il des centaines de milliards ont été brassés mais aussi sur toutes les périodes antérieures et sur les fonds destinés à l’armée qui selon lui prenaient des voies détournées avant son arrivée au pouvoir.

Aziz a par ailleurs dénoncée ce qu’il a qualifié de campagne de dénigrement contre lui et ses proches, une campagne menée sur les réseaux sociaux par des personnes payées par le pouvoir.

Il a défendu son entourage et notamment ceux parmi eux qui sont accusés d’enrichissement affirmant que les nouveaux riches sont nombreux donnant l’exemple de Zinel Abidine, le chef du patronat un ciblage qui viserait à embobiner le président Ghazwani qui est issu de la même région que lui.

Aziz qui semble avoir perdu les pédales face à la pression des journalistes s’est contredit à plusieurs reprises. C’est ainsi qu’il avait dit dans un premier temps que depuis qu’il est au pouvoir il n’avait jamais touché à son salaire. Mais il se dédira par la suite en disant que c’est sa femme qui prenait son salaire.

Autre bourde. Un journaliste l’interpella sur l’implication dans un gros marché de sa fille Leila où elle aurait servi d’intermédiaire pour l’acquisition de terrains au profit d’un investisseur étranger. Dans un premier temps il nia les faits, avant d’affirmer que sa fille a le droit de profiter comme tous les citoyens.

A noter enfin que parmi ses affirmations à dormir debout, Aziz a dit qu’il ne s’est jamais immiscé dans le travail de la justice et qu’aucun juge ne pourrait l’attester.

Malheureusement pour lui, sa tentative de victimisation avec l’usage d’un faux style débonnaire a lamentablement échoué. Son matraquage en règle par les journalistes qui ont insisté tout au long de la conférence de presse sur l’origine de sa fortune colossale, ne lui a laissé aucune chance et l’a complètement déstabilisé.

Aziz est passé complètement à côté de la plaque et son argumentation farfelue ajoutée à son manque de respect des institutions n’ont fait que l’enfoncer davantage.

Bakari Guèye

 

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