Tourner le dos au dialogue : un luxe que la Mauritanie ne peut se Permettre

Par Mohamed Fall Sidatt

Il y a une différence fondamentale entre exiger que le dialogue national se tienne dans des conditions optimales — gage de sa réussite — et rejeter toute perspective de concertation. Dans le contexte actuel, le dialogue n’est plus une option parmi d’autres : c’est une nécessité vitale pour préserver notre stabilité et répondre aux aspirations légitimes des citoyens.

La Mauritanie traverse une phase délicate. Les conflits à nos frontières, les tensions sociales, les clivages identitaires, les crispations politiques et les inégalités persistantes imposent une démarche collective, inclusive et sincère. Refuser d’en débattre ensemble, c’est prendre le risque de voir ces problèmes s’enkyster jusqu’à devenir incontrôlables.

L’appel au dialogue lancé par le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani durant le mois béni de Ramadan — temps de pardon, d’unité et de réconciliation — offre une opportunité qu’il serait imprudent d’ignorer.Peu importe l’opinion que l’on se fait de celui qui l’initie : c’est le principe même du dialogue qui doit primer, non l’identité de celui qui le propose.

Les réticences de certaines formations politiques peuvent se comprendre. Les échecs passés, les promesses non tenues, les procédures biaisées ont laissé des traces profondes. Mais faut-il, pour autant, renoncer à tout cadre de concertation ? L’alternative au dialogue, c’est quoi ? L’impasse ? La surenchère ? L’implosion silencieuse ?

L’histoire récente de notre pays montre que les rares avancées — même imparfaites — en matière de libertés publiques, de transparence électorale ou de participation citoyenne sont nées de moments de dialogue. Mieux vaut un cadre perfectible que l’absence totale d’échanges.

Plus préoccupant encore : le double langage de certains acteurs. Tout en affichant un soutien de façade au dialogue, ils œuvrent à le neutraliser de l’intérieur — par calcul, inertie ou volonté de garder la main sur le calendrier. Cette duplicité est non seulement contre-productive, mais dangereuse. Si le processus échoue, ceux qui l’auront entravé — de l’intérieur comme de l’extérieur — devront en assumer la responsabilité devant l’Histoire.

Un dialogue digne de ce nom suppose des garanties claires et crédibles. À ce titre, la nomination de Monsieur Moussa Fall en tant que coordinateur national constitue un signal encourageant. Son intégrité, son sérieux et son sens de l’écoute peuvent créer les conditions d’une concertation crédible, à l’abri des clivages partisans. Homme de consensus, respecté par diverses sensibilités, il incarne une réelle chance de conduire ce processus à bon port.

Parmi les autres prérequis essentiels :

La mise en place d’une commission de facilitation indépendante, composée de personnalités reconnues pour leur impartialité : figures nationales respectées, autorités religieuses influentes, membres du corps diplomatique.

Un cadre institutionnel clair et inclusif, doté de règles partagées et acceptées par toutes les parties prenantes.

Un engagement public et formel de mise en œuvre des recommandations issues du dialogue, indépendamment des considérations partisanes.

Un mécanisme autonome de suivi et d’évaluation, garantissant que les conclusions du dialogue ne rejoignent pas les tiroirs des bonnes intentions oubliées.

Sans ces garde-fous, la défiance persistera et les postures de blocage risquent de reprendre le dessus. Ce serait un gâchis historique.

Il appartient donc à l’ensemble des forces politiques — majorité, opposition, société civile — de sortir des postures figées. Les revendications, même légitimes, doivent être débattues autour de la table, non érigées en conditions préalables. Exiger des concessions unilatérales avant toute discussion, c’est vider le dialogue de son essence.

La Mauritanie est à un carrefour. D’un côté, l’espoir de bâtir un socle commun dans le respect de nos différences. De l’autre, le risque de voir les tensions s’enraciner, les frustrations s’aggraver et la confiance se déliter.

Le temps presse. L’avenir ne se construira ni dans les silences, ni dans les calculs, ni dans les replis identitaires. Il se dessinera dans l’écoute mutuelle, le débat d’idées et la volonté sincère de chercher ensemble le bien commun.

« Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. »
— Martin Luther King Jr.

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