Le projet de loi sur la lutte contre les violences à l’égard des femmes et des filles est dans les arcanes. Il fait couler beaucoup de salive entre analyse, dérive, passion, pression, illusions, désillusions, manipulation.
De quoi s’agit-il ?
Le déferlement des violences faites aux femmes dans notre pays pousse naturellement à la remise en question des mécanismes juridiques de protection des citoyens, particulièrement de ceux considérés comme étant les plus vulnérables de la société en l’occurrence, les enfants et les femmes.
Par principe, le volet répressif de la loi consiste à garantir la sécurité des citoyens à travers une répression exemplaire de toutes les atteintes sur leurs personnes et à leurs biens.
De fait, ce projet de loi viendrait donc en réponse à la question : la loi pénale en Mauritanie protège-t-elle suffisamment les femmes et les filles face aux violences dont elles sont susceptibles de faire l’objet à travers les différentes interactions sociales ? La réponse semble être négative. Et pour cause…
L’objet du projet de loi est « de prévenir les violences contre les femmes et les filles, d’établir les procédures légales susceptibles de protéger les victimes, de réparer leur préjudice et de réprimer les auteurs. »(Article premier dudit projet).
Il s’agirait donc d’intégrer dans l’arsenal juridique répressif de notre pays, un ensemble de facteurs de risques de violences à l’égard des femmes et des filles. Incluant à cet effet des volets socio-économiques.
En effet au sens du projet de loi, l’on entend par « violence contre les femmes et les filles » l’ensemble des « actes de violence dirigés contre les personnes de sexe féminin et causant ou pouvant causer aux femmes et aux filles un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles, psychologiques, morales, économiques et culturelles y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation de la liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée… ». On intègre ici les principales circonstances de fait dans lesquelles les femmes, les filles sont spécifiquement pour ne pas dire « systématiquement » violentées.
Dans le milieu du travail, en famille, dans les rues ; partout il y’a effectivement un risque indéniable d’insécurité physique et psychologique pour les femmes et les filles. A titre d’exemple, chaque année nous avons un lot de faits rocambolesques de viols suivis de meurtres atroces qui ne laissent personne indifférent. Il s’agit de reformer, de renforcer le caractère dissuasif et répressif de la loi.
Quelles sont les principales nouveautés ?
Nous pouvons relever plusieurs nouveautés mises en avant dans le projet par
rapport à la réglementation actuelle. Il s’agit principalement : des
définitions des notions juridiques ; la promotion des mécanismes de prévention,
de protection et de répression ; l’amélioration des procédures.
1- Définitions des notions
Au-delà de la définition du concept de « violence contre les femmes et les filles », le projet de loi met en avant d’autres encore importantes qui permettent de déterminer le champ d’action de la loi et minimiser entre autres les risques de mauvaise interprétation, de débordement et ou de manipulation.
Ainsi des notions telles que : le viol, le harcèlement sexuel, l’inceste, ont été définies. Il faut préciser à ce niveau que la liste des définitions est très limitée par rapport à l’objet général du projet de loi mais ce serait une avancée majeure compte tenu de la législation actuelle qui aborde la question des violences faites aux femmes de manière générale et assez évasive.
A titre d’exemple, le projet de loi aborde la notion de viol autour de sa commission en dehors d’une relation légitime excluant de fait la notion de « viol conjugal » que des militant(e)s de droits de l’homme souhaitaient voir intégrer.
Juridiquement, la relation entre époux est soumise à un ensemble d’obligations réciproques qui peuvent se recouper autour du « devoir conjugal » emportant de fait une présomption de consentement relatif à tout acte naturel et normal de la vie de couple. Le consentement étant un des éléments constitutifs du mariage comme en dispose l’article 5 du code du statut personnel. C’est en ce sens qu’on peut expliquer la formulation nuancée de la définition du « viol » à l’article 2 du projet de loi.
Mais le projet intègre toutefois des aspects de violence conjugale que nous aborderons un peu plus loin dans son volet répressif.
2- Promotion de mécanismes de prévention, de protection et de répression
Le projet de loi prévoit également un ensemble de mécanismes pouvant participer grandement à prévenir les faits de violence à l’égard des femmes et des filles.
2.1-De la détection précoce à tous les niveaux des interactions sociales à travers la création d’une institution de veille dont les modalités de fonctionnement seraient précisées par décret ; de l’adoption d’une stratégie nationale multisectorielle incluant des programmes de formation et de sensibilisation à l’attention des agents publics, des acteurs de la société civile et du grand public.
Ces mesures viseraient à encourager une vieille hautement stratégique de la gestion des risques de violence sur les femmes et les filles sur l’ensemble du territoire national.
2.2 – De la protection et de la répression contre des faits de violence à
l’égard des femmes et des filles
Des mesures d’accompagnement et d’assistance sont prévues pour les victimes de faits de violence avec la prise en charge des soins médicaux, des services sociaux d’urgence entre autres. Le projet intègre également la protection des témoins et la préservation de la vie privée des victimes.
C’est ainsi que l’article 14 dispose que : « Dans le cadre des poursuites et procédures liées aux violences faites aux femmes et aux filles, la vie privée des victimes, de leurs descendants et de toute personne placée sous leur responsabilité doit être protégée… ».
3- De la répression des faits de violence contre les femmes et les filles
Le projet de loi prévoit des mesures répressives d’un ensemble de faits de violence dont les femmes et les filles sont susceptibles de faire l’objet au sein de la société notamment : le viol, l’inceste, le harcèlement sexuel, les mutilations génitales, la séquestration, les coups et blessures, les insultes, la privation d’héritage, le chantage, le mariage d’enfant. Tous ces faits font l’objet des peines d’emprisonnement et ou d’amendes.
En outre, c’est toute la société que ce projet de loi vise à responsabiliser dans la protection des femmes et des filles à travers l’institution d’une obligation de dénonciation des faits de violence et la sanction de son manquement. L’article 30 dispose que « quiconque est témoin de violence contre une femme ou une fille et ne la dénonce pas à l’autorité, est puni d’un emprisonnement d’un (1) mois à trois (3) mois et d’une amende de deux mille (2000) à cinq mille (5000), ou l’une de ces deux peines. ». Cet article mettrait fin au désintéressement et inciterait à plus d’implication de chaque citoyen dans la répression des faits de violences à l’égard des femmes et des filles.
Relativement aux violences conjugales, on retrouve des éléments de répression à travers les notions de « coups et blessures » et de « comportement impudique » respectivement aux articles 29 et 32 du projet.
L’article 29 prévoit une peine d’amende de cinq mille (5.000) à dix mille (10.000) ouguiya sans préjudice des dommages-intérêts alloués à la victime et des peines prévues aux articles 285 à 287 du Code pénal avec la possibilité pour l’épouse victime de coups et blessures avérés de demander la dissolution du mariage.
La notion de « comportement impudique » est également traitée dans le projet de loi. Il s’agirait des situations dans lesquelles, une épouse serait victime d’actes outranciers ou contre nature de la part de son mari ; atteignant sa pudeur. Une peine de 6 mois à 1 an est prévue. Précisons toutefois que le projet de loi ne donne pas une définition précise de cette notion ce qui est susceptible d’ouvrir la voie un champ d’interprétation illimitée.
Répression du Chantage
A l’heure des réseaux avec l’explosion des faits de détournements de données personnelles, d’atteintes à la vie privée, il est nécessaire de prévoir des mesures répressives à l’encontre de tout fait d’extorsion et ou de chantage. C’est en ce sens que l’article 33 du projet réprime le « chantage » par la menace de diffusion d’informations portant atteinte à l’honneur d’une femme ou d’une fille dans le but d’obtenir un avantage quelconque. Une peine d’emprisonnement de 3 mois à 1 an est prévue assortie d’amende ou l’une de deux peines.
Par souci de diligence et de rapidité dans l’information
judiciaire, un juge spécialisé sur les questions de violences faites aux femmes
et aux filles serait institué auprès chaque tribunal de wilaya.
On peut aussi souligner à ce niveau le caractère imprescriptible mis en avant
dans le projet relativement à tout fait de violence qualifiée de crime à l’égard
des femmes et des filles.
En somme, ce projet de loi serait une avancée majeure pour notre pays dans la lutte contre les violences faites aux femmes qui sont constatées au jour le jour par des faits qui ne finissent pas de nous choquer. Il est nécessaire de déconstruire les préjugés qui jettent le voile sur la nécessité d’adopter un tel projet de loi.
Nous devons à nos femmes et à nos filles, la meilleure protection juridique possible contre les perversions qui sont contraires à toute règle morale et religieuse.
Les violences faites aux femmes sont aussi des atteintes à l’ordre public et aux bonnes mœurs de la patrie et nuisent gravement à la santé reproductive du peuple. Protéger les femmes et les filles est une question d’intérêt national. Elle interpelle chaque citoyen de quelque bord qu’il puisse être sur son devoir patriotique d’honneur, de fraternité, de justice.
On peut regretter une certaine forme de communication abusive de quelques militantes supposées féministes qui s’inscrivent sur une tendance de généralisation à outrance lorsqu’elles abordent la question des violences faites aux femmes dans le pays.
Les hommes barbus ou pas ne sont pas des adversaires ; ce sont des partenaires. Et lorsque l’on aborde ces questions, il est fondamental de contextualiser culturellement et religieusement.
Nous disons oui au projet de loi sur les violences faites aux femmes et aux filles.
Par Cheikhna Mbouh Tandia