Nouakchott est depuis hier la capitale de l’Education en Afrique. Ce secteur clé pour le développement du continent connait beaucoup de difficultés.
Selon les statistiques les plus récentes le nombre d’enfants non scolarisés en Afrique a augmenté de 13 millions et les projections pour 2070 prévoient 200 millions d’enfants en dehors de l’école si la situation ne s’améliore pas.
Plus de 100 millions d’enfants africains ne vont pas à l’école. Ce chiffre représente 40% des enfants non scolarisés dans le monde, alors que l’Afrique ne compte que ¼ de la population scolarisable au niveau mondial.
En Afrique subsaharienne, la situation est alarmante avec près de 2,8 millions d’enfants sans éducation et 90% des enfants ne peuvent pas lire et la pauvreté de l’apprentissage dépasse 95%. La crise de l’éducation est dramatique et compromet l’avenir des enfants et des communautés.
Ces chiffres alarmants mettent en exergue l’ampleur des défis en la matière, sur le continent.
C’est dans ce contexte difficile que se tient à Nouakchott, du 9 au 11 décembre courant la conférence Continentale Ministérielle. Elle est organisée par le gouvernement mauritanien qui assure la Présidence de l’UA, en partenariat avec la Commission de l’Union Africaine et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).
Cette conférence réunit des Chefs d’État, des décideurs politiques et des parties prenantes clés à travers le continent pour engager un dialogue transformateur afin de renforcer le plaidoyer sous le thème « Éduquer et qualifier notre jeunesse au service d’une Afrique prospère, intégrée et dynamique».
De grands défis à l’horizon
Le développement du secteur éducatif peut avoir un impact positif sur le PIB, selon une étude récente.
Aujourd’hui, bien que l’Afrique ait réalisé des progrès significatifs dans l’élargissement de l’accès à l’éducation, le continent reste confronté à un faisceau de défis convergents pour assurer une éducation de qualité, équitable et inclusive. On estime, en effet, que l’Afrique représente plus de 90 % des besoins mondiaux de financement externe de l’éducation d’ici à 2030, et qu’au moins 40 milliards de dollars supplémentaires seront nécessaires pour atteindre les ODD en matière d’éducation, et répondre aux objectifs et aspirations déclinés dans l’Agenda 2063 de l’Union Africaine.
Le Pacte sur le futur adopté au dernier sommet des Nations-Unies à New-York en septembre 2024 rappelle cette urgence de remobiliser la communauté internationale autour de l’Éducation, tant l’ODD4 accuse des retards significatifs, particulièrement en Afrique. L’argument principal qui a fondé le choix de l’éducation comme thème l’année 2024 est que « l’Afrique pèse plus lourd que les autres continents dans les écarts à combler pour atteindre les cibles de l’ODD 4, qui sont également reflétés dans la Stratégie continentale pour l’éducation en Afrique (CESA) ».
Parmi les nombreux défis identifiés, au-delà du déficit financier, on peut citer l’inadéquation des infrastructures, la pénurie d’enseignants qualifiés, la faiblesse des résultats de l’apprentissage, les disparités de l’offre entre et au sein des pays, l’accès et la connectivité limités aux technologies numériques, l’inadéquation entre la formation et l’emploi, etc. A ces défis, il faut ajouter l’évolution rapide de l’économie mondiale et la révolution digitale et numérique qui imposent de nouvelles compétences pour les métiers du futur ; un futur qui est, par ailleurs, déjà, en train de se réaliser dans plusieurs secteurs (santé, économie, etc.). Il devient donc urgent de réinventer les systèmes éducatifs africains en s’appuyant sur une approche holistique, en tirant parti des avancées technologiques, et en favorisant la collaboration entre les gouvernements, les établissements d’enseignement et les parties prenantes dont les parents, les communautés et le secteur privé, notamment africain.
Malheureusement les choses avancent lentement. Ainsi on est encore loin de l’application de la déclaration de Kigali en 2015 qui recommande aux gouvernements de consacrer 20% de leur budget à l’éducation. A ce jour un seul pays a atteint ce seuil. Cette situation est aussi aggravée par l’inégalité dans la distribution des fonds alloués à l’Education. En effet, dans certains pays, les élèves les plus riches reçoivent 6 fois plus du budget que les autres.
Mais des solutions existent en Afrique et ailleurs. En Afrique du Nord par exemple le taux des enfants non scolarisés est passé de 35% dans les années 2000 à 4% en 2024. Des programmes comme « l’Education de la seconde chance » en Tunisie ont contribué à la réalisation de ce résultat.
Au Rwanda, le taux d’enfants non scolarisés est passé de 1 enfant sur 2 à 14% aujourd’hui.
Et au Benin on a enregistré le plus grand progrès en matière d’apprentissage. En 2019, 60% des enfants maîtrisaient la lecture.
Quoiqu’il en soit, les experts préconisent de renforcer la cadence partout sur le continent pour atteindre les objectifs de l’Agenda 2063.
Objectifs de la conférence
Les principaux objectifs de cette conférence africaine sur l’éducation sont les suivants :Reconnaître et apprécier l’état actuel de la mise en œuvre et les progrès réalisés par les États membres de l’UA en ce qui concerne les engagements et les décisions prises pour transformer l’éducation en
Afrique, y compris, mais sans s’y limiter, l’ODD 4 relatif à l’éducation, le plan d’action du Sommet sur la Transformation de l’Éducation et sa déclaration, la Stratégie continentale pour l’éducation en Afrique (CESA), etc.
Identifier les opportunités de collaboration et de partenariats entre les acteurs du continent et les partenaires du domaine, afin de combler les retards dans la mise en œuvre de l’ODD4, conformément aux objectifs fixés à cet effet dans le Pacte du futur et les différentes déclarations et plans adoptés lors du Sommet du Futur tenu en septembre 2024.
Ces opportunités doivent inclure les écarts dans l’accès au numérique soulevés dans le Pacte numérique mondial adopté au même sommet.
Convenir de mécanismes de financement de l’éducation durables, notamment un mécanisme de renforcement du Fonds africain pour l’éducation, la science, la technologie et l’innovation (AESTIF), des financements innovants pour répondre aux besoins du continent et combler les écarts dans la mise en œuvre de l’ODD4, la Stratégie continentale pour l’éducation en Afrique.
Présenter un plaidoyer en faveur de la mise à l’échelle de modèles réussis et de solutions innovantes et durables pour parvenir à une éducation de qualité et équitable sur l’ensemble du continent, afin de répondre aux exigences du 21e siècle en Afrique et au-delà.
Engager la réflexion et un débat inclusif sur l’éducation, la jeunesse et l’employabilité comme centre de gravité de la construction du devenir de l’Afrique, et, élaborer, in fine, une matrice de recommandations utiles aux états africains.
Résultats attendus
Cette conférence suscite beaucoup d’espoirs. Parmi les résultats attendus, une mise à jour complète de l’état de la mise en œuvre par les États membres de l’UA des engagements pris ces dernières années pour transformer l’éducation en Afrique et l’adoption d’un plan d’action, ainsi que des instruments de suivi, pour les dix prochaines années, afin d’accélérer les actions dans les domaines clés où des progrès supplémentaires sont nécessaires, identifiés et appréciés.
L’augmentation de l’adhésion et de la participation des partenaires au développement dans les clusters pertinents de la CUA afin d’opérationnaliser et d’intégrer efficacement les points d’action convenus et de favoriser la mise en œuvre effective du CESA 2026-2035 de l’UA est renforcée.
Un engagement en faveur du financement et de l’extension des modèles réussis et des solutions innovantes mises en œuvre dans les États membres de l’UA, afin d’accélérer le rythme de la transformation effective des systèmes d’éducation et de compétences est présenté et plaidé.
L’établissement d’un consensus sur les stratégies de financement durable et innovant de l’éducation en Afrique, y compris : la redéfinition des objectifs clairs en matière de financement de l’éducation dans les États membres de l’UA ; le plaidoyer pour une plus grande implication des communautés, du secteur privé lucratif et non lucratif, en vue de garantir l’accès universel à une éducation de qualité; l’engagement à rendre opérationnel le Fonds africain pour la science, la technologie et l’innovation (AESTIF) dans le domaine de l’éducation, tel qu’il a été approuvé par les Ministres en 2022 ; l’engagement à mobiliser les partenaires internationaux afin d’améliorer l’accès aux mécanismes de financement innovants pour l’éducation.
L’établissement d’un consensus sur l’urgence d’un pacte panafricain pour l’emploi en faveur de la jeunesse comprenant si nécessaire des mesures de facilitation de la mobilité et de l’emploi pour les jeunes entre les pays d’Afrique, là où les bassins de travail et le marché de l’emploi sont en demande de main-d’œuvre.
En attendant le conclave des chefs d’Etat prévu aujourd’hui et consacré au dialogue politique de haut niveau, les participants à la conférence ministérielle ouverte hier ont affiché leur optimisme et ont salué au passage l’engagement du gouvernement mauritanien pour la promotion de l’éducation en Afrique.
En effet, cette conférence est une plateforme pour prendre des décisions décisives afin d’améliorer la qualité et l’efficacité des systèmes éducatifs sur le continent, a souligné Mme Houda Babah ministre de l’éducation et de la réforme du système éducatif.
Le directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, M. Guy Famille, a salué le leadership de la Mauritanie au sein de l’Union africaine, soulignant l’importance de cette initiative, qui contribuera à améliorer la vie des enfants et ne laissera personne sur le bord de la route.
Même son de cloche de la part, le commissaire à la science, à la technologie et à l’innovation de la Commission de l’Union africaine, M. Mohamed Ben El Husseini, qui à son tour a salué les efforts inlassables de la Mauritanie pour développer les objectifs fixés pour l’éducation en Afrique.
A noter que cette conférence se tient en reconnaissance de l’importance du thème de l’Année de l’éducation de l’Union africaine « Éduquer une Afrique digne du 21e siècle : Construire des systèmes éducatifs résilients pour un accès accru à un apprentissage inclusif, tout au long de la vie, de qualité et pertinent en Afrique ».
Synthèse Bakari Gueye
Source: HORIZONS 8939 du 10 DECEMBRE 2024