Point de Vue : Le Sénégal entre reniement et incertitude

Il y a un an, à l’issue d’une élection présidentielle inédite par son contexte et sa portée symbolique, les Sénégalais avaient exprimé un désir de rupture. Une rupture avec les pratiques d’un régime jugé à bout de souffle, mais surtout, un espoir d’une gouvernance nouvelle, portée par des promesses claires : intégrité, justice, souveraineté et changement de paradigme.

Douze mois plus tard, le constat est amer. Le pouvoir en place peine à donner corps à ses engagements. Et la question centrale demeure : où va le Sénégal ?

Des engagements phares, des renoncements flagrants

Dès la campagne, le duo Diomaye-Sonko avait séduit par un discours radical, volontariste, presque révolutionnaire. Mais les grandes promesses de campagne ont rapidement été abandonnées ou vidées de leur substance, parfois sans explication :

  • La sortie du franc CFA, symbole du combat pour la souveraineté, a été reléguée à plus tard, sans aucune feuille de route ni horizon clair.
  • La dénonciation des accords de défense avec la France s’est muée en silence diplomatique, très loin des discours de rupture.
  • La suppression des fonds politiques, jadis dénoncés comme immoraux, a été purement ignorée. Ces fonds continuent d’exister, sans réforme ni justification.
  • La promesse de réformes profondes des institutions, pour moraliser la vie publique et garantir la séparation des pouvoirs, est restée lettre morte. Au contraire, ce principe de séparation des pouvoirs, malgré le fait qu’il soit précisé dans la constitution, reste aujourd’hui l’une des choses les plus bafouées au pays de la Teranga.

La loi d’amnistie : un reniement lourd de sens

L’un des symboles les plus forts du reniement concerne la gestion de la loi d’amnistie. En campagne, le duo au pouvoir promettait clairement l’abrogation de la loi d’amnistie de mars 2024, comme un acte fort de vérité et de justice. Mais une fois au pouvoir, cette promesse a été réinterprétée : au lieu d’une abrogation franche, les autorités ont opté pour une loi d’interprétation, conçue dans des contours flous et taillée sur mesure pour réhabiliter certains militants pastefiens, accusés d’avoir défié la République dans un contexte de violence politique, tout en poursuivant d’autres citoyens non-membres de Pastef et en ligne de mire les FDS.

Ce choix, loin d’apaiser les tensions, a ravivé les clivages, renforçant l’idée que la justice reste un instrument politique. Il a aussi envoyé un signal troublant : la rupture promise avec les pratiques d’antan s’est transformée en une continuité maquillée.

Le rapport de la Cour des comptes : un signal inquiétant

Le rapport de la Cour des comptes, largement perçu comme biaisé, a aussi jeté une ombre sur la transparence des actions gouvernementales. Des accusations de malversations dans la gestion des fonds publics par le régime précèdent, qui ont fait l’objet de débats publics animés, ont eu pour effet de fragiliser la relation du Sénégal avec ses partenaires internationaux. En conséquence, le pays se retrouve dans un marasme financier, avec une perte significative de légitimité qui freine le développement et pourrait entraîner des répercussions durables sur les projets sociaux et économiques essentiels.

La vague de licenciements : une purge politique déguisée

Depuis l’alternance, de nombreux agents du secteur public et parapublic sont remerciés, souvent sans justification claire. Si le pouvoir parle de rupture, beaucoup y voient une chasse aux sorcières. Le critère politique – plutôt que la compétence – semble primer, alimentant le sentiment d’injustice et d’exclusion.

La promesse d’appels à candidatures : une promesse encore non tenue

Le nouveau régime avait promis la transparence à travers des appels à candidatures pour les postes de direction. Jusqu’ici, rien n’est fait. Des nominations continuent d’être faites dans l’opacité, souvent selon des logiques partisanes, en contradiction avec le discours de rupture.

Une gouvernance sans cap

Au-delà des renoncements, c’est l’absence de vision claire qui inquiète le plus. Le slogan « Jub, Jubël, Jubanti », chargé d’espoir, n’a pas résisté à l’épreuve du pouvoir. Il s’est heurté à la réalité d’un exercice gouvernemental marqué par l’improvisation, des décisions souvent incohérentes, et une gestion du pays au jour le jour.

La communication brouillonne, les revirements de position, l’incapacité à fixer des priorités et à porter des réformes concrètes donnent l’image d’un pouvoir qui tâtonne. Par moment, il devient difficile de faire la distinction entre le manque d’expérience, l’amateurisme, ou le calcul politique.

Une crise de perspectives persistante

La crise de perspectives que je pointais déjà à l’aube du mandat s’est non seulement confirmée, mais elle s’est aggravée. Le pays semble naviguer à vue, sans boussole idéologique claire ni projet national mobilisateur. La seule boussole, s’il y en a une, reste la volonté de salir le bilan de Macky SALL et de ternir son image personnelle à l’échelle nationale et internationale.

Le peuple sénégalais, qui avait massivement voté pour une rupture, se retrouve face à un pouvoir qui trahit l’esprit même de ses engagements. Il ne s’agit plus seulement d’un problème de gouvernance : c’est une crise de sens, une perte de repères.

En conclusion : Un an après l’alternance, des promesses envolées, une orientation et des perspectives introuvables

Un an après l’alternance, l’espoir d’un renouveau a laissé place à la confusion et à la déception. Les promesses fondamentales n’ont pas été tenues. Et le cap reste introuvable.

Le peuple sénégalais, mûr et exigeant, attendait un projet de société, pas seulement un changement d’hommes. Or, pour l’instant, le sentiment dominant est celui d’un rendez-vous manqué entre la parole et l’acte, entre le rêve et la réalité.

Que Dieu sauve le navire « SUNUGAL ».

Demba Hamath SY,

Expert consultant en Gestion &Développement des compétences.

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