Lexique des formules culturelles désignant états mentaux et souffrances psychiques en Mauritanie

ParMr Khalil Guidado Koita, psychologue clinicien au Centre Hospitalier des Specialité, Nouakchott-Mauritanie


Résumé : Le DSM-V a présenté des expressions culturelles des souffrances psychiques en Amérique du Nord et au Japon. Cet article présente 28 expressions culturelles qui désignent les souffrances psychiques en Mauritanie entre ses différentes composantes linguistiques et ethniques. La Mauritanie est un pays islamique se situant entre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest. Elle est longtemps islamisée depuis moyen âge et regroupe les Arabo-berbères (Le Hassan, les Berbères arabisés et les Harratines) et les négro-africains (Peulhs, Soninkés et Wolofs). C’est dans ce pays et ses différents composantes linguistiques que nous avons recueilli les expressions culturelles que les mauritaniens utiliser pour exprimer et désigner les états mentaux et les souffrances psychiques.

Abstract: The DSM-V presented cultural expressions of mental suffering in North America and Japan. This article presents 28 cultural expressions that designate mental suffering in Mauritania between its different linguistic and ethnic components. Mauritania is an Islamic country located between North Africa and West Africa. It has long been Islamized since the Middle Ages and includes the Arab-Berbers (the Hassan, the Arabized Berbers and the Harratines) and the Black Africans (Peulhs, Soninkés and Wolofs). It is in this country and its different linguistic components that we collected the cultural expressions that Mauritanians use to express and designate mental states and mental suffering.

ملخص: قدم الدليل التشخيصي والإحصائي الأمريكي الخامس للاضطرابات النفسية (DSM-V) التعبيرات الثقافية عن المعاناة النفسية في أمريكا الشمالية واليابان. تقدم هذه المقالة 28 تعبيرا ثقافيا يدل على المعاناة النفسية في موريتانيا بين مكوناتها اللغوية والعرقية المختلفة. موريتانيا دولة إسلامية تقع بين شمال وغرب أفريقيا. لقد تم أسلمتها منذ العصور الوسطى وتضم الأفارقة السود (الفولانيتين والسونينكيين والولوف) العرب البربر (الحسانية والبربرية). وفي هذا البلد ومكوناته اللغوية المختلفة قمنا بجمع التعبيرات الثقافية التي يستخدمها الموريتانيون للتعبير عن الحالات العقلية والمعاناة النفسية والدلالة عليها.

I- Introduction :

Il y a plusieurs expressions culturelles spécifiques des souffrances psychiques dans chaque époque et /ou communauté. Les expressions culturelles aident à comprendre la psychopathologie clinique et aussi à saisir la spécificité culturelle, linguistique et populationnelle des états mentaux et souffrances psychiques d’un individu par l’appellation de sa communauté. Le DSM V (2013), a proposé quelques exemples, tels que l’attaque de nervios (« attaque de nerfs ») chez les latinos américains, le syndrome du Dhat d’Asie du Sud, Susto (« la frayeur ») retrouvé chez certains latinos américains aux Etats-Unis, et Tayjin Kyofo Sho qui désigne en japonais un syndrome culturel caractérisé par l’anxiété et l’évitement de situations personnelles.

Le psychologue et l’ethnologue français Andres Zamplani (2015), a souligné le cas de « Nit Ku Bon », semblable à l’autisme infantile. « Il existe toute une série de comportements de surprotection vis-à-vis d’eux ainsi que des rites magiques pour les retenir ». Ce genre d’enfants sont des « rab » : des esprits ancestraux ou des individus décédés revenants à la vie pour voir s’il vaut la peine de vivre ou de mourir. Ils sont hyper protégés et ménagés par l’idée que si les garçons survivent après la circoncision et les filles après les mariages, ils cesseront d’être « Nit Ku Bon ». Comme on trouve d’autres agents étiologiques comme la magie et la sorcellerie.   

Dans le contexte mauritanien, Pr Dia Alhuussein, le premier neuropsychiatre du pays, dans son ouvrage de « la psychiatrie au pays des marabouts », consacre un chapitre sur les aspects socio-culturels de la santé mentale et un glossaire sur la société mauritanienne de façon générale, sans mettre un accent particulier sur les expressions spécifiques désignant dans les langues mauritaniennes les détresses psychiques. Ce qui fait l’objet de cet article auprès de toutes ces différentes composantes ethniques et linguistiques. Nous avons délibérément omis des expressions à la fois stigmatisantes et très vagues, comme Kangaado en Poulard, Doff en Wolof, Wakhanté en Soninké, Zouigil et Ouwailil en Hassanya.

II- Les troubles psychiques et / ou les maladies mentales selon la conception culturelle mauritanienne :

La Mauritanie comprend quatre groupes ethniques et linguistiques, tous islamisés depuis plus de mille ans : « Arabo-Brebère (Hassanya), et des groupes négro-africains (Peul, Soninké et Wolof). Dans ces différentes composantes on trouve beaucoup d’interactions sociales, linguistiques et culturelles. Ce qui fait qu’il y a souvent des emprunts de mots entre les communautés. Même s’il arrive que chaque communauté ait ses spécificités par rapport aux autres. Ces locutions culturelles constituent souvent et à la fois la cause et la conséquence des souffrances psychiques, des maladies mentales ou physiques. Ici nous nous limitons aux détresses psychiques ou maladies mentales seulement. Telles qu’être habité par les mauvais esprits (Sheytane et/ou Djin), être victimes des mauvais sorts (Sihre ou Zabbi), des mauvais yeux et de l’envie (L’Aine et Hassad). Certains concepts sont traduits ou modifiés légèrement sur le plan phonétique ou alphabétique.   

Inutile de dire que les détresses psychiques sont universelles. La Mauritanie ne fait pas exception.  Les différences se trouvent dans les expressions culturelles et linguistiques. Selon le rapport du ministère de la santé mauritanienne de 2005, « les recherches récentes montrent une importance particulière des maladies mentales, avec 20% de prévalence des états anxieux, 16 % de syndromes dépressifs et 2% d’états psychotiques. Cette recrudescence serait due aux changements culturels et socioéconomiques. Au vu de ces chiffres, les maladies mentales constituent un réel problème de santé publique et continuent d’être mal connues, tabous et stigmatisées ». Cet article vient apporter un petit éclairage sur les termes qui sont utilisés par les mauritaniens sur les souffrances psychiques. Nous avons délibérément ajouté les termes et les pratiques traditionnels qui y vont avec les détresses psychiques, même si cela n’apparait pas dans le titre. Cela permet de comprendre mieux les pratiques traditionnelles de la santé mentale en Mauritanie. L’article contribuera à diminuer la barrière culturelle et linguistique entre les pratiques modernes de la psychiatrie et de la psychothérapie et les concepts traditionnels et les tradipraticiens.     

III- Les termes signalant la détresse psychique et les modes de soins traditionnels :

Ces mots sont utilisés en Mauritanie dans le langage traditionnel. Où les derniers bénéficient d’une grande proximité auprès d’une large partie de la population. Parce qu’ils partagent les mêmes langages et adhérent aux mêmes croyances, qui sont véhiculées et communiquées par les codes communs et consensuels. En tout, nous avons repéré 28 expressions, que nous avons classifiées selon l’ordre alphabétique :  

Bichra ou Bisra selon la prononciation :Cela renvoie aux mêmes significations du Jin (cf. Jin).  

Chahwa شهوة : Qui veut dire en Arabe le désir charnel ou le souhait qu’on veut réaliser. Selon la culture mauritanienne les désirs ou les souhaits d’une femme enceinte doivent être satisfaits, sinon il y aura des impacts négatifs sur son fœtus ou son enfant. La naissance d’un enfant atteint de troubles ou du handicap est souvent attribuée au manque de satisfaction d’un désir ou d’un souhait maternel. Cette croyance a donné conséquence à l’existence de ce qu’on appelle Atibba’u chawat (les médecins ou les soignants des désirs). J’ai rencontré des mères d’enfants atteints d’autisme ou d’IMC (Infirmité Motrice Cérébrale), qui adhérent à cette croyance sociale. Selon l’une d’elle, durant un entretien clinique, elle a relaté qu’elle avait le désir d’avoir un salon bien étalé et orné avant son accouchement, mais elle ne l’a pas obtenu. Les médecins des désirs prescrivent des actes ou des sacrifices qui satisferont les désirs maternels manqués. Nous nous demandons sur l’acception psychanalytique si cela n’est pas lié au désir manqué de l’enfant.     

Cheytane شيطان (Satan) : habité par le cheytane : Selon la croyance musulmane, voir toutes les religions monothéistes, c’est Iblisse, l’ennemi numéro un de tout être humain. Cet ennemi fut à l’origine d’expulsion de deux parents (Adam et Eve) de l’humanité du paradis en les incitant à commettre le premier péché en mangeant la pomme interdite. Cette créature invisible est considérée souvent l’origine du mal et du péché sur le plan religieux chez « les personnes normales ». Elle est aussi la cause des maux psychiques. Cette croyance dominait aussi en Europe au moyen âge où certains malades nommés « possédés par les diables » furent châtiés ou exorcisés pour faire sortir les mauvais esprits de son corps. Selon la conception religieuse monothéiste, l’humain est toujours en conflit avec Satan, incitateur aux péchés. Dans les cas des troubles psychiques, l’humain devient possédé par le Satan. Dans les cas des certains troubles le Satan devient visible comme dans les hallucinations visuelles, alors qu’il n’est pas visible dans les situations normales ou pour les personnes normales. Dans le cadre de névrose obsessionnelle compulsive, notamment la forme religieuse, selon les mauritaniens, l’étiologie est attribuée au Satan qui fait intrusion dans la conscience du religieux assidu. Dans certaines situations, d’hallucination auditives ou visuelles, le patient peut qualifier ce qu’il voit ou entend du Satan ou Jin. Exemple d’un patient, 19 ans, hospitalisé en service de psychiatrie, décrit ses hallucinations en disant « qu’il entend des voix qui l’ordonnent de se jeter de l’étage, et me montre son chapelet … » ; il continue et dit    c’est le Satan qui lui parle …. il refuse en psalmodiant les noms d’Allah. C’est la critique des hallucinations et leurs rejets par des formules conjuratoires. Selon un autre patient qui hallucine Satan me dit que je suis Mahdi[1], je lui dis que ce n’est pas vrai. Ce qui renvoie aux critiques des hallucinations permettant d’avoir des distances. Par ailleurs, il est dit dans le Coran que « Satan dit, lorsque l’affaire fut tranchée, en effet, Dieu vous a promis une promesse de vérité, et je vous l’ai promis, mais j’ai rompu votre promesse, et je n’avais aucune autorité sur vous sauf que je vous ai appelé et que vous m’avez répondu. Alors ne me blâmez pas et ne vous blâmez pas. Ce n’est pas moi qui vous crierai, et ce n’est pas vous qui me crierez. En effet, j’ai mécru en ce que vous lui avez associé auparavant. En effet, les injustes auront un châtiment douloureux.  » (Sourate Ibrahim, verset 22). Il ressort de ce verset que le Satan n’a pas d’autorité sur le croyant. Il les incite seulement à commettre de péché, et il incombe au croyant de prendre sa responsabilité. Il serait donc très important, voir primordial de distinguer ce qu’est de l’ordre religieux et l’ordre des troubles ou maladies mentaux. Ce qui rend les choses compliquées les délires ou les hallucinations interfèrent avec les domaines de vie. Par exemple en Mauritanie, il est très fréquent de voir les troubles ou les maladies mentaux exprimés par le versant religieux. 

– Dabare : Un mot commun entre les Peuls et les Soninkés. C’est le mauvais sort réussi et utilisé contre un individu. L’objet est jeté ou enterré contre un individu et qui a fait ses effets sur l’individu concerné. Ce mot signifie les « conséquences puissantes et négatives » des amulettes ou des incantations de formules ésotériques. Il se manifeste chez les patients par des soupçons ou des délires, tels que des suspicions (cognition ou perception) manifestant par refus alimentaire, évitements, retraits et isolements sociaux, ou déménagements (comportements et réactions) face à la croyance délirante de l’existence de ces objets dans la nourriture ou enterrés dans la maison.  

– Dawsa ou Sakhfa (crise épileptique) :  Un mot utilisé par les hassanophones pour désigner les crises épileptiques. Parmi les significations du mot Dawsa on trouve le piétinement ou l’humiliation. Quant au mot Sakhfa, il renvoie à la faiblesse de l’esprit. Dans tous les cas il y a une convergence et concordance avec les symptômes des crises épileptiques qui affaiblissent et terrassent les gens qui en sont atteints. 

– Dem : Utilisé par le Wolof, qui équivaut chez les maures Sallal, et Soukhougna en Soninké et Soukougna chez les Halpoulard.

– Fibirbabaajo : Terme employé chez les Poularophones pour indiquer les guérisseurs traditionnels qui utilisent à la base les plantes pour traiter les maladies, notamment mystiques.   

– Harara (la chaleur) : Il est véhiculé par les arabo-berbères pour désigner l’excès de chaleur ou la température causée par le soleil ou par certains aliments chauds.   

– Iguindi (allergie ou incompatibilité nutritionnelle avec le corps) : évoque l’excès ou l’incompatibilité de certains aliments chauds, piquants, salés ou gras tels que les piments, les poivrons, la viande…etc. Dans certaines situations, cette explication symbolique prend sa source d’un hadith non authentifié du Prophète Mohamed (psl) : « L’estomac est à la fois source des maux et des remèdes ». Et un autre Hadith non authentifié aussi, qui dit : « Nous sommes une nation, on ne mange que quand on a faim, et quand on mange on n’abuse pas ». Un autre Hadith, a été rapporté du prophète que : « Le fils d’Adam ne remplit un récipient pire qu’un estomac, il lui suffit pourtant quelques bouchées pour se maintenir debout. Cependant, s’il lui faut plus que cela, que ce soit un tiers pour sa nourriture, un tiers pour sa boisson et un tiers pour sa respiration », rapporté par Ahmed et Tarmadhi, authentifié par Albani. Il ressort de ce Hadith tout simplement que la modération est recommandée dans toutes les nourritures sans aucune spécification particulière. Il y aurait un amalgame entre ce qui a été dit avant le prophète Mohamed (psl), par l’ancien médecin arabe Al Hareth Boun Keldat : « Le régime est le chef des remèdes, et l’estomac est le maitre des maux [2]». Ce propos aussi a besoin d’être authentifié.  

Les détresses psychiques sont couramment attribuées aux allergies provoquées par divers aliments, notamment chauds, acides, ou piquants comme le piment, les aliments modernes et d’autres types dont les liens sont interprétatifs. Le terme madjbana (cf Madjbana), est très courant et employé de façon abusive.

– Istikhara (l’acte de divination) استخارة : De point de vue intégralement littéraire, l’istikhara veut dire ce qu’est mieux pour quelque chose. Le mot appartient à la catégorie des formules de demande de l’aide. Selon la définition religieuse c’est la prière de consultation pour voir bien. Certes, Il n’y a pas des différends sur sa permission, cependant il y a divergentes manières de faire. Ce terme ne signifie pas une souffrance psychique, mais, c’est à travers l’Istikhara que le guérisseur juge ou ordonne les sacrifices. Parmi les méthodes, entre autres, certains guérisseurs prétendent parler avec les jins. Pour gagner la conviction du patient ou ses proches, ils le ou les font entendre une voix derrière une barrière. Certains guérisseurs utilisent Istikhara pour les guides des soins de Roukhya (exorcisions) qui va être faite ou désigner les origines de la maladie ou de la souffrance psychique.  

– Jezb (nom du verbe), Majzoub جذب ومجذوب le participe) : Le mot jezb veut dire linguistiquement, l’attrait ou la rupture. Les soufistes l’ont emprunté pour désigner un état spirituel d’attrait vers Allah ou la rupture avec la terre (qui représente le bas monde), vers l’univers céleste. Les tenants du soufisme ont excellé à la définition de ce concept. Nous retenons celle d’Ibn Khaldoun (1332-1406), selon qui « Le Majzoub est celui qui n’a pas de travail, car selon eux les soufis sont considérés au début, comme entre autres des fous de comportement, et il a complètement perdu l’esprit d’affectation et n’a plus de travail, puisque l’arrivée au Seigneur est établie, et les actions d’adoration ne sont que des moyens d’atteindre. Et cette personne attirée qui est arrivée, a vu les éclairages et s’est retirée de lui-même et de son esprit, il ne le fait pas. Savoir ce qu’est le Livre, la foi ou la transmission. Au contraire, il nage toujours dans la mer de la connaissance et du monothéisme, enlevé aux sens et au ressenti ». Cette description décrit l’état mental du Majzoub. La définition est loin d’être exhaustive pour tout le cas de Jezb. L’expression couvre une grande partie des manifestations psychiques et neurologiques dans un champ religieux notamment chez les soufistes. Il est très difficile de spécifier les troubles psychiques qui équivalent à une nosographie psychopathologique typique. Il survient que des entités morbides, telles que les troubles d’anxiété généralisée, les schizophrénies, les troubles d’humeur ou les épilepsies s’expriment et s’interfèrent pendant et avec les séances de Zikr (invocation collective d’Allah à haute voix) comme forme de transe. Ou des états plus durables dans le temps.

– Jin (le nom du verbe), habité par le jin, devient majnoun (participe actif du verbe) : Une créature invisible pouvant être masculin ou féminin. Ils sont réputés par une beauté exceptionnelle et une longévité. Ils deviennent visibles pour quelques rares personnes. Il arrive que ces créatures soient considérées l’origine de troubles psychologiques. Ce qui rend l’individu possédé par les Jins. Certains guérisseurs traditionnels prétendent voir les jins et parlent avec eux.

Khayra (la jalousie) : selon, A, Dia (2008), c’est « la déception sentimentale, la perte de bien ou d’un être cher sont aussi parfois évoquées comme causes de troubles psychiques, de même que le désir de se marier, notamment chez des filles en âge de se marier ou chez des garçons attardés. La fille a tendance à nier toute idée de ce genre. Un mariage peut ainsi être arrangé dans un but thérapeutique et le thérapeute est parfois intéressé ![3] ». Nombreux cas des patientes ont rapporté

– Korte : Ce même mot est usé par le Halpoulard et le Soninké. Il désigne la capacité de secret magique à faire ses effets contre un individu. Il équivaut le mot Sihre chez les maures.

– Liggeye : Le mot veut dire à l’origine en langue Poular le travail. Mais ici, il signifie un travail mystique contre quelqu’un. Donc un mauvais sort jeté peut réussir à causer des troubles psychiques. Il est généralement réalisé par quelqu’un qui détient les secrets ésotériques. Ces derniers peuvent être écrits sur un papier, psalmodiés dans la nourriture ou enterrés dans un lieu. L’islam ne nie pas les impacts négatifs de ces secrets sur les gens, mais interdit sa pratique.  D’ailleurs, plusieurs versets coraniques et Hadiths mentionnent les effets des secrets énigmatiques sur les êtres humains. Pour se protéger contre ces mauvais impacts, il est recommandé de lire ou de prononcer quelques récits coraniques. C’est ainsi que le prophète Mohamed (psl) se soigna contre l’un de ses contemporains sorciers, Walid Boun La’Assam. Selon le texte le prophète Mohamed (psl) ne se pas trop impacté jusqu’à perdre la raison.

Il arrive que des personnes utilisent cette méthode quand elles critiquent les délires ou les hallucinations. On remarque que dans la langue Arabe le mot Sahir couvre à la fois le magicien, le sorcier et le fabricant des mauvais sorts. Car en islam toutes ses pratiques sont interdites. Mais se protéger contre elles, est recommandé.  

– Marabout :  Le mot à l’origine en langue française désigne un oiseau. Dans le contexte mauritanien il prend son origine de l’Arabe, Mourabit à partir du verset coranique[4]. Les hassanophone disent Maraabit. Dans la foulée c’est quelqu’un qui est lettré et un religieux hautement respecté. Il peut posséder des formules magiques, ésotériques ou des supplications hautement qualifiées pour guérir des troubles psychiques. Souvent les patients combinent à la fois les soins modernes avec les méthodes maraboutiques.   

– Meret : Un mot utilisé par les Peulhs pour ce qu’on appelle en psychiatrie la psychose puerpérale ou la psychose post-partum. Ce trouble est expliqué par la montée du sang dans le cerveau.  

Mkaddar امْكَدَّرْ: Qui veut dire littéralement en Arabe être en état mental ou psychique sombre pour exprimer la tristesse et le mécontentement. Souvent il renvoie à la dépression. 

– Modi : C’est l’équivalent du marabout en Soninké.

– Mzabbi : Un mot, utilisé par le maure, qui est une modification de « mise à pied ». L’expression est conjuguée en Arabe avec des modifications. Par exemple, mzabini veut dire il m’a mis au pied par secret ésotérique ou formule magique. Par ailleurs, le mot mzabi est dérivé de la langue berbère qui désigne la malédiction des pauvres vis-à-vis des personnes riches ou de l’autorité.   

– Nassi : C’est le liquide que les marabouts ou les guérisseurs donnent aux patients ou aux familles des patients pour les soins. La voie de consommation peut être oraleة dermique ou exsudatif dans les espaces. Cette pratique peut apaiser les angoisses et les anxiétés. Dans le contexte des souffrances psychiques, le patient peut délirer à tort être victimes de Nassi dans sa nourriture ou son espace.

Sallal en Hassanya (anthropophagie) : Ce mot équivaut dans les autres langues Soukhougna (Soninké), Soukougna (Peul) et Dem en (Wolof).

– Saleh chez les maures صالح : Le mot signifie littéralement un saint. Cette appellation renvoie aux individus dont les capacités mentales sont limitées. Donc ils sont exemptés de toute responsabilité morale, notamment le péché. Cela correspond aux déficiences intellectuelles. Ils sont tolérés et pardonnés, par leur innocence.  

– Sihre سحر أو مسحور : Ce mot équivaut en Soninké Dabare, en Poulard Liggeye et en Wolof.   

– Soukhougna en Soninké (anthropophagie) : Cet esprit concerne un invisible qui est doté des pouvoirs extraordinaires les permettant de posséder un être humain et de manger ses organes internes jusqu’à souvent à la mort.

– Soukougna en Poulard (anthropophagie) :  C’est l’équivalent de Soukhougna en Soninké et Sallal en Hassanya.

Thierno (Ceerno en poulard) : équivaut marabout chez les maures et Modi chez les Soninké et Serigne chez les Wolof.

– Waswas : de l’Arabe, il veut dire obsessive. Ce sont les idées obsessionnelles. En Mauritanie il se manifeste généralement par les rituels religieux, en répétant les ablutions ou les prières.    

IV- Conclusion :

Il ressort que ces locutions sont considérées en tant qu’étiologie et/ou symptôme. A travers ces appellations culturelles les soins sont administrés aux patients et leurs familles. En Mauritanie les circonspections traditionnelles des troubles psychiques sont généralement véhiculées par les patients et leur entourage. Bien que ce soit un pays islamisé depuis très longtemps on trouve aussi des traces animistes pour désigner les troubles psychiques. Par ailleurs, on trouve aussi des termes soufis qui indiquent les états mentaux et comment y remédier.     

Il est important que les cliniciens et tous les acteurs de la santé mentale prennent en compte ces termes pour qu’ils puissent partager avec tous les mauritaniens les mêmes langages ou du moins comprendre ce qu’ils disent pour qu’ils se sentent compris. Et aussi pour mieux affiner les éléments diagnostiques et des traitements avec les nouvelles données fortement ancrée par la vision phénoménologique occidentale.

Les termes que nous venons de présenter regroupent un ensemble des mots qualificatifs des états mentaux dans le contexte traditionnel mauritanien. Il est important d’accorder de l’importance au langage local pour être à proximité des patients ou de leurs familles. Ce qui ne va pas dire forcément être un accord ou un désaccord avec les locuteurs. Les autorités publiques ont toujours pris des initiatives pour intégrer les approches traditionnelles dans les soins, sans y parvenir. Mais la pratique reste tolérée. On voit des annonces partout avec des contacts pour les tradipraticiens.  

Souvent c’est le mécanisme d’idéalisation qui est utilisé par les patients ou leurs familles vis-à-vis des soins, quelqu’un soit le soignant traditionnel ou moderne. Ce mécanisme aide souvent à apaiser les angoisses ou les peurs. L’idéalisation avec les tradipraticiens peut s’exprimer en l’attribuant des pouvoirs surnaturels et en croyant à tout ce qu’il lui dit. Avec le soignant traditionnel ça peut s’exprimer par les fantasmes attribués aux bilans, aux analyses, médicaments, souvent surtout aux appareils comme les machines d’EEG, de scanner et autres. Aujourd’hui la clinique occupe le devant de la scène dans les troubles psychiques.

D’autres part aussi, les troubles sont beaucoup plus acceptés quand ils sont exprimés ou nommés par les cultures locales, comme le témoigne le DSM 5, que le retour à la culture du/ de la malade peut jouer un grand rôle dans le rétablissement.  

Il serait mieux qu’il y ait des études et des recherches qui se penchent mieux sur les approches socioculturelles de états mentaux en Mauritanie. Car il est extrêmement important d’évaluer l’efficacité des traitements traditionnels. Il est également très judicieux de valoriser toutes les cultures, car elle se valent toutes. Et la valorisation jouera un rôle important dans l’estime de soi collectif. Mais par les preuves scientifiques universelles. Ce qui ne peut se réaliser sans des études. 

Dans l’optique d’un dynamisme linguistique et culturel, selon un proverbe Soninké, les langues sont des ruisseaux qui s’alimentent. Actuellement nous constatons les Starts up ou les applications économiques portant des noms arabes, ce qui n’existaient pas au para avant. Cela témoigne d’une autre réalité socio-économique et politique. Peut-être dans l’avenir il y aura des termes économiques désignant les détresses psychologiques au lieu des termes liés aux faits mystiques comme Soukhougna, Sallal, Korte, Mzabi, etc.  

Références bibliographiques :

  1. A, Dia (2008). La psychiatrie au pays des marabouts. Harmattan, Paris, France.
  2. American Psychiatric Association, (2012-2013), DSM-5, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux.
  3. H, Amieva, A, Prouteau et O, Martinaud (2019). Neuropsychologie en psychiatrie. De Boeck Supérieur SA, 2019.
  4. Michèle Fiéloux, Marie Rose Moro, « En quête de l’autre : notes autobiographiques. Entretien avec András Zempléni », L’Autre 2015/2 (Volume 16), p. 215-236. DOI 10.3917/lautr.047.0215.
  5. Ministère de la santé et des affaires sociales (2005), « Politique nationale de santé et d’action sociale 2005-2015».
  6. www.islamqa.info/ar/answer. Texte en Arabe.
  7. www.gov.sante.mr

[1]– Selon l’Islam c’est le guide en Arabe qui guidera le monde vers Allah. Il apparaitra et il sera l’imam suprême sur la terre avant la fin du monde.

[2] – Le site web du www.islamqa.info/ar/answe

[3] – A, Dia (2008). La psychiatrie au pays des marabouts. Harmattan, Paris, France.

[4]يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا اصْبِرُوا وَصَابِرُوا وَرَابِطُوا وَاتَّقُوا اللَّهَ لَعَلَّكُمْ تُفْلِحُونَ      . Sourate Al-Imaran. Le mot est interprété des différentes manières. Cependant, il y a consensus sur la religiosité et la pratique assidue du croyant.

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