Les terroristes ont fait la belle de la prison civile de Nouakchott. Que de mystère, et de zone d’ombre entourent cette fuite trop bruyante, trop osée et pour le moins désinvolte. Avant même les résultats des premières enquêtes, on peut dire sans risque de se tromper que cette évasion, par son arrogance et son culot porte la carte de visite de la négligence, du laxisme et de la complicité. Trois coupables qu’il faut traduire devant les juridictions.
Et voilà ! Par ces agissements irresponsables, trois âmes ont été arrachées à leur famille. La garde nationale qui assure la sécurité de nos prisons, une vieille tradition vient assurément de montrer ses limites. Sans triomphalisme et vanité, nous sommes l’un des pays de l’Afrique de l’Ouest à avoir pu assurer le contrôle effectif de nos frontières, et bouter hors de chez les djihadistes. Dieu merci !
Nous avions pris au sérieux la menace terroriste, dès le départ. Cependant, au niveau de la détention des prisonniers terroristes, les changements sont peu visibles. En effet, traquer les terroristes est une chose, les garder en prison en est une autre.
Les moyens investis dans la lutte contre la nébuleuse terroriste n’ont de sens que lorsqu’ils permettent de les enfermer dans des lieux surs et hautement sécurisés. Mais il serait tout de même souhaitable que la garde pénitentiaire soit davantage formée à des techniques de la gestion des extrémistes violents et la prévention de la radicalisation violente en milieu carcéral.
Pendant presque une semaine, les Nouakchottois ont vécu la peur au ventre. Internet coupé. De nombreuses activités à l’arrêt, la sécurité avant tout. La menace était partout et était réelle ; autant plus il y a eu mort d’hommes.
Les fugitifs étaient armés et déterminés à éliminer froidement tout celui qui tentait de se mettre devant eux. Cette cavale a tenu en haleine tout un pays jusqu’au sommet de l’Etat où l’agenda officiel a été revu.
Le calme est venu de l’Adrar. D’abord, sous forme de rumeur, puis quelques « langues certifiées ou assermentées » ont donné l’information : trois terroristes tués, le quatrième appréhendé et un gendarme a perdu la vie. Tel est le bilan de l’opération qui a permis, samedi de mettre fin à la cavale des fugitifs de la prison civile de Nouakchott.
De la compassion pour les familles des deux éléments de la garde nationale, les premières victimes des fugitifs, auxquelles viennent s’ajouter une troisième de l’unité d’élite de la gendarme. Ils sont morts en défendant la patrie. Ils sont morts en défendant et protégeant chacun d’entre nous.
Les forces de défense et de sécurité ont lavé l’affront, en mettant hors d’état de nuire ces dangereux individus. Il le fallait pour l’image de notre armée et pour son respect. Le contraire serait trop gênant, un récit difficile à raconter.
Le quatrième terroriste, pris vivant, est sans doute la boîte noire de ce » crash », il livrera tous les secrets de cette évasion plus qu’osée. Une évasion spectaculaire digne d’un film d’actions Américain, et dont on continuera toujours à commenter.
Après l’émotion, place à une enquête sérieuse et sans complaisance. Il en va pour la sécurité des Mauritaniens ! Des mesures urgentes doivent être prises avec en toile de fond une réforme du système pénitentiaire.
Le milieu carcéral est un monde à part. Les autorités doivent penser à créer un corps spécial chargé de la sécurité dans les prisons : des gardes pénitentiaires non professionnels. Un corps où les éléments seront bien choisis, soumis à une sélection sans complaisance et formés par des professionnels, aux termes de stages concluants dans les prisons les plus hautement sécurisées.
En effet, un garde pénitentiaire doit comprendre les rudiments du droit, de la psychologie, la gestion de crise, l’assistance et le secours, et bien évidemment, la particularité des détenus terroristes ou djihadistes etc. Assurer la sécurité en milieu carcéral, ce n’est pas la vocation première de la garde nationale.
Elle est surtout formée pour assurer, entre autres le maintien de l’ordre, la défense opérationnelle du territoire national etc. Les prisonniers ont changé de mentalités, de profils et même de culture. Notre système judiciaire et carcéral doit intégrer ces éléments nouveaux en vue de changer nos pratiques et habitudes.
Transformons nos erreurs en atouts. Cette évasion doit interpeller le ministère de la justice, premier responsable des prisons à exiger un corps sous sa tutelle, formé dans l’esprit de la justice capable d’assurer la garde, la sécurité et la surveillance des prisons. Ce corps de professionnels a pour but de participer à la prévention de la récidive.
La garde pénitentiaire, c’est un métier à part, exigeant des compétences et aptitudes propres, lesquelles sont moins valorisées dans le recrutement de ceux qui assurent aujourd’hui, cette fonction. Par conséquent, l’administration pénitentiaire assure le maintien en prison des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire.
Seyré SIDIBE
OndeInfo