Née en 1991 à Kiffa, NDella Bâ a connu le désespoir à cause d’une vie brisée par la fistule obstétricale, suite à un accouchement douloureux et compliqué.
En 2017, NDella Bâ s’apprête à aller à l’Université après son baccalauréat. Mais sa grossesse l’inquiète. Elle accouche plus tard sans assistance médicale et s’en sort avec une fistule obstétricale. Son mari la quitte et NDella entre dans une phase de dépression. Plus aucun goût à la vie, plus d’espoir. Elle est envahie par une immense tristesse, enfermée dans sa douleur solitaire.
Informé sur son drame, son père l’amène à l’hôpital qui l’oriente vers un centre d’accueil et d’hébergement.
A l’Association des Femmes Volontaires de Développement (AFVD) présidée par Seydi Camara, elle est prise en charge. Après une opération réussie, NDella retrouve le bonheur d’une nouvelle vie.
En 2019, l’AFVD lui octroie un financement pour mener des activités génératrices de revenus (AGR) de 300.000 MRO. Ce montant lui permet d’ouvrir une boutique de ventes de vêtements et de se lancer dans la couture au marché de Kiffa.
A l’instar de NDella, plusieurs autres femmes ont suivi ce chemin de croix avant de retrouver l’espoir grâce à la chirurgie réparatrice et l’insertion sociale.
Au creux de la souffrance, la résilience
« Nous avons mis en place des AGR pour les victimes de fistules obstétricales et 150 femmes sont déjà bénéficiaires d’un appui, grâce au Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) .» Témoigne Zeinebou Cheikh Lemine, responsable au sein de l’AFVD du suivi des femmes et de la réinsertion sociale.
De son côté, Seydi Camara précise que l’AFVD est pionnière dans le domaine de la prise en charge des fistules obstétricales.
« Nous traquons les survivantes dans les coins les plus reculés, nous les prenons en charge, nous faisons le suivi médical, puis nous assurons leur réinsertion sociale. » Affirme-t-elle.
C’est en 2003, grâce à l’appui de l’UNFPA, puis plus tard d’autres partenaires que l’AFVD s’est lancée dans ce processus. Plus de 400 femmes ont été sauvées par l’association sans compter celles qu’elles orientent vers l’hôpital de Kiffa.
L’essentiel des activités de l’AFVD, selon Seydi Camara, est basé sur la sensibilisation, notamment dans les zones reculées où les populations n’ont pas accès à l’information. C’est au cours des séances de causeries sur la fistule obstétricale avec les communautés, qu’ils découvrent la plupart des cas.
Et c’est toujours dramatique, explique-t-elle, de découvrir des femmes et des jeunes filles, enfermées dans des enclos, abandonnées par tous, y compris par leur mari et au bord de la folie.
Seydi Camara ne peut retenir ses larmes en livrant son témoignage. Selon elle, il existe deux sortes de fistule, une dite compliquée ou grave et une dite simple.
« Dans les deux cas, le rectum communique avec le vagin ou la vessie, ou les trois ensembles. Parfois, la déchirure va jusqu’à l’urètre, et la femme perd involontairement ses urines et ses matières fécales. » Explique-t-elle.
Après la réparation chirurgicale, les femmes bénéficient d’une AGR qui leur permet d’assurer leur autonomisation, après le rejet par le mari et le milieu familial. La réinsertion redonne une nouvelle perspective pour les femmes, après l’enfer social qu’elles ont vécu.
Les femmes de Kiffa, comme NDella, nous rappellent que même au creux de la souffrance, la résilience peut fleurir. Leurs coutures sont plus que des vêtements ; elles sont des symboles de réparation et de réinsertion. Au-delà de la couture, c’est un rappel de la nécessité de prévenir la fistule obstétricale, de briser les tabous et d’offrir aux femmes la dignité qu’elles méritent. « Ensemble, faisons en sorte que chaque femme puisse tisser son propre chemin vers la santé, le bonheur et la prospérité. »
Hawa Bâ