Nouakchott abrite ce mardi 30 juin 2020 le sommet des chefs d’Etats des pays du G5 Sahel. Sur cette réunion plane une pandémie de covid-19 qui impose depuis plus de trois mois une claustration maladive dont l’issue n’est pas encore connue.
La crise sanitaire vient tout de même se superposer à un danger permanent sur un Sahel fragile du fait d’une faible résilience à des aléas multiformes : famine, malnutrition, maladies, hygiène, environnement, éducation, trafics illicites, etc. Ce danger permanent au Sahel, c’est l’insécurité quasi-quotidienne due à la radicalisation des groupes armés se revendiquant d’un djihadisme islamiste planant principalement sur le Mali, le Niger, le Burkina Faso et Tchad ; la Mauritanie restant depuis quelques années épargnée par les attaques terroristes…
Que peut ou doit donc apporter le sommet de Nouakchott à l’ouverture duquel prendra part Emmanuel Macron, le chef d’Etat français ?
On se rappelle que le 13 janvier MM. Ibrahim Boubacar Keita, du Mali, Mohamed Ould Ghazwani de la Mauritanie, Idriss Déby du Tchad, Mahamadou Issoufou du Niger et Roch Marc Christian Kaboré du Burkina Faso s’étaient rendus à Pau pour discuter avec leur homologue français du sort de l’espace G5 Sahel relativement à l’engagement militaire dans la zone.
« Lutter ensemble contre les groupes terroristes qui opèrent dans la bande sahélo-saharienne et dans la région du Lac Tchad », tel fut un des engagements réitérés par les cinq chefs d’Etat qui, à notre avis, avaient conforté la France alors fortement critiquée par une certaine opinion, dans sa présence militaire à leurs côtés.
Six mois après les engagements de Pau, qu’est-ce qui a été réussi relativement à la « ferme volonté de combattre ensemble tous les groupes armés terroristes actifs dans la zone » ?
C’est dans un contexte sécuritaire qui s’aggrave que se tient en tout cas ce sommet du G5 Sahel dont la force conjointe pourrait être efficace ne serait-ce que pour dissuader les groupes dangereux qui ciblent désormais même des hommes politiques. L’enlèvement de l’opposant malien Soumaila Cissé est illustratif de cette exposition au risque de personnalités politiques.
Ce sommet engagera-t-il pour une plus grande solidarité les classes politiques dirigeantes des cinq Etats dont la stabilité institutionnelle d’au moins un, le Mali, est menacée ? Ce pays voisin de la Mauritanie n’a sûrement pas intérêt à ce que les contestations politiques visant son président aient raison d’un pouvoir qui, tout compte fait, est dans un processus de recherche de solutions à une crise sécuritaire devenue multidimensionnelle et qui ne doit nullement laisser indifférentes toutes les parties prenantes, à savoir la France, l’Union Européenne, l’Allemagne, la Communauté internationale, pour ainsi dire, et le G5 Sahel lui-même.
A s’intéresser aux objectifs de la nouvelle initiative pour le Sahel lancée en janvier au sommet de Pau, il y a fort à craindre qu’une déstabilisation du régime d’Ibrahim Boubacar Keita soit un gaspillage périlleux. Et pour cause, la coordination des actions et les initiatives régionales et internationales pour réaliser la paix et la sécurité dans le Sahel, se verront compromises et vouées à l’échec…La Libye tiraillée par le Maréchal Haftar et ses alliés d’une part et par le régime en place et les siens d’autre part, doit être une leçon dont chacun des Etats du G5 Sahel doit apprendre…
K-Tocka, La Tribune N°766 du 29 juin 2020