Dr. Olga Marie Perpétue Sankara: « Sans justice, sans inclusion, il est difficile pour les individus de participer à la construction de la nation. »

Par Initiatives News*

Dr. Olga Marie Perpétue Sankara, Représentante Résidente du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) en Mauritanie.

Dans un contexte marqué par de profondes inégalités en matière d’accès à la justice, à la terre et aux services essentiels – en particulier pour les femmes et les jeunes – un projet soutenu par le Peacebuilding Fund (PBF) et mis en œuvre conjointement par l’UNFPA, l’UNICEF et le HCDH a vu le jour dans la région du Guidimagha. Cette initiative novatrice repose sur la consolidation de la cohésion sociale, la promotion de la participation citoyenne et le renforcement des droits humains en tant que leviers du développement durable et inclusif.

Pour mieux comprendre les fondements, les réalisations et les perspectives de ce projet, Initiatives News s’est entretenu avec Dr. Olga Marie Perpétue Sankara, Représentante Résidente du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) en Mauritanie.

Quelle est la vision stratégique portée par ce projet ?

Ce projet est financé par le Peacebuilding Fund, un fonds dont la vocation première est de soutenir les États dans la promotion de la cohésion sociale, la culture de la paix et la mise en place des conditions d’un développement durable.

L’analyse de la situation a révélé l’existence de déterminants structurels qui compromettent la participation des populations au développement national, notamment en cas d’injustice et d’exclusion. Ce sont particulièrement les femmes et les jeunes qui rencontrent des obstacles significatifs à l’accès aux outils leur permettant de réaliser pleinement leur potentiel. Et sans justice, sans inclusion, il est difficile pour les individus de participer à la construction de la nation. C’est pourquoi le projet s’est articulé autour de trois axes prioritaires :

  • L’accès à la justice et à la justice sociale
  • L’accès à l’exploitation de la  terre, en tant que principale source de revenu
  • L’accès aux documents d’état civil, qui confèrent une existence légale

Ces dimensions sont fondamentales. Sans acte de naissance, un enfant ne peut pas être inscrit à l’école. Ce même document est également requis pour voter ou bénéficier de services sociaux de base. En somme, ces droits fondamentaux conditionnent la capacité des individus à participer à la vie sociale, économique et politique de leur pays.

Quelles ont été les principales réalisations du projet ?

Le projet a été mis en œuvre par trois agences des Nations Unies : l’UNFPA, le HCDH et l’UNICEF, en étroite collaboration avec les autorités régionales. Ensemble, nous avons élaboré une approche inclusive et participative, impliquant l’ensemble des parties prenantes afin d’assurer une appropriation locale et une durabilité des actions.

Sur le plan de la justice sociale, des cadres de coordination ont été mis en place pour traiter les litiges et faciliter l’accès à la justice. Depuis le lancement du projet, au moins 125 cas ont été traités grâce à ces structures, offrant ainsi aux citoyens un espace où exprimer leurs préoccupations et obtenir des réponses concrètes.

En ce qui concerne l’état civil, plus de 550 personnes ont pu obtenir des documents officiels attestant de leur identité. Ce résultat est majeur, dans la mesure où ces documents conditionnent l’accès à l’éducation, à la santé et à d’autres services fondamentaux.

Le volet foncier a également fait l’objet d’une attention particulière. Des sessions de formation ont été organisées afin de sensibiliser les jeunes sur l’importance de la formalisation des transactions foncières. Lors de la clôture d’une de ces formations, les autorités locales ont exprimé le souhait d’étendre cette initiative à d’autres communes, preuve de l’intérêt suscité.

De plus, le projet a contribué à ouvrir la voie à un accès plus équitable des femmes à la terre, un domaine traditionnellement peu accessible à ces dernières. Cette avancée constitue un fondement indispensable pour garantir leur pleine contribution au développement.

Enfin, un investissement significatif a été consenti dans le capital humain, en formant des imams, des femmes leaders et des relais communautaires afin d’assurer la pérennité du projet. Certaines femmes ont également reçu des kits d’activités génératrices de revenus, et ont été regroupées en coopératives, favorisant ainsi l’autonomie économique et la solidarité communautaire.

Un impact concret est-il déjà perceptible sur le terrain ?

Il est souvent délicat de parler « d’impact » pour un projet d’un à deux ans, tant cette notion implique une transformation profonde et durable. Toutefois, nous pouvons affirmer que des effets positifs sont d’ores et déjà observables, notamment :

  • Un renforcement du tissu social ;
  • Une libération de la parole, en particulier chez les femmes et les jeunes ;
  • Une implication accrue dans les instances de prise de décision locale.

Nous restons présents dans la zone même après la fin formelle du projet, afin de poursuivre les efforts de suivi et d’évaluation. Cela permettra d’observer le fonctionnement réel des mécanismes instaurés, d’en tirer les leçons nécessaires et de les adapter à d’autres contextes.

À ce jour, cinq communes du Guidimagha ont été couvertes. L’objectif est maintenant de mobiliser des ressources pour étendre ces interventions à d’autres localités de la région – voire à d’autres régions du pays – en réponse à une demande exprimée par les autorités régionales elles-mêmes.

Quel rôle ont joué les relais communautaires ?

Nous avons formé des relais communautaires issus de différents groupes influents : leaders religieux, femmes, jeunes, autorités locales, etc. Leur mission consiste à poursuivre la sensibilisation sur les thématiques abordées par le projet, mais aussi à entretenir le lien entre les citoyens et les institutions locales.

Ces relais constituent donc un véritable trait d’union entre l’administration et les communautés. Ils transmettent les préoccupations, diffusent l’information et assurent le suivi des résultats. Leur implication vise également à intégrer les actions du projet dans les plans communaux de développement, condition sine qua non d’une appropriation durable par les acteurs locaux.

Un mot de conclusion ?

Je tiens à vous remercier d’avoir pris le temps d’écouter les communautés concernées. En tant qu’acteurs extérieurs, vous avez un regard différent, précieux pour évaluer si le projet a réellement répondu aux besoins exprimés.

Car au-delà de l’action elle-même, l’adhésion des populations est la clé du succès. Si les bénéficiaires comprennent que ce projet est dans leur intérêt, alors l’appropriation devient possible.

Les témoignages recueillis auprès des autorités locales et des bénéficiaires m’ont convaincue de la pertinence de notre approche. Mais c’est à vous, médias, de relayer cette expérience, de la traduire en histoires concrètes, en images vivantes, pour donner à voir ce qui a été construit collectivement.

*Cette interview a été  conduite à l’issue de la mission sur le terrain de l’équipe d’Initiatives News en vue de documenter les impacts du projet PBF dans la région du Guidimagha

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