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La Mauritanie dispose d’atouts naturels, culturels et sportifs, qui mis en valeur, devraient aider à faire du tourisme un réel secteur porteur pour le développement du pays.
Le Gouvernement a proclamé sa volonté de développer le tourisme à partir de 1996 avec l’adoption d’une Loi organisant l’activité touristique, et la promulgation de plusieurs décrets complémentaires. Cet arsenal juridique comprend les textes de loi suivants:
-Loi n°96-023 du 7 juillet 1996 portant organisation de l’activité touristique en République islamique de Mauritanie ;
-Décret n°97-030 du 5 avril 1997 portant réglementation de la profession de guide en Mauritanie ;
-Décret n°98-026 du 16 mai 1998 fixant les modalités d’agrément des établissements d’hébergement et de restauration ;
-Décret N° 98-63 du 18 août 1998déterminant les normes et modalités de classement des établissements de tourisme ;
-Décret n°2000-03 du 18 janvier 2000 fixant les modalités d’application et de recouvrement de la taxe de promotion touristique ;
-Décret n°2000-05 du 16 février 2000 portant réglementation des agences et bureaux de voyages ;
-Arrêté n°258 du 30 juin 1998 fixant les modalités de fonctionnement des commissions consultatives des établissements d’hébergement et de restauration ;
-Arrêté 3644 du 27 novembre 2008fixant les droits d’agrément du guide touristique ainsi que les modalités de la carte professionnelle et de l’insigne du guide de tourisme ;
-Arrêté n°3648 du 27 Novembre 2008 fixant la composition du Comité Technique Consultatif de Guides de Tourisme en Mauritanie et déterminant les conditions d’octroi des autorisations du guide auxiliaire ;
-Arrêté n°934 du 21 octobre 2016 fixant les normes de classement des Etablissements de Tourisme d’Hébergement et de Restauration.
Le secteur du Tourisme en Mauritanie souffre de l’absence de mécanismes permettant le suivi et le pilotage du secteur- les chiffres clés du secteur sont soit obsolètes soit calculés sur la base des estimations de différentes parties prenantes.
135ème pays sur un total de 140 au classement « Travel & Tourism Competitiveness Index » avec un score de 2,7. 22,5 millions de dollars USD de Recettes du tourisme international en 2017 selon le l’Organisation Mondiale du Tourisme.
2,7 millions de dollars USD de budget accordé à l’Officie National du Tourisme Mauritanien (ONTM) en 2022 dont 60% pour la promotion du secteur, une croissance annuelle moyenne de 50% par rapport au budget alloué en 2019.
Le budget de l’ONTM a ainsi triplé par rapport à 2019, démontrant la volonté du Gouvernement de renforcer la structure de l’Office et son rôle dans la promotion de la destination Mauritanie.
Sur les 3 dernières années, le budget de l’ONTM représente environ 25% du budget du Ministère, largement supérieur au budget alloué au Département du Tourisme (environ 1% du budget du Ministère).
61% du budget de l’ONTM, en 2022, est consacré à la mise en œuvre d’actions visant la promotion de la destination Mauritanie.
Le budget alloué aux charges du personnel a doublé entre 2021 et 2022, mais ce dernier reste largement inférieur aux budgets alloués par les différentes destinations concurrentes (Sénégal, Maroc, Tunisie).
Les recettes du secteur du tourisme ont fortement baissées avec une moyenne annuelle de 17% entre 2012 et 2019-cette baisse est due essentiellement aux crises successives connues par le secteur et la dévalorisation de l’Ouguiya par rapport a dollar.
Développer le tourisme balnéaire
Le Gouvernement Mauritanien a accordé une place de choix au secteur du Tourisme au niveau de sa Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP 2030). Les piliers stratégiques de la SCAPP 2030 et les objectifs spécifiques pour le secteur du tourisme sont les suivants : Promouvoir l’offre mauritanienne auprès des principaux marchés ciblés ; Moderniser le secteur ; Développer une offre touristique basée sur des produits naturels et culturels ; Promouvoir le tourisme local ; Développer les infrastructures touristiques (25% de croissance à horizon 2030) ; Augmenter le nombre de lits à 20 000 ; Assurer la montée en compétence des professionnels du secteur ; Augmenter les emplois créés à 15 000 ; Développer une stratégie nationale pour le secteur du Tourisme ; Créer un cadre favorable à la reprise du secteur du tourisme et Insuffler une nouvelle dynamique au développement des activités touristiques.
En ce qui concerne le tourisme balnéaire, l’offre maritime de la Mauritanie constituée de 2 ports commerciaux ne réponds pas aux besoins et attentes du tourisme de plaisance et ne permettant pas de positionner le pays comme un potentiel point d’escale sur la rive Est de l’atlantique.
Mais, si l’intérieur du pays est essentiellement désertique, la côte regorge de vastes plages désertes, une succession de plages propices au développement des activités balnéaires et sportives, notamment la pêche au gros et la planche à voile.
En effet, la Mauritanie jouit d’un littoral d’environ 700 km face à l’Océan Atlantique, s’étendant de N’Diago au Sud à Nouadhibou au Nord.
La plage de Nouakchott est considérée comme l’une des plus calmes de la région en raison de sa faible fréquentation qui se limite aux activités de pêche dans le centre-ville et à la baignade dans le Nord. Parmi les points forts du développement d’un tourisme balnéaire on peut citer entre autres des plages de sable ininterrompues, une bonne accessibilité au départ de Nouakchott (Aéroport et autoroute vers le Nord), un climat favorable et beaucoup de projets balnéaires portés par des investisseurs étrangers.
Ajouter à cela des Alizés réguliers favorables à la pratique du Windsurf ; un potentiel de pêche sportive de renommée internationale et une expérience dans l’organisation des rallyes (Paris-Dakar/Africa-Eco Race). Il y a aussi des parcs (Voir encadré).
Quant aux points faibles, on note l’existence d’un cadre légal pénalisant pour le tourisme balnéaire ; une faible image touristique malgré le potentiel ; des personnels touristiques peu formés et une absence de tradition de séjour dans les hôtels ; la concurrence des sites de pêche sportive dans la sous-région (Sénégal, Cap-Vert).
Les 2 principaux ports en Mauritanie n’ont pas un rôle décisif sur le plan touristique : Nouakchott assurant une grande partie du trafic commercial et Nouadhibou traitant le transport des minéraux et du poisson. Donc pas de Marina répondant aux attentes des voyageurs, beaucoup d’épaves au niveau de Nouadhibou.
En comparaison, au Maroc on trouve 38 ports, dont 16 sont des ports de commerce répartis sur les 9 régions côtières.
La stratégie du Royaume prévoit de doter le pays d’ici 2030 de six pôles portuaires couvrant l’ensemble des côtes marocaines et opérant pour différentes typologies (commerce, plaisance, croisière, etc.)
La Tunisie compte 16 ports dont 8 ports de plaisance totalisant une capacité (théorique) de près de 3 266 anneaux.
Les ports de plaisance en Tunisie servent à de nombreux plaisanciers comme point de départ pour la navigation estivale (coût compétitif du carburant).
Croisières fluviales sur le fleuve Sénégal
Une grande partie du Sud du pays est bordée par le fleuve Sénégal, qui forme une frontière sur environ 800 km. Celle-ci pourrait faire l’objet de croisières fluviales. Le fleuve s’étale dans les plaines du Guidimaka, du Gorgol, du Brakna et du Trarza, au Sud.
Historiquement c’était une région centrale qui a connu les premiers royaumes, l’islamisation, la colonisation avec ses différents comptoirs disséminés le long du fleuve.
Là aussi on note des points faibles. Un seul circuit existe à partir de Dakar.
L’offre maritime de la Mauritanie constituée de 2 ports commerciaux ne réponds pas aux besoins et attentes du tourisme de plaisance et ne permettant pas de positionner le pays comme un potentiel point d’escale sur la rive Est de l’atlantique.
Parmi les faiblesses, l’inexistence de Marina répondant aux attentes des voyageurs et la présence de beaucoup d’épaves au niveau de Nouadhibou.
Des handicaps à surmonter
La France et l’Espagne, les marchés prioritaires de la Mauritanie, ne sont pas bien desservi par des vols réguliers, avec des touristes préférant les vols charters à destination de l’Adrar.
L’aéroport de Nouakchott est le principal point de débarquement pour le tourisme business et pour les visiteurs ciblant en priorité les Parcs d’Arguin et/ou du Diawling.
L’accessibilité de la Mauritanie par voie aérienne constitue un véritable point de blocage, avec une faible fréquence de vols par semaine, des itinéraires nécessitant 1 à 2 escales et des prix largement supérieurs à la concurrence.
En Mauritanie il n’y a aucun document sur les transports avec horaires et fréquences. Il faut se rendre au lieu indiqué (pas de gare routière centralisée) et là se renseigner et réserver.
L’offre aérienne est très limitée, seulement trois vols par semaine atterrissent à Nouakchott au départ de France.
Nouakchott n’est qu’un port de débarquement commercial, le port de pêche est un simple mouillage devant une plage, et le touriste doit souvent prévoir un escale au niveau de Saint Louis au Sénégal.
La distribution de la destination Mauritanie est très concentrée dans les mains des tour-opérateurs français spécialisés dans les voyages expérientiels, qui représentent la quasi-totalité de l’offre.
La maîtrise de la distribution en ligne, des coûts et la disponibilité de l’information demeurent aujourd’hui un facteur déterminant dans le choix d’une destination- selon les experts du secteurs 80% des touristes partis en 2020 sont des E- touristes qui ont préparé leurs séjours en ligne.
De ce fait, la Mauritanie doit repenser sa stratégie de communication avec un branding et des actions de promotions claires et innovantes afin de toucher les segments clients à cibler.
Et comme on a déjà eu à le souligner, la Mauritanie dispose d’une offre touristique riche mais non mise en valeur ce qui limite la durée de séjours des touristes et leurs déplacements essentiellement aux régions de Nouakchott et d’Adrar.
La faiblesse des infrastructures de transport aériennes, maritimes et terrestres par rapport à la superficie de la Mauritanie, rendent la mobilité entre les différentes zones touristiques difficile.
Autre handicap de taille, le prix des billets d’avion est fortement impacté par une longue liste de taxes qui comptent pour plus de 57% du prix total du billet.
Afin de palier au déficit de ressources humaines qualifiées dans le secteur du Tourisme, le Gouvernement a lancé en 2021, l’école nationale de formation hôtelière et touristique.
Néanmoins cette école ne réponds pas aux besoins spécifiques des professionnels du secteur et devrait s’inspirer des meilleures pratiques des pays concurrents afin d’améliorer son offre.
L’école nationale de formation hôtelière et touristique du Sénégal a été sollicitée pour participer aux sessions de formation pilote lancée par la Mauritanie grâce notamment à son expertise et son équipe d’experts confirmés-à travers son large réseau de partenaires, l’école demeure un acteur pionnier dans le secteur.
Le développement du tourisme en Mauritanie passera impérativement par la définition d’une vision et des objectifs clairs.
On déplore jusqu’ici le peu de diversification de l’offre de Tourisme malgré les différents atouts ; le manque d’animation des sites touristiques ; l’absence de stratégie claire pour la préservation du patrimoine culturel et naturel ainsi que l’absence d’offre à destination des touristes Business, malgré le fort potentiel suite aux découvertes gazières.
Les efforts de promotion de la Mauritanie sur les 5 dernières années se sont principalement concentrés sur la foire de tourisme de Madrid et sur quelques reportages développés par la télévision française qui mettent en valeur principalement le Sahara et délaissant les autres atouts de la destination
Le Gouvernement mauritanien a approuvé en 2020 un plan d’aménagement pour la ville de Nouakchott avec un nombre limité de parcelles prévues pour le développement des zones touristiques et a d’entamé la réflexion pour la structuration d’un plan de développement pluriannuel pour la ville de Nouadhibou.
Au niveau de Nouakchott ce plan prévoit un nombre limité de parcelles de terrain pour le développement de zones touristiques avec une superficie réduite.
La réglementation prévoit un retrait de 150 à 400 m du bord de mer pour le développement de la zone Touristique avec des bâtiments d’une hauteur maximale de R+3
S’agissant du plan de développement pluriannuel de Nouadhibou(PDP), l’entreprise française EGIS spécialiste de l’aménagement urbain est en charge du développement de ce PDP pour la ville de Nouadhibou avec pour objectifs: Renforcer l’activité économique existante ; développer le tourisme et les fonctions tertiaires et assurer l’attractivité du territoire et le bien-être de des habitants.
A noter que le code national des investissements ne propose pas des mesures spécifiques au secteur du Tourisme, mais prévoit des packages à négocier directement avec le Gouvernement dans le cadre des grands projets touristiques établis hors de Nouakchott et qui répondent aux critères d’éligibilité.
En vertu des recommandations de l’étude diagnostic du secteur du tourisme mauritanien menée par les bureaux d’études Deloitte Advisory et Hades Consulting, un alignement des compétences de la main d’œuvre mauritanienne aux besoins des acteurs du tourisme, permettra d’améliorer en premier lieu la qualité des services proposés et à terme de renforcer l’attractivité de la destination pour de potentiel investisseurs.
Il permettra aussi d’identifier les principaux axes d’amélioration qu’il s’agira d’adresser afin d’efficacement accompagner le développement du secteur. Cette étude a mis en exergue l’absence de vision et de stratégie pour le secteur du Tourisme ; l’absence d’indicateurs de suivi et des mécanismes de pilotage de la performance du secteur ; l’absence de données fiables permettant d’évaluer l’impact du secteur du Tourisme sur l’économie ; le faible niveau de communication entre l’écosystème du Tourisme et les Partenaires Techniques et Financiers ; la concentration de la distribution de la destination au niveau des TO, notamment pour l’offre Tourisme du Désert ; l’absence de Branding et de stratégie Marketing de la destination.
Dans le domaine de la gouvernance et de la régulation les constats sont les suivants : Chevauchement des prérogatives des différentes entités publiques ; Une réglementation ne tenant pas compte des évolutions du secteur ; un Système de classification des établissements touristiques peu respecté, voire inefficient ; une Faible mobilisation des régions / acteurs régionaux ; une Faible coordination entre les secteurs public et privés.
Et pour ce qui est des infrastructures et des offres : une qualité de services ne répondant pas aux attentes des clients internationaux ; une offre relativement peu diversifiée malgré les différents atouts de la Mauritanie ; des faiblesses des infrastructures hôtelières et l’obsolescence des équipements ; une absence de réelle de vision pour le développement du foncier touristique ; une absence de stratégie claire pour la préservation du patrimoine culturel et naturel ; une faible connectivité aérienne avec les principaux marchés cibles et des coûts d’accessibilité élevés comparés aux destinations concurrentes ; une faible connectivité entre les différents sites touristiques via le réseau routier et les faiblesses du dispositif de formation du secteur.
Face à tous ces problèmes et à ces grands défis, l’Office National du Tourisme Mauritanien (ONTM) dont la mission principale est de promouvoir la Mauritanie comme destination touristique nationale, internationale et d’investissement, tente de trouver des solutions. Mais cela ne sera possible qu’au prix d’une volonté politique forte de booster le secteur en le dotant des moyens financiers et humains nécessaires et en révisant le cadre juridique.
Par Bakari Gueye/Magazine Mensuel HORIZONS N°034/Mai 2023
