Le procès en vue des responsables suspectés de dilapidation des biens publics qui tient en haleine toute la République, suscite de grands espoirs chez les mauritaniens qui ont assisté jusque-là à un pillage systématique de leurs richesses.
La mise sur pied d’une Commission d’enquête parlementaire (CEP) qui a travaillé en toute liberté et produit un rapport compromettant pour les principaux concernés, la remise dudit rapport à la justice et le déclenchement immédiat des poursuites judiciaires, tout cela augure d’un changement de cap prometteur.
Dès sa prise de fonction le président Ghazwani avait annoncé les couleurs en déclarant solennellement qu’il ne protégera pas les gabégistes.
Cette orientation a été réitérée en son nom par le Secrétaire Général de la Présidence, à l’occasion de l’annonce de la nouvelle équipe gouvernementale. La séparation des pouvoirs promise est le gage d’un fonctionnement normal des institutions.
Il y a lieu de noter aussi la campagne tout azimut menée actuellement dans les médias contre la gabegie. Même les institutions publiques, de nature très réservées sur cette question, ont mis la main à la pâte.
Seulement il va falloir beaucoup plus pour espérer assainir la gestion des biens publics et mettre un coup d’arrêt au pillage éhonté de nos ressources.
Et pour ce faire, il convient de revoir les modes de gestion de l’Etat en valorisant les ressources humaines et en mettant fin aux nominations à caractère politique, un fléau qui renforce la gabegie. Il faut barrer la route à tous ces « cadres » sans aucun bagage, pour beaucoup d’entre eux, et dont le seul objectif c’est de s’enrichir sur le dos de l’Etat.
Ce n’est donc pas un hasard si la Mauritanie est classé à la 137ème place sur 180 par « Trensparency International », une ONG allemande qui publie régulièrement des rapports sur l’Etat de la délinquance financière dans le monde.
Et pourtant en Mauritanie les lois existent. Entre autres la Loi n° 2016.014 relative à la lutte contre la corruption le d’avril 2016 et qui a pour objet de combattre les propriétaires des avoirs mal acquis.
Il y a aussi une stratégie de lutte contre la corruption mais elle reste dans les tiroirs.
C’est ce qui explique la pagaille qui sévit dans l’octroi des marchés publics qui sont bien souvent conclus au mépris de l’intérêt général.
Et les allégations de corruption au niveau de tous les secteurs et notamment les secteurs hautement stratégiques, sont légion.
Les scandales impliquant des multinationales comme la société canadienne Kinross Gold Corporation et la chinoise Poly-Hondone Pelagic Fishery ont défrayé la chronique ces dernières années.
Par ailleurs, le dernier scandale de la BCM en dit long sur le laxisme dans la gestion de cette institution de souveraineté qui a été détournée de son rôle crucial de régulateur du système financier national.
Ainsi donc la lutte contre la gabegie ne doit plus rester qu’un vœu pieux, un slogan populiste.
On doit surtout éviter le tapage inutile et la politique de la poudre aux yeux aux relents populistes comme ce fut le cas sous le régime sortant.
Et pour ce faire il va falloir agir sur les mentalités en combattant les mauvais comportements. Les tribus et autres regroupements sociaux doivent être tenus à distance de telle sorte qu’un détourneur ne pourrait plus compter sur le soutien tribal qui doit être criminalisé.
Le rôle des ONG dans ce sens s’avère crucial. En Mauritanie, la société civile s’intéresse à cette question depuis quelques années.
Ii y a entre autres « l’Observatoire Mauritanien de Lutte Contre la Corruption », dirigé par le doyen Mohamed Abdallahi Belil.
C’est ainsi que les ONG mauritaniennes qui s’intéressent à la question entretiennent des relations suivies à l’international.
Certains de leurs cadres profitent du programme UNITAR, un programme japonais de lutte contre la corruption. Mais ces efforts doivent être renforcés pour permettre à ces organisations de jouer pleinement leur rôle.
Bien vrai que la Mauritanie qui est un pays riche ne semble pas échapper au syndrome de la malédiction des ressources mais avec une volonté politique réelle, une meilleure rationalisation des ressources humaines et un assainissement des instances de contrôle, le défi de la lutte contre la gabegie est à portée de main.
Bakari Guèye