Excellence Monsieur le Président,
Je m’adresse à vous avec tout le respect dû à votre fonction et à la haute responsabilité que vous portez dans la conduite des affaires de l’État. En tant qu’ancien militaire et ancien fonctionnaire de la Présidence de la République, j’ai eu l’honneur de servir la Nation au sein des forces armées et de mesurer l’importance du facteur humain dans la stabilité et la cohésion de nos institutions militaires.
L’expérience m’a appris qu’une armée n’est pas seulement une somme d’équipements et de budgets mais avant tout une école d’hommes et de savoirs. Chaque génération d’officiers, de sous officiers et de soldats constitue un maillon de la mémoire opérationnelle du pays. Or, notre cadre légal actuel, qui fixe la limite d’âge de départ à la retraite à soixante quatre ans pour les officiers généraux et à des seuils inférieurs pour les officiers supérieurs, les sous officiers et les militaires du rang, conduit à une perte prématurée de compétences accumulées pendant plusieurs décennies de service.
Dans un contexte où les menaces régionales sont mouvantes, où les défis sécuritaires sont complexes et où la modernisation des forces requiert un leadership stable, il devient stratégique d’adapter cette législation. La Mauritanie est aujourd’hui au cœur d’un espace sahélo maghrébin où la qualité du commandement et la continuité de la décision militaire sont des atouts déterminants. Nos voisins l’ont compris et ont ajusté leurs propres systèmes. En Algérie, la limite d’âge atteint soixante dix ans pour les officiers généraux et soixante cinq ans pour les officiers supérieurs, avec des possibilités de prolongation encadrées par les besoins du service. Au Maroc, les Forces Armées Royales maintiennent des officiers expérimentés au delà de l’âge réglementaire lorsque leur savoir et leur discipline demeurent indispensables à la défense nationale.
Ces deux pays ont choisi de valoriser la maturité stratégique et la profondeur d’expérience, considérant qu’un général formé pendant quarante ans représente une ressource nationale difficilement remplaçable. En comparaison, la limite d’âge actuelle en Mauritanie prive trop tôt nos institutions militaires de cadres formés à la complexité des opérations, à la coordination interarmées, à la diplomatie militaire et à la gestion des crises modernes.
Je propose donc, avec le plus grand respect, que notre pays relève la limite d’âge des officiers généraux à soixante dix ans et celle des officiers supérieurs à soixante cinq ans, tout en réévaluant de manière cohérente les âges de retraite des sous officiers et des militaires du rang. Ces derniers constituent l’ossature de nos forces et leur expérience pratique sur le terrain reste irremplaçable dans la formation des jeunes recrues et la préservation du savoir faire technique.
Une telle réforme offrirait à la Mauritanie un double avantage : préserver le patrimoine humain de son armée et renforcer la stabilité du commandement à une époque où la transmission du savoir militaire devient une question stratégique. Elle permettrait également d’harmoniser notre cadre réglementaire avec celui de nos partenaires régionaux et de témoigner d’une reconnaissance méritée envers ceux qui ont servi avec loyauté et abnégation.
La défense d’un État repose sur la cohérence de son armée et sur la confiance entre générations. Reculer la limite d’âge du départ à la retraite, ce n’est pas freiner la relève, c’est lui donner le temps de s’approprier l’expérience de ceux qui ont porté les armes au service de la République.
Je vous remercie, Monsieur le Président, de l’attention que vous porterez à cette réflexion et des décisions que vous jugerez utiles pour le bien de la Nation et la dignité de ses forces armées et de sécurité.
Abada Heibty Mahene
Ancien militaire, ancien fonctionnaire démissionnaire de la Présidence de la République