The Economist : La Mauritanie est un phare de stabilité dans le Sahel, mais le chaos frappe à ses portes

The Economist of London a publié un numéro spécial sur les circonstances particulières de la Mauritanie, qui élira demain un président pour un mandat de cinq ans parmi sept candidats menés par le président sortant Mohamed Cheikh El Ghazouani.

Le journal s’est appuyé sur l’analyste et rédacteur en chef de la version française de l’agence « Madar », Bakary Gueye, pour analyser la scène régionale et locale.
Voici le texte de l’article de The Economist :
Contre toute attente, Mohamed Ould Ghazouani apparaît comme un pilier de stabilité. Président de la Mauritanie depuis 2019, cet ancien général a participé à deux des six coups d’État qui ont secoué le pays au cours des 50 premières années qui ont suivi son indépendance de la France en 1960.
Lors du premier, il a contribué à chasser Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, qui a brutalement réprimé le peuple pendant deux décennies après s’être emparé du pouvoir à la suite d’un coup d’État. Lors de la seconde, il a contribué à renverser le premier président démocratiquement élu du pays et l’a remplacé par son vieil ami Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a ensuite remporté deux mandats présidentiels.
Néanmoins, le mandat de Ould Ghazouani a connu une période de calme sans précédent. Malgré l’arrestation de personnalités de l’opposition, son élection en 2019 a marqué le premier transfert pacifique du pouvoir en Mauritanie (en dehors de l’expérience de 2007).
Il a coopéré avec les partis d’opposition, élargi la sécurité sociale et écarté Mohamed Ould Abdel Aziz, son prédécesseur, qui a été emprisonné pour corruption en décembre.
En tant que ministre de la défense, puis en tant que président, il a joué un rôle déterminant dans l’éviction d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), le groupe djihadiste basé en Algérie qui a lancé une série d’attaques meurtrières en Mauritanie entre 2005 et 2011.
Ould Ghazouani propose un modèle mixte de sensibilisation des communautés, de médiation avec les islamistes et de modernisation militaire qui a permis de déraciner l’extrémisme. C’est la raison pour laquelle la Mauritanie n’a pas connu d’actes de terrorisme depuis plus de 13 ans.
M. Ould Ghazouani devrait remporter un second mandat lors de l’élection présidentielle prévue le 29 juin, qui devrait être équitable et pacifique, selon les Nations unies.
Si la Mauritanie a échappé aux coups d’État et au terrorisme, ce n’est pas le cas du reste de la région. Les morts liées aux conflits dans le Sahel central ont augmenté de 38 % l’année dernière, selon le Armed Conflict Location and Event Data Project (projet de données sur les lieux et les événements des conflits armés).
Une nouvelle vague de régimes militaires, qui ont expulsé les forces de maintien de la paix occidentales et de l’ONU pour engager des mercenaires russes, a alimenté la violence.
La Mauritanie et le Tchad ont été contraints de dissoudre le G5 Sahel, une organisation de lutte antiterroriste essentiellement opérationnelle composée de cinq pays. Les deux pays ont dissous le groupe après le retrait des régimes militaires au Burkina Faso, au Niger et au Mali.
Cela pourrait permettre au chaos malien de s’infiltrer en Mauritanie. Daniel Ezinga, du Centre for African Strategic Studies, un groupe de réflexion affilié au ministère américain de la défense, affirme que les affrontements à la frontière de 2 236 kilomètres entre les deux pays sont en augmentation.
Les tensions ont éclaté en avril lorsque les forces maliennes et russes ont chassé les djihadistes dans un village mauritanien. Entre-temps, près de 20 000 Maliens ont cherché refuge en Mauritanie au cours des deux premiers mois de cette année, contre 55 000 tout au long de l’année dernière.
L’ONU indique que son principal camp de réfugiés est sous-financé et surpeuplé, contenant 30 000 personnes de plus que ce qu’il peut accueillir, de sorte que l’agence des Nations unies pour les réfugiés exhorte les gens à s’installer ailleurs dans le pays, ce qui aggrave la situation dans les zones rurales pauvres.
Dans le même temps, la Mauritanie est redevenue un point de départ important pour les migrants qui se dirigent vers l’Europe. Environ 18 000 migrants clandestins sont arrivés aux îles Canaries cette année, soit une augmentation de 375 % par rapport à l’année précédente, selon Frontex, l’agence de l’Union européenne chargée des frontières extérieures. Plus de 80 % d’entre eux sont partis de Mauritanie, où des bandes de passeurs chargent de petites embarcations des migrants, dont la moitié sont des Maliens.
Cet afflux a fait de la ville côtière de Nouadhibou une plaque tournante du trafic de migrants, explique Raouf Farah, de l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale, une organisation de recherche non gouvernementale.
« La Mauritanie n’a pas la capacité d’absorber l’afflux de migrants [vers l’Europe] », déclare Bakary Gueye, un analyste basé à Nouakchott, la capitale.

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