Une première dans l’histoire du pays .Un ancien chef de l’état convoqué par les parlementaires, les représentants du peuple pour lui demander des comptes après dix ans de règne ou il a été applaudi, cajolé et sacralisé par ceux la mêmes qui tentent de l’auditionner pour lui faire tirer les vers du nez. Noble et difficile mission qui ne manquerait pas d’être croustillante en révélations si elle n’emporte pas bien de têtes encore en sursis qui se verraient tout petit dans leur veste. Même si en démocratie, la redevabilité est une exigence de probité, la méthode et la démarche doivent se hisser au niveau des attentes et de l’Esperance des populations.
…..SUR LES DEUX FLANCS DU POUVOIR
Dix ans de règne officiel, du stratège, auteur de deux forfaits qui ont emporté tour à tour en 2005 son mentor Mawiya sous l’ombre duquel il se familiarise des méandres du pouvoir et Sidi Ould Cheikh Abdallahi (premier président démocratiquement élu), en 2008, à la suite duquel il se confronte à l’exercice du pouvoir. Fin connaisseur des arcanes du palais brun avec sa forteresse du BASEP, l’antre des coups bas et des coups d’état. Case sacrée des soldats bien nés pour s’emparer du pays. Héritier de l’oligarchie militaire encore régnante, Mohamed Ould Abdel Aziz est aujourd’hui parachuté sur l’autre versant du pouvoir. Vouloir délier, connaitre, mettre à nue toutes les combines et stratagèmes tissées sous l’ivresse du pouvoir de surcroit militaire demande non seulement de l’audace mais aussi de la connaissance et surtout de l’indépendance d’esprit de la part des députés. Pour mener cette action, nos représentants légitimes braquent torses et muscles pour faire éclater disent-ils la vérité. Ils interrogent, au pas de charge, ses proches collaborateurs, ses intimes d’hier, comme si ces derniers détiennent les secrets au sujet de toutes les compromissions qui lui sont reprochées. Une approche somme toute naturelle en démocratie mais, cependant point dépourvue de préalables. Inscrire le règne de Aziz sur une période de dix ans et sur la seule composante des crimes économiques constitue un bluff politique de bas étage qui ne saurait cacher les vraies raisons de cette imposture. Ces cavaliers d’aujourd’hui, bien enfourchés sur leurs chevaux n’étaient-ils pas aux avants poste pendant que Aziz –président – violait impunément sous leurs yeux et même avec leur bénédiction la constitution. Alors le bon sens, dit –on, s’il est bien partagé, voudrait bien que le peuple les soumette au filtre de la probité pour ne pas dire au détecteur de mensonge. Beaucoup d’entre eux se sont fossilisés dans l’Assemblée cumulant 3 ou 4 mandats de suite pour ne jouer que les rôles de lobbies pour tel ou tel homme, en foulant au pied la constitution. Dans les pays voisins comme l’Algérie c’est la rue (les matelots, les étudiants, les intellectuelles, les chômeurs, les jeunes et les femmes) qui, de jour et de nuit, à coup de sacrifice à déverrouillé le système Bouteflika dont les paradigmes s’apparentent à ceux de Aziz le mauritanien. Toutefois, à la différence d’Aziz l’algérien, pas de manifestation ni grogne encore moins de pétition, aucune n’est à l’origine d’une certaine protestation populaire qui demande la mise en selle de son régime à travers sa gestion du pays. Alors comment en est-on arrivé là ? A cette situation inédite en Mauritanie ou tout à coup des parlementaires qui se réveillent d’un long sommeil qui a duré autant de temps que celui du nouveau suspect pour se rendre compte que « le président des pauvres » doit rendre des comptes. La motivation ne peut se soustraire en première analyse du combat politique en sourdine qui consistait à contrôler l’UPR, l’appareil politique entretenu, soutenu par l’ancien président qui d’ailleurs a mouillé le maillot pour dégoter la majorité au parlement et se mettre en ordre dans la logique des futures batailles institutionnelles. Avec l’élection du nouveau président non investi par ce parti, mais soutenu par celui-ci, il fallait bien que la mue se fasse dans un corps bien établi et l’UPR est tout indiquée. Naturellement entre le nouveau et l’ancien, débute la guerre des tranchées mettant en compétition une amitié de quarante années et la réalité du pourvoirais. Ainsi, les stratégies militaires se mêlent aux lobbies affairistes et tribales avec l’usage de tous les arguments comme dans un duel à couteaux ou tout est permis. Ce duel entre les frères ennemis est plus que Kafkaïen, car on trouve du côté du président Ghazouani tous les caciques et anciens serviteurs zélés de l’ancien qui constituent l’essentiel de son attelage. Un recyclage parfait, qui laisse perplexe bien d’observateurs , déçus par l’absence de rupture sur le choix des hommes .Sachant que l’ancien Rais ,n’a jamais abandonné le terrain pour l’avoir manifesté à plusieurs reprises, il fallait bien trouver un moyen , un subterfuge pour l’isoler, d’autant que c’est un redoutable combattant qui a, en plus, l’avantage de connaitre tous ceux qui nous gouvernent aujourd’hui, qui a fabriqué de toute piece bien d’entre eux alors qu’ils étaient inconnus encore.
UNE DEMARCHE AU GOUT D’INACHEVE
En effet, autant la procédure initiée par les parlementaires est normale, voire légitime, autant, les parcours de ceux qui l’incarnent pendant la même période interrogent le citoyen lambda .Car nous le savons, au-delà des principes qui doivent sous tendre la marche du pays vers un développement harmonieux, notre pays, ne cesse de subir les contre coups d’une incohérence viscérale qui se nourrit du tribalisme, du népotisme .Alors comme une danse qui brouille les pistes , sa cadence , son tempo et son rythme dépendent de la dextérité de l’impresario – le président- du moment . Ainsi le distinguo s’invite dans la démarche des parlementaires entre le rétablissement des responsabilités pour une justice souhaitée par tous et les relents de revanche et de rancune sur le terreau d’appartenance tribale ou politique .Dans l’un ou l’autre cas , la responsabilité historique d’une telle démarche doit viser dans le court terme le changement dans la perception de la gouvernance dans notre pays .
Egalement, pour certains observateurs, le fait de se focaliser uniquement sur les supposés crimes économiques ne laisse –t-il pas entrevoir une brèche, un fossé dans le style de gouvernance dont les méfaits et les pratiques ont fait davantage de victimes que de millions détournés. Ainsi juger l’homme sur dix années de règne sous l’unique prisme économique constitue un artifice de restriction de toutes les valeurs républicaines que doit incarner un Etat. Donc, une astuce bien connue de dédouaner les pratiques racistes et esclavagistes et d’autres injustices qui ont honteusement maquillées le règne d’Abdel Aziz. C’est pourquoi la CEP est interpellée sur les établissements militaires monocolores, sur les nominations exclusives, l’absence d’égalité de chance des citoyens dans l’administration .Toutes choses qui devraient alimenter les sessions parlementaires en épinglant les ministres sur les questions régaliennes.
Se faire le chantre d’une certaine justice alors que dans la pratique quotidienne, par leur silence qui frise même la complicité, nos députés, en tout cas pour la majorité, ne dénonce pas les déséquilibres constatés et les politiques partisanes à travers des propositions audacieuses relève de la légèreté quand on est mandaté pour le contrôle de l’action du gouvernement.
De l’honneur….
Aziz , le bouc émissaire , le seul devant répondre devant la CEP comme si les gouvernants d’aujourd’hui , perchés sur leur fauteuil ne l’ont pas accompagné , soutenu et exécuté lâchement à titre personnel ,mais sous son couvert, de sales besognes. Ses collaborateurs les plus proches et les plus intimes sont encore là, dans le gouvernements, dans les postes stratégiques, accrochés solidement comme des ventouses à leur siège, éjectable sous d’autres cieux, pour descendre et « défendre leur honneur » au lieu de jeter l’opprobre sur l’ex chef de la bande. Une attitude facile pour des esprits naïfs qui pensent se soustraire de l’évolution historique des peuples vers plus de justice. Avec autant de questionnements et d’interrogations que soulève cette tentative de la CEP, l’on croirait comme dit l’ivoirien, pendant dix ans « Aziz était le seul GARCON de la COUR ».une bien curieuse manière de se prendre dans le piégé de toile d’araignée. Pendant dix ans, la brume du mensonge nous tient en laisse devant une réalité qui exige, au-delà de l’homme, de son temps de passage à la présidence à approfondir notre quête de justice en mettant au banc de l’accusation le système. Une marque d’audace et de courage politique qui pourrait bien nous faire l’économie de beaucoup d’autres infractions isolées ou collectives. Aussi pour la postérité vouloir slalomer entre deux eaux invite l’exigence du bon sens qui mettrait sur les plateaux de la balance tout le bilan du temps de règne de Aziz en nous débarrassant du complexe de diabolisation de l’homme pour ne fixer que ses actions fussent-elles bonnes ou mauvaises pour le grand bénéfice de la justice.
S. Diagana
L’audition de Mohamed Ould Abdel Aziz doit être objectif. La gabegie et la haute trahison interpellera beaucoup de personnes qui se croient exemptees par leur appartenance au camp au pouvoir.