Le 28 novembre : une date symbole de souveraineté, de dignité retrouvée et de fierté nationale. C’est ce jour, en 1960, que la Mauritanie accédait à l’indépendance, marquant ainsi son entrée dans le concert des nations libres.
Mais cette date, au lieu d’être célébrée dans l’unité et la joie, demeure depuis trois décennies et demie, source de polémiques et de douleurs. Car un autre 28 novembre, en 1990, vingt-huit soldats noirs mauritaniens furent exécutés sans procès, par leurs propres frères d’armes, dans l’enceinte du camp d’Inal.
Depuis lors, cette journée commémorative divise : d’un côté, ceux qui veulent en faire un jour de fête nationale et de rassemblement, de l’autre, ceux qui choisissent d’y voir un jour de deuil et de mémoire.
Au-delà des émotions et des positions, il importe de revisiter cette date dans l’histoire nationale (A), d’examiner la portée tragique des assassinats de 1990 (B) et de rappeler enfin la nécessité d’une justice pour apaiser la douleur des familles (C).
A – Le 28 novembre dans l’histoire mauritanienne
L’indépendance d’un pays constitue, par essence, l’un des moments les plus marquants de son histoire.
Le 28 novembre symbolise pour la Mauritanie la fin de la domination coloniale, le moment où notre peuple a cessé d’être assujetti à des lois et à des coutumes étrangères. C’est le jour où la nation a pris son destin en main.
Sous cet angle, la date du 28 novembre incarne le point de départ de la liberté, de la dignité et de l’honneur retrouvés. Une libération chèrement acquise après des décennies d’humiliation et de dépendance.
C’est une date qui devrait unir toutes les composantes de notre société, sans distinction d’origine, de langue ou de culture.
Elle n’appartient ni à un homme ni à un régime : ni au Père historique de la nation Maître Moctar Ould Daddah, ni à ses successeurs Haidalla, Maouiya ,Aziz, Qhazouani ,entre autres.Elle appartient tout autant à Samba, ouvrier au port autonome de Nouakchott, qu’à Demba, cultivateur dans les plaines de Boghé.
Le 28 novembre n’appartient ni aux assassins ni à leurs victimes ; il appartient à la Mauritanie tout entière, à ses enfants d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
B – Les assassinats du 28 novembre 1990 : ne pas céder à la division
Les actes atroces commis entre le 27 et le 28 novembre 1990 à Inal ne furent pas de simples crimes : ils furent un acte de trahison nationale.
Leur but semblait clair : souiller la date la plus fédératrice de notre histoire et semer la discorde au sein du peuple mauritanien.
En souillant ce jour d’une telle ignominie, les auteurs de ces exécutions ont voulu marquer à jamais la mémoire nationale d’une cicatrice indélébile. Ils ont porté atteinte non seulement aux victimes, mais à la conscience du pays tout entier.
Cependant, il serait injuste de leur laisser la victoire posthume de la division.
Car malgré cette tache sombre, le 28 novembre demeure notre indépendance, notre victoire collective sur la colonisation.
Aussi souillée soit-elle par le sang des innocents, cette date reste l’un des repères fondateurs de notre identité nationale.
C – Pour une justice apaisée et réconciliatrice
Au-delà des discours officiels et des hommages annuels, la véritable réconciliation passe par la justice.
Les familles des victimes, qu’elles soient celles du 28 novembre, d’un mois de janvier ou d’un mois de mars, portent la même douleur, la même absence, la même exigence de vérité.
Il est donc urgent de traiter le passif humanitaire dans sa globalité, sans hiérarchie ni oubli.
C’est seulement en appliquant une justice juste, qu’elle soit classique ou transitionnelle, que les ayants droit pourront trouver un début de consolation et rejoindre, dans la paix du cœur, le reste du peuple mauritanien dans la célébration de cette journée symbolique.
En dépit des blessures de l’histoire, le 28 novembre demeure le jour le plus marquant de notre épopée nationale.
Il symbolise la fin de la colonisation et le début d’une souveraineté chèrement conquise.
Mais il ne retrouvera tout son sens que lorsque la vérité sera dite, et que la justice aura rendu à chaque victime la part de dignité qui lui est due.
Ce jour-là, enfin, le 28 novembre redeviendra ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : le jour de la Mauritanie unie.
Khalilou Youssoufi Tandia Juriste et expert électoral
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